anais
le bulletin de l' information scientifique
de l’ association nantes atlantique
pour l’ information scientifique
(anais – afis)
PERIODIQUE A PERIODICITE VARIABLE
N° 18 – OCTOBRE – NOVEMBRE 2005
numéro spécial « Science et Religion »
sommaire
éditorial
«La séparation des pouvoirs entre les
Religions et les Etats
constitue à la fois la garantie, pour les
chercheurs et enseignants des sciences,
de pouvoir faire leur travail à l’abri des
pressions des religieux et idéologues,
et, la garantie, pour les confessions et
convictions,
de la liberté d’exercice des cultes et de leur
expression … »
chronique d’une
conférence au muséum
l’Association
Nantes Atlantique pour l’Information Scientifique (ANAIS),
la section départementale de l’Union Rationaliste et
le groupe de Nantes de la Libre Pensée ont invité à Nantes,
dans le cadre de la semaine de la science :
Guillaume Lecointre, chercheur,
Professeur au Muséum
National d'Histoire Naturelle,
spécialiste de
la classification phylogénétique du vivant.
le
néo-créationnisme s’invite en prime time
à propos du documentaire
« Homo Sapiens » diffusé le 29 Octobre 2005 sur ARTE
les courriers électroniques et
communiqués de presse émis par ANAIS
le communiqué envoyé en réponse par
la chaîne de service public ARTE
le communiqué de presse émis par l’ AFIS
« Science
Spirituellement Modifiée – ARTE complète sa programmation »
« Un film soupçonné de
néo-créationnisme fait débat »
un article du Monde daté du 30
octobre 2005
complément d’enquête suite à l’article du Monde
les relais scientifiques du
néo-créationnisme
le
créationnisme expliqué par des créationnistes
un exposé « archéo-créationniste »
Evolution ou création ? Examen à la lumière de la science et de
la Bible
Jean-Pierre
SCHNEIDER
un exposé « néo-créationniste »
A la redécouverte du Dieu Créateur
Frank HORTON
les
objectifs du mouvement de l’Intelligent Design
Centimètre par centimètre …
Par Mark Hartwig
Université
Interdisciplinaire de Paris … décryptage …
L' Université Interdisciplinaire de Paris.
une
mise au point commune de l’Association Française pour l’Information
Scientifique
La
Libre Pensée, L’Union Rationaliste, et l’International Humanist
and Ethical Union
L’Université Interdisciplinaire de Paris
Science et pseudo-sciences N°244 [
2001 ] - par Guillaume Lecointre
Assistance
à enseignants en difficulté
dix questions
suggérées par les créationnistes
pour que les
élèves mettent en difficulté
leurs enseignants
de sciences naturelles
Puisées dans le
dossier « évolution » mis en ligne par le CNRS et le Muséum National
d’Histoire Naturelle,
les dix questions
pièges suggérées par l’ouvrage néo-créationniste de J. Wells, « les icônes
de l’évolution »,
et les réponses qu’y
apporte Guillaume Lecointre, du Muséum.
Actualité
Une pétition
internationale des brights
l’Intelligent Design n’est pas de la
science et n’a rien faire,
dans les programmes de sciences des
écoles publiques
Une
nouvelle offensive du créationnisme.
une déclaration du bureau de l’union
rationaliste (22 octobre 2005)
Le Dalaï-lama
ouvrira la conférence annuelle
de la Société
américaine de neurosciences
un
article du nouvel observateur du 19 octobre 2005
Evangelical Scientists Refute Gravity With New 'Intelligent Falling' Theory
Des scientifiques
évangéliques réfutent la gravitation universelle
avec la nouvelle
théorie de la « gravitation intelligente »
un article du journal satirique The
Onion du 17 Août 2005
Dieu avance masqué derrière les manchots
le succès sans précédent du documentaire La Marche de
l’empereur aux USA
un article de Lutte Ouvrière n°1941 du 14
octobre 2005
Une classification alternative des éléments
un article du n° 268 de Science et pseudo-sciences
Salman Rushdie blasts
intelligent design
Formerly fatwaed author decries emergence of religion
in public life
Salman Rushdie dénonce l’ID et la place de
la religion dans la sphère publique
un
article du © 2005 WorldNetDaily.com
En Pennsylvanie,
Charles Darwin devant le tribunal
huit familles de Dover
(Pennsylvanie) portent plainte contre l’enseignement de l’Intelligent Design
à l’école publique en invoquant la clause de séparation
du 1er amendement de la Constitution
un
article du Monde de l’édition du 30 octobre 2005
néo-créationnisme:
le «monstre de spaghetti volant» contre le «dessein» intelligent
Le Devoir, Agence Science-Presse,
Pauline Gravel , Édition du
mercredi 7 septembre 2005
si la
théorie de la création intelligente est enseignée aux élèves,
alors il est impératif que les programmes
contiennent également
des éléments d'informations sur notre
théorie de la création du monde
extrait du site français de l’Eglise du
Monstre en Spaghettis Volant.
« Intelligent design » : LATOUR dénonce le
fondamentalisme … scientifique
Latour affirme
qu’il s’agit d’un « débat entre deux fondamentalismes,
le
fondamentalisme religieux et le fondamentalisme scientifique »
Nous devons reconnaître que la théorie de l’évolution
n’est pas complète …
estime la ministre chrétienne-démocrate de l’Education
néerlandaise ,
qui veut organiser
un débat entre les « défenseurs de l’évolution »
et les partisans du
créationnisme et de « l’intelligence supérieure »
Si le
design intelligent est une théorie scientifique …
alors l'astrologie
l'est aussi et les écoles devraient donc se mettre à
enseigner
l'astrologie sur un pied d'égalité avec l'astronomie!
(en direct du procès de Harrisburg,
Pennsylvanie)
La
théorie du design intelligent déchire les Etats-Unis d’Amérique …
Une
synthèse par l’agence québécoise Agence Science-Presse
« Science
et Religion » sélection de textes
Teilhard
de Chardin
par Ernest Kahane,
Professeur
à l’Université de Montpellier, secrétaire général de l’Union Rationaliste
Préface de Jean Orcel,
Professeur
au Muséum, Vice-président de l’Union Rationaliste
Publications de l’Union Rationaliste, 1960
Science
et religion : quelle convergence ?
par le
professeur Richard Dawkins
du réseau international des brights
« La convergence ? Uniquement
quand cela les arrange.
Pour quelqu'un qui juge honnêtement les
choses,
ce soi-disant mariage entre la religion
et la science
est une imposture médiocre, vide et
habilement enjolivée. »
Science
et religion : l’irréductible antagonisme.
par le professeur Jean Bricmont
président de l’Association Française pour l’Information
Scientifique
« Si
nous prenons en main un volume quelconque,
de
théologie ou de métaphysique scolastique, par exemple, demandons-nous :
Contient-il
des raisonnements abstraits sur la quantité ou le nombre ? Non.
Contient-il
des raisonnements expérimentaux sur des questions de fait et d’existence ?
Non.
Alors,
mettez-le au feu, car il ne contient que sophismes et illusions. »
David Hume[i]
POUR le progrès
scientifique et technique CONTRE les marchands de
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régional ouest atlantique : http://afis44.free.fr/index.htm
coordinateur : Michel
NAUD, ingénieur, adresse électronique : afis44@free.fr
éditorial
« la séparation
des pouvoirs entre les Religions et les Etats
constitue à la fois
la garantie, pour les chercheurs et enseignants des sciences,
de pouvoir faire leur
travail à l’abri des pressions des religieux et idéologues,
et, la garantie, pour
les confessions et convictions,
de la liberté
d’exercice des cultes et de leur expression … »
Lorsque, l’an dernier, tirant
les leçons de la conférence 2004 que nous avions organisée au Muséum (consacrée
au réchauffement climatique), nous décidions d’organiser la conférence 2005 sur
le thème des intrusions spiritualistes dans les sciences, nous ne pensions pas
à quel point, en cet octobre 2005, la question serait autant d’actualité.
Un article du Chicago Tribune, daté du 30 octobre 2005, dresse
un bilan assez impressionnant de dix ans de travail de titan, méthodique (avec
une planification quinquennale), avec des moyens financiers colossaux (pas
moins que 4 millions de dollars de budget pour le seul Discovery
Institute de Seattle) récoltés auprès des donateurs
(chrétiens conservateurs pour la plupart) ou des organismes publics par le
statut d’Organisation Non Gouvernementale à but non lucratif.
S’intéressant à tous
les domaines aux frontières de la connaissance scientifique, les promoteurs de
l’Intelligent Design (« dessein intelligent » ou « création
intelligente » en français) concentrent néanmoins préférentiellement leurs
attaques sur la théorie de l’évolution, et les thèses, popularisées par Darwin
depuis 1859, suivant laquelle l’évolution des espèces résulte de mutations
aléatoires et de la sélection naturelle.
L’objectif de ces
propagandistes n’est pas (encore) de faire enseigner l’Intelligent Design en
tant que tel mais d’introduire dans l’enseignement des sciences que l’évolution
des espèces n’est qu’une théorie parmi d’autres. En réalité, la stratégie du
mouvement de l’Intelligent Design, ainsi que la commentent les observateurs,
est une stratégie de contournement de la
séparation constitutionnelle entre les religions et l’Etat, là ou elle
existe.
C’est en effet un arrêt
de la cour suprême des Etats-Unis de 1987 qui avait banni la théorie
créationniste (la création du monde suivant la version littérale de la Bible)
des écoles publiques au titre de la séparation des religions et de l’Etat
(introduite aux Etats-Unis par le 1er amendement à la
constitution) ; en ayant « laïcisé » leur approche, les
prédicateurs chrétiens entendent retourner la constitution américaine à leur profit
en prétextant désormais que les théories darwiniennes et néo-darwiniennes de
l’évolution sont controversées par d’autres théories
« scientifiques » , que ces théories présentent donc un
« biais athéiste » et qu’il s’agit en conséquence d’une violation du
principe constitutionnel de la séparation des religions et de l’Etat que de ne
pas enseigner aux enfants que la théorie de l’évolution n’est qu’une théorie
parmi d’autres.
A cet égard, le procès
courageusement intenté par huit parents d’élèves en Pennsylvanie, premier état
américain à avoir introduit l’Intelligent design dans les programmes scolaires,
est d’un enjeu de premier ordre et ce pas seulement pour les Etats-Unis. (lire
dans la partie « actualités » du bulletin)
Une réaction française
fréquente est de considérer ces questions avec le même dédain souvent rencontré
pour tout ce qui vient d’outre-atlantique : c’est amusant de voir ces
« infantiles d’américains » avec leur bigoterie d’un autre âge …
c’est certes un peu inquiétant quand on regarde cela à travers le filtre de la
puissance économique, politique et militaire que les USA représentent …
néanmoins, tout bien pesé, nous, en France, si ce n’est en Europe, nous sommes
à l’abri …
Bien sûr « il n’y
a pas le feu au lac » ; l’affaire du documentaire spiritualiste
diffusé samedi 29 octobre en prime time sur Arte
illustre bien que certains courants minoritaires (l’école teilhardienne de
paléontologie, l’université interdisciplinaire de Paris, quelques scientifiques
bien connus) perdurent et ont, fort heureusement, le droit d’exprimer leurs
croyances ; mais cette même affaire révèle aussi, qu’une fois alertée
qu’il y avait dans ce film confusion possible entre la dimension scientifique
(réelle) du reportage et le biais spiritualiste si ce n’est religieux (subtil
mais évident pour l’oreille avertie) dans l’interprétation des faits et leur
mise en perspective, la chaîne publique a immédiatement mis en place un
dispositif d’alerte des téléspectateurs ainsi qu’un court mais clair débriefing
par des scientifiques non suspects d’interprétation biaisée.
Néanmoins, même si
c’est encore à une autre échelle, l’accélération de la pression religieuse sur
la sphère publique, celle que le Chicago Tribune pointait pour la dernière
décennie, est également bien visible en France et en Europe ; sans entrer
dans les détails, et sans pointer particulièrement les débats relatifs au
traité constitutionnel européen ou le communautarisme d’un ministre de
l’intérieur en mal d’ambitions présidentielles, nous pourrions citer en vrac,
la volonté de la ministre hollandaise de l’éducation d’organiser un débat entre
les « défenseurs de l’évolution » (théorie réputée
« incomplète »), les créationnistes et les partisans de
« l’intelligence supérieure » (mai 2005) ; la conférence européenne
à Bruxelles de l’United Religions Initiative
(Initiative des religions unies) qui, sous couvert, de combattre les violences
interreligieuses en Europe (?) entendait examiner le rôle spécifique renforcé
que pourraient jouer les églises (unies pour l’occasion) dans les institutions
européennes (septembre 2005) ; la première conférence européenne de
l’Intelligent Design réunissant à Prague plusieurs centaines d’intervenants et
d’auditeurs (octobre 2005) …
Ce bulletin,
s’inscrivant dans la continuité de la conférence organisée au Muséum d’Histoire
Naturelle de Nantes, en même temps que dans l’actualité tout court, donne
matière à toutes et tous pour se construire sa propre idée ; chacun et
chacune se forgera sa propre idée au regard des approches « laïcisées »
et beaucoup plus subtiles des tenants du « supernaturalisme »
(approche amenant désormais le plus souvent les scientifiques en position
défensive sur leur propre discipline …, alors qu’il fut un temps ou les progrès
de la connaissance scientifique ont pu faire penser aux rationalistes
scientifiques et libres penseurs que les pensées religieuses n’étaient plus que
scories d’un monde ancien) ; chacune et chacun se fera une idée de la
responsabilité importante de la qualité de l’instruction publique (formation
des enseignants, programmes nationaux, qualité des manuels, etc.) et de la
vulgarisation scientifique ; chacune et chacun, se fera une idée, the last but not the least, sur
l’importance de la séparation entre les idéologies en général et les religions
en particulier et les Etats ; pour reprendre les mots du compte-rendu de
notre conférence du 11 octobre, « cette
séparation des pouvoirs constitue à la fois la garantie, pour les chercheurs et
enseignants des sciences, de pouvoir faire leur travail à l’abri des pressions
des religieux et idéologues, et, la garantie, pour les confessions et
convictions, de la liberté d’exercice des cultes et de leur expression. ».
A à peine plus d’un mois de la date
anniversaire du centenaire de la loi de séparation de 1905 que d’aucuns
voudraient «toiletter » , ce message ne pouvait mieux tomber …
conclusion
personnelle de l’éditorialiste : la conclusion personnelle que je tire de cet
éditorial, c’est que je suis vous
incite, chacun et chacune d’entre vous, à vous rapprocher des associations avec
lesquelles nous avons coutume de co-organiser nos conférences (la libre pensée,
l’union rationaliste), ou l’une des multiples associations qui se sont
associées à cet appel, afin de participer nombreux à la manifestation nationale
organisée à Paris le samedi 10 décembre à 15h00 de la Place de la République en
direction de l’Assemblée Nationale pour la défense et la promotion de la loi de
1905. Signataire de l’appel aux laïques depuis octobre 2004, j’y serai !
lire l’appel aux
laïques :
http://librepenseefrance.ouvaton.org/actions/appel_laiques.htm
http://www.union-rationaliste.org/Laicite_1905.html#manif
Michel Naud,
coordinateur de
l’association Nantes-Atlantique pour l’Information
Scientifique (ANAIS, un comité de l’AFIS)
vice-président de
l’association française pour l’Information Scientifique (AFIS)
chronique d’une conférence au muséum
l’association
Nantes atlantique pour l’information scientifique,
la section
départementale de l’union rationaliste et
le groupe de Nantes
de la Libre Pensée ont invité à Nantes,
dans le cadre de la
semaine de la science :
Guillaume Lecointre, chercheur,
Professeur au
Muséum National d'Histoire Naturelle,
spécialiste de
la classification phylogénétique du vivant.
la science dit « oui » à la loi de séparation du
9 décembre 2005
Invité à l’initiative
de l’association nantes-atlantique pour l’information
scientifique (ANAIS pour les intimes), de la libre pensée nantaise, et de
l’union rationaliste, pour évoquer les intrusions spiritualistes dans les
sciences, Guillaume Lecointre, venu ce mardi 11
octobre à la rencontre des nantaises et des nantais à l’occasion de la semaine
de la science, a rencontré un réel succès.
Son parcours de vulgarisateur de la science et de
démystificateur des passagers clandestins qu’elle véhicule quelquefois à son
insu l’emmenait tout d’abord en fin d’après-midi à la FNAC. Devant un forum
bien rempli, et commentant ses différents ouvrages, il se faisait tour à tour
le professeur et chercheur du muséum national d’histoire naturelle qu’il est,
« professionnel de l’évolution » décryptant pour un public attentif
la révolution copernicienne de la nouvelle classification phylogénétique du
vivant, le vulgarisateur infatigable de
la chronique scientifique de Charlie Hebdo, et le militant déterminé du
matérialisme de la science qui dénonce les intrusions spiritualistes qu’elle
subit.
Ce dernier aspect
était le thème central de la conférence suivie d’un débat que prononçait en
début de soirée Guillaume Lecointre, presque de
retour « chez lui » devant un amphithéâtre plein du muséum, municipal
cette fois, d’histoire naturelle. Ainsi ces intrusions dans les sciences
étaient caractérisées autant par des tentatives d’emprise idéologique sur la
science du siècle dernier (comme l’anthropologie nazie dans l’Allemagne
hitlérienne ou le lyssenkisme en URSS) que par
celles, actuelles, plus spécifiquement religieuses : le créationnisme des
fondamentalistes protestants aux Etats-Unis (mais aussi en Europe), les
promoteurs de l’« intelligent design », l’université
interdisciplinaire de Paris – UIP – , la fondation Templeton,
etc.
En bon spécialiste de la systématique, Guillaume Lecointre commençait ainsi, pour bien monter ce qu’elle
n’est pas, par définir la science pour ce qu’elle est : une démarche réaliste
(l’univers existe, indépendamment de l’observateur), rationnelle (en mobilisant
des opérateurs logiques universels) et matérialiste (se préoccupant d’entités
matérielles et de leurs effets) d’explication du monde réel. C’est cette
démarche qui fait de la science un facteur d’émancipation et d’
« enchantement du monde » en repoussant toujours plus avant les
limites des connaissances.
Ce n’est ainsi pas la
science qui est responsable de son détournement pour des objectifs charlatanesques
(à l’image de produits aux qualités publicitairement « démontrées
scientifiquement ») voire malfaisants (à l’évocation des armes nucléaires,
chimiques ou bactériologiques) mais des considérations politiques et
mercantiles qui instrumentalisent l’état d’avancement des connaissances et de
la maîtrise des techniques.
De la même façon, autant la science n’a pas vocation à
apporter de réponse à ce qui est par définition en dehors de son champ (des
agents surnaturels) autant les théologiens et autres idéologues ne sont d’aucun
secours, au contraire, à la démarche scientifique. Ainsi le théologien (ou
idéologue), le citoyen et l’homme de science sont appelés à rester
« chacun chez soi », même si chaque individu concret peut-être scientifique
dans son labo, citoyen dans sa réunion de quartier, et faire de la métaphysique
quand il est de retour à la maison.
C’est donc sans
étonner les organisateurs rationalistes et libres penseurs de cette initiative,
que Guillaume Lecointre se félicitait que la France
puisse s’appuyer sur une tradition républicaine de laïcité établissant
clairement la séparation entre les religions et l’Etat ; en effet,
expliquait-il, cette séparation des pouvoirs constitue à la fois la garantie,
pour les chercheurs et enseignants des sciences, de pouvoir faire leur travail
à l’abri des pressions des religieux et idéologues, et, la garantie, pour les
confessions et convictions, de la liberté d’exercice des cultes et de leur
expression. Ce plaidoyer conclusif en faveur de la laïcité institutionnelle et
scolaire tissait ainsi un lien inattendu entre cette semaine de la science et
le centenaire qui se rapproche de la loi du 9 décembre 1905.
Indiscrétion :
une légende urbaine rapporte enfin que Guillaume Lecointre,
fidèle à l’image de Charlie, a terminé son parcours nantais en démontrant
tardivement un solide appétit devant une choucroute bien garnie ... Comme quoi
la soif de connaissance doit pouvoir s’appuyer sur de solides bases matérielles
… Décidemment le matérialisme de Guillaume Lecointre
nous est bien sympathique.
compte-rendu réalisé
par Michel Naud, le 12 octobre 2005
ouvrages de Guillaume
Lecointre :
Classification phylogénétique du
vivant (2001)
Intrusions spiritualistes et
impostures intellectuelles en sciences (2001)
Les matérialismes (et leurs
détracteurs) (2004)
Comprendre
et enseigner la classification du vivant (2004)
Charlie ramène sa science (2005)
le néo-créationnisme
s’invite en prime time à ARTE
La perspective de la diffusion le 29 octobre 2005,
un samedi soir à 20h40, et sans mise en garde préalable des téléspectateurs,
d’un documentaire de paléontologie véhiculant en « passagers
clandestins » des thèses finalistes de la tradition du père jésuite et
néanmoins paléontologue Teilhard de Chardin suscite l’émotion au sein de la
communauté scientifique. Chronique d’une mobilisation pour l’information
scientifique.
les courriers électroniques et
communiqués de presse émis par ANAIS
le communiqué envoyé en réponse par
la chaîne de service public ARTE
-----
Original Message -----
From: ANAIS, un comité de l'AFIS
To: xxxxxxx
@artefrance.fr [rendu
anonyme par anais]
Sent: Tuesday, October
25, 2005 9:04 AM
Subject:
documentaire "Homo Sapiens : une nouvelle histoire de l'homme"
à
l'attention des unités "découverte et connaissance" et
"documentaire"
Bonjour à
vous,
Je viens
de lire sur votre site la présentation que vous réalisez du documentaire que
vous allez diffusez samedi soir à 20h30 « Homo Sapiens : une nouvelle
histoire de l’homme ».
« Ce documentaire lumineux, dans le contexte d'une science en pleine
ébullition, propose de suivre une hypothèse qui révolutionne notre vision de
l'évolution. (…) Homo sapiens, notre père direct, serait né voici 160 000
ans d'une cinquième flexion du sphénoïde, obéissant à une évolution inscrite
dans nos gènes et transmise par l'ADN : c'est l'Inside
story, l'hypothèse d'une mutation interne programmée de l'espèce. Une
orthodontiste française, Marie-Josèphe Deshayes, en tentant de comprendre pourquoi les enfants
d'aujourd'hui présentent de plus en plus de déformations de la mâchoire, a
rejoint les conclusions d'Anne Dambricourt. Une
nouvelle mutation d'Homo sapiens, avancent les deux chercheuses, serait en préparation,
à une échelle de temps encore inconnue. »
Dit comme
cela on pourrait penser, et je pense que vous le pensez vous-même, qu’une
hypothèse scientifique séduisante émerge, alternative aux modèles
« dominants », puisque « Inside
story » fait écho à l'« East Side Story » de la vallée du rift et aux hypothèses
darwiniennes et néo-darwiniennes en matière d’évolution des espèces (= basé sur
les phénomènes de variation – sélection ).
Un lecteur
du programme, insuffisamment informé, pourrait penser que la rédaction de cette
présentation, obéissant à une loi du genre journalistique, est un peu
"sensationnaliste" (la rédaction fleure bon le
« finalisme » qui est une hypothèse de nature
« métaphysique » extérieure à la science) mais que le documentaire
« corrigera le tir ».
Malheureusement
cela ne sera pas le cas car Anne Dambricourt-Malassé
est bien connue. Elle est secrétaire générale de la Fondation Teilhard de
Chardin. Le biais métaphysique dans ses études est particulièrement clair et je
vous invite à vous faire vous-même une idée en lisant par exemple l’entretien
qu’elle a donné à Nouvelles Clés : « L’évolution du
vivant obéit à une logique d’organisation supérieure et non au seul pur hasard
: thèse paléontologique qui est fondée scientifiquement et qui rejoint les
idées visionnaires de Teilhard de Chardin » http://www.nouvellescles.com/Entretien/Dambricourt/Dambricourt.htm
Suspectant donc que, sans même que vous le sachiez, vous vous étiez fait
prendre dans les filets des associations de la promotion de la religion dans
les sciences, j’ai tiré les fils usuels que l’on commence à connaître si on
s’intéresse un peu aux sciences de la vie, et j’ai évidemment trouvé immédiatement
confirmation que Jean Staune,
secrétaire général de l’Université Interdisciplinaire de Paris assure la
promotion « des
travaux de Anne Dambricourt Malassé, dont les lecteurs de Nouvelles Clés avaient pu
prendre connaissance en avant-première, et qui montrent que l’apparition de
l’homme s’inscrit dans un processus se déroulant sur soixante millions
d’années, processus insensible aux mutations aléatoires, aux changements du
climat et de la végétation. Ce qui fragilise quelque peu la position de ceux qui
affirment que notre existence ne saurait avoir la moindre signification » http://www.staune.fr/Esprit-es-tu-la.html
Il ne faut pas se méprendre sur l’Université Interdisciplinaire
de Paris qui n’est pas, contrairement à ce que son nom semble indiquer, une
université. Il s’agit d’une organisation financée par la fondation Templeton. La fondation Templeton, cherche en effet « à développer la
recherche et l’enseignement interdisciplinaires sur les rapports entre sciences
de la nature et religions ». Histoire de « boucler la
boucle » je suis allé chercher sur le site de l’Université
Interdisciplinaire de Paris ce que j’étais déjà sûr de trouver, à savoir qu’en
page d’acceuil de leur association ils assurent la
promotion de la diffusion du documentaire que vous allez diffuser :
« L'UIP vous
recommande tout particulièrement l'émission
Homos Sapiens une nouvelle histoire de l'homme sur Arte
le Samedi 29 octobre à 20h45. A travers les témoignages de plusieurs scientifiques tels que
Phillip Tobias, Anne Dambricourt, Marie-Josèphe
Deshayes ou Jean Chaline, cette émission vous introduira de façon particulièrement claire et
accessible aux grands
débats actuels sur les origines de l'homme et, au-delà, sur l'évolution
elle-même. Ce
phénomène est-il purement contingent ou obéit-il à une logique, quelle qu'elle
soit ? (…) Une occasion remarquable de mieux comprendre des faits et une
théorie que l'UIP a été, il y a 10 ans, parmi les tous premiers à faire
connaître au public français. »
http://www.uip.edu/fr/
Ce n’est
absolument pas un souci dès lors que l’on est averti par avance que les
objectifs poursuivis n’ont rien de scientifique mais tout du métaphysique ou
religieux : les sciences, ou en tous cas un discours à connotation
scientifique, sont mobilisés au profit du progrès de visées spiritualistes. Je
crains que vous n’en ayez pas pris toute la mesure. Je ne saurais donc trop
vous encourager, d’abord de vérifier par vous-même que ce que je vous suggère
est fondé (après tout, vous ne pouvez pas savoir si ce n’est pas moi qui vous
« ballade ») avec les liens internet que je vous ai donné, et
ensuite, après validation de mes propos et si votre objectif, comme je le
suppose, est d’informer tout autant qu’intéresser les téléspectateurs, de
réaliser une mise en garde appropriée des spectateurs.
Les
hypothèses émises en science sont bien évidemment soumises à évaluation, réfutation,
validation mais « le grand débat actuel » qu’évoque Jean Staune et son Université Interdisciplinaire de Paris, et
qu’entend illustrer ce documentaire, lui, est bien un débat extérieur à la
science, comme l’est celui de l’Intelligent Design qui défraie la chronique aux
Etats-Unis d’Amérique ou aux Pays Bas.
Espérant
avoir contribué à clarifier cette question et évité ainsi que votre chaîne,
fort intéressante, ne soit pas involontairement prise aux pièges d’une
polémique (en plein débat sur la laïcité !),
Veuillez
accepter mes salutations les meilleures et néanmoins respectueuses,
Michel Naud
coordinateur
de l’association Nantes-Atlantique pour l’Information
Scientifique (ANAIS) http://afis44.free.fr/
vice-président
de l’association française pour l’information scientifique
-----
Original Message -----
From: ANAIS, un comité de l'AFIS
To: xxxxxxx
@artefrance.fr [rendu
anonyme par anais]
Sent: Wednesday, October
26, 2005 9:38 AM
Subject:
communiqué de presse sur le documentaire "Homo Sapiens : une nouvelle
histoire de l'homme"
Bonjour,
Suite à
mon message d'hier matin, je me permets, par souci de transparence, de vous
faire part que nous avons décidé d'émettre ce matin un communiqué de presse.
Vous
pouvez d'ores et déjà le consulter à
http://www.communique-de-presse.com/content/view/3749/2/
Confiant
dans une réaction positive de votre chaîne,
je vous
prie de bien vouloir accepter nos salutations les plus cordiales et néanmoins
respectueuses,
Michel Naud
coordinateur
de l’association Nantes-Atlantique pour l’Information
Scientifique (ANAIS) http://afis44.free.fr/
vice-président
de l’association française pour l’information scientifique
-----
Original Message -----
From: xxxxxxx @artefrance.fr [rendu anonyme par
anais]
To: ANAIS, un comité de l'AFIS
Sent: Wednesday, October
26, 2005 4:01 PM
Subject:
RE communiqué de presse sur le documentaire "Homo Sapiens : une nouvelle
histoire de l'homme"
Communiqué de presse
28/10/2005
SAMEDI 29 OCTOBRE à 20h40
ARTE COMPLETE SA PROGRAMMATION
_______________________________________________________
Dans le souci d’améliorer l'information
du public et dans une volonté d'objectivité scientifique, ARTE complète sa
programmation en soumettant à un débat l'hypothèse sur l'évolution de l'homme
présentée dans le documentaire HOMO SAPIENS, une nouvelle histoire de l’homme ?
Ce débat animé par Michel Alberganti,
journaliste au Monde réunira :
Pierre-Henri Gouyon
: Spécialiste
de la théorie de l’évolution
Museum National d’Histoire Naturelle -
Ecole
Polytechnique
Michel Morange
: Biologiste, historien des sciences –
Unité de
génétique moléculaire –
Ecole
Normale Supérieure
-----
Original Message -----
From: ANAIS, un comité de l'AFIS
To: xxxxxxx
@artefrance.fr [rendu
anonyme par anais]
Sent: Wednesday, October
26, 2005 4:40 PM
Subject:
Re: RE communiqué de presse sur le documentaire
"Homo Sapiens : une nouvelle histoire de l'homme"
Bonsoir,
merci
beaucoup de cette prise en compte,
je vais me
préoccuper dès maintenant de faire connaître votre décision le plus
largement possible afin de calmer la légitime (à notre sens) émotion qui se
développait dans les milieux scientifiques,
cordialement,
michel
naud
-----
Original Message -----
From: ANAIS, un comité de l'AFIS
To: To: xxxxxxx @artefrance.fr [rendu anonyme par
anais]
Sent: Thursday,
October 27, 2005 10:45 AM
Subject:
documentaire "Homo Sapiens : une nouvelle histoire de l'homme"
Bonjour
à vous,
comme
je vous l'annonçais hier soir, nous avons diffusé votre information sur les
réseaux internet et avons publié ce matin un communiqué de presse. Vous
trouverez ci-dessous le texte intégral de ce communiqué de Presse. Vous y
constaterez notamment que nous faisons référence à votre propre communiqué
d'hier en indiquant :
_____________________________________
Par
un communiqué qu’elle nous a adressé le 26 octobre, la chaîne ARTE nous a fait
part que « dans le souci d’améliorer l'information du public et dans une volonté
d'objectivité scientifique » elle a complété sa programmation « en soumettant à un débat
l'hypothèse sur l'évolution de l'homme présentée dans le documentaire HOMO SAPIENS, une nouvelle
histoire de l’homme ?. »
Nous
ne pouvons que féliciter la chaîne de service public ARTE pour sa réactivité et
le respect du téléspectateur dont elle témoigne en réalisant ce complément de
programme, à l’image de la qualité de la diffusion auquel elle s’attache
conformément à son « Vivons curieux ! Plus de découverte, Plus de culture, Plus d'information, de
décryptage ».
______________________________________
Ce
communiqué peut être lu directement par le lien :
http://www.communique-de-presse.com/content/view/3784/2/
Vous
remerciant une nouvelle fois pour l'attention que vous avez bien voulu accorder
à notre message d'alerte et vous souhaitant une pleine réussite dans les
projets de votre chaîne,
Cordialement,
pour
l'association française pour l'information scientifique,
son
vice-président, Michel Naud
TEXTE DU COMMUNIQUE DE L’AFIS
Science
Spirituellement Modifiée – ARTE complète sa programmation
Selon les thèses d’un reportage diffusé sur
ARTE le 29 octobre, Homo Sapiens serait né d’une « mutation
interne programmée de l’espèce » « obéissant à une évolution inscrite dans nos
gènes et transmise par l'ADN » . Plus fort : « Une
nouvelle mutation d'Homo sapiens, (…) serait en préparation, à une échelle de
temps encore inconnue. »
Nous nageons bien sûr en pleine pseudoscience : aucun mécanisme n'est connu ni
même imaginable qui permette à l'ADN de «
programmer par avance » des mutations qui interviendront dans le futur. Le
processus bien identifié est le suivant : des mutations interviennent au hasard
; certaines « marchent », d’autres pas ; puis enfin la sélection naturelle «
fait le tri » entre celles qui « marchent » : il n’y a aucune place pour une « pré-sélection » de ce qui n'existe pas encore …
La paléontologue Anne Dambricourt-Malassé, secrétaire
générale de la Fondation Teilhard de Chardin, au centre de la thèse défendue
dans ce documentaire, a défendu ses vues métaphysiques dans un entretien accordé
à Nouvelles
Clés : « l’évolution du vivant obéit à une
logique d’organisation supérieure et non au seul pur hasard : thèse
paléontologique qui est fondée scientifiquement et qui rejoint les idées
visionnaires de Teilhard de Chardin ».
Elle
rencontre dans son entreprise le soutien de l’Université Interdisciplinaire de
Paris et de son secrétaire général Jean Staune
pour lequel ces thèses argumentent un «processus
insensible aux mutations aléatoires, aux changements du climat et de la
végétation », et entrent ainsi en contradiction avec « la position de ceux qui affirment que notre existence ne
saurait avoir la moindre signification ».
N’oublions pas que l’Université
Interdisciplinaire de Paris n’est pas, contrairement à ce que son nom
semble indiquer, une université. Il s’agit d’une organisation financée par la fondation Templeton,
fondation cherchant « à développer la recherche et l’enseignement
interdisciplinaires sur les rapports entre sciences de la nature et religions
».
L’Association Française pour l’Information
Scientifique, par son vice-président, a alerté la chaîne publique du risque de
confusion pour des téléspectateurs mal informés de la diffusion d’un tel
documentaire sans mise en garde
préalable de la présence de « passagers clandestins » . Le 26 octobre un
communiqué a été adressé à la Presse afin d’alerter sur les risques de la
propagation en plein champ télévisuel de Science Spirituellement Modifiée sans
étiquetage signalétique à l’attention du public.
Par un communiqué qu’elle nous a adressé le 26
octobre, la chaîne ARTE nous a fait part que « dans le souci d’améliorer l'information du
public et dans une volonté d'objectivité scientifique » elle
a complété sa programmation « en
soumettant à un débat l'hypothèse sur l'évolution de l'homme présentée dans le documentaire HOMO SAPIENS, une nouvelle
histoire de l’homme ?. » (*)
Nous ne pouvons que féliciter la chaîne de service public
ARTE pour sa réactivité et le respect du téléspectateur dont elle témoigne en
réalisant ce complément de programme, à l’image de la qualité de la diffusion
auquel elle s’attache conformément à son « Vivons curieux ! Plus de découverte, Plus de
culture, Plus d'information, de décryptage ».
Nous nous devons, de
notre côté, de renouveler notre mise en garde des téléspectateurs sur le fait
que le documentaire HOMO SAPIENS, une nouvelle histoire de
l’homme ? caractérise une tentative d’intrusion spiritualiste dans les
sciences, défendant des thèses qui ne sont pas sans rappeler celles des
créationnistes et des avocats de l’Intelligent Design. Il convient donc de
garder son esprit critique en éveil durant la diffusion de ce documentaire, et
de ne pas zapper avant le débriefing de décryptage qui lui succédera.
association française pour l’information
scientifique
(communiqué transmis le 27 octobre 2005 par
son vice-président, Michel Naud)
(*) Ce débat animé par Michel Alberganti ,
journaliste au Monde réunira :
Pierre-Henri
Gouyon, spécialiste de la théorie de l’évolution,
est directeur du laboratoire d'Ecologie, Systématique et
Evolution à Paris-XI ORSAY, chargé de cours à
l'INRA et maître de conférences à l'École
Polytechnique.
Michel
Morange, est professeur de biologie à
l'université Paris-VI et à l'École Normale Supérieure.
Il enseigne l'histoire des sciences à l'université Paris-VII
et dirige le Centre Cavaillès d'histoire et de philosophie des sciences de
l'ENS.
Un film soupçonné de
néo-créationnisme fait débat
LE MONDE | 29.10.05 |
11h17 • Mis à jour le 29.10.05 | 14h51
La
programmation sur Arte, samedi 29 octobre à 20 h 40,
d'un documentaire intitulé Homo sapiens, une nouvelle histoire de l'homme
suscite des remous dans la communauté scientifique. Cette levée de boucliers a
poussé les responsables de la chaîne à organiser, en dernière minute, un débat
contradictoire à l'issue du documentaire, "dans une volonté
d'objectivité scientifique" .
Pourquoi un tel tollé ? Réalisé par Thomas
Johnson, le film présente les travaux d'Anne Dambricourt-Malassé
chercheuse au CNRS, rattachée au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN)
comme une "nouvelle théorie de l'évolution" , sans préciser
qu'elle est au centre d'une violente controverse depuis de nombreuses années.
Pour une large part des paléoanthropologues
français et étrangers, ses travaux ne suivent pas une démarche scientifique.
Ils s'inspirent de la théorie dite du "dessein intelligent" (Intelligent
Design, en anglais), qui postule un Univers conçu pour l'homme selon une
intention divine. Le nom de Mme Dambricourt
apparaît d'ailleurs sur une pétition diffusée par le Discovery
Institute fer de lance des néocréationnistes
américains dans leur lutte contre le darwinisme.
Les travaux de Mme Dambricourt s'inscrivent dans une "vieille
tradition française de défiance vis-à-vis du darwinisme", explique Jean-Jacques Hublin, directeur du département de l'évolution humaine au
Max Planck Institute for Evolutionary
Anthropology, à Leipzig (Allemagne). "Sans
doute, poursuit M. Hublin, parce qu'il y a eu une
implication forte des religieux dans l'histoire de l'évolution en France,
depuis l'abbé Breuil jusqu'à Teilhard de Chardin." Jugement confirmé
par Pascal Picq, maître de conférences au Collège de
France : "Ce courant de pensée est très présent en paléoanthropologie,
et il est soutenu par des organisations efficaces dont les importants moyens
financiers viennent parfois d'outre-Atlantique."
PRINCIPE CARDINAL
Que dit le film ? D'abord, il jette aux orties
la théorie d'Yves Coppens (dite de l'East Side Story). Celle-ci explique que des grands singes se
sont redressés pour s'adapter à la savane, à l'est du rift africain. Plus que
l'East Side Story déjà
mise à mal par la découverte de Toumaï (Sahelanthropus tchadensis
), un hominidé vieux de 7 millions d'années, loin à l'ouest du rift , la thèse
de Mme Dambricourt remet en question un
principe cardinal de la théorie de Darwin : l'adaptation à l'environnement
n'est pas, à en croire le film, "la cause principale de l'évolution
humaine" . Le principal moteur de l'évolution humaine serait
l'inflexion du sphénoïde, un os en forme de papillon situé à la base du crâne.
Cet os, selon Mme Dambricourt, s'est infléchi à cinq reprises au cours des
derniers 60 millions d'années. Ce qui a conduit à chaque fois à l'émergence de
nouvelles espèces : singes, grands singes, australopithèques, puis
représentants du genre Homo . Avec, en bout de course, l'homme
moderne (Homo sapiens ). Ces inflexions successives seraient ainsi "un
fil rouge qui semble traverser toute l'histoire de l'évolution depuis les
primates jusqu'à l'homme" . La conclusion est que "le moteur
de l'évolution n'est donc pas à l'extérieur, mais à l'intérieur de chacun de
nous" .
Pour étayer ses thèses, Mme Dambricourt "a longuement étudié le développement,
depuis l'embryon jusqu'à l'âge adulte, de différents primates" , dit
le paléoanthropologue (CNRS) Fernando Ramirez-Rozzi.
"L'idée est très bonne , estime-t-il. Car c'est un aspect quelque
peu mis de côté par la théorie néodarwinienne de
l'évolution." En revanche, les conclusions qu'en tire Mme Dambricourt "relèvent du délire" , ajoute
aussitôt le chercheur.
M. Picq, reconnaît à
Mme Dambricourt "le mérite d'avoir
mis en évidence la flexion du sphénoïde chez les hominidés". "Cet os
est un carrefour important , poursuit-il. C'est là que se rencontrent
les zones associées au développement du cerveau, de la face et de la
locomotion." Mme Dambricourt,
ajoute M. Picq, "bute sur l'interprétation"
. "Pour une raison absolument mystérieuse , précise de son côté M. Ramirez-Rozzi, elle a voulu faire de cet os la pièce
centrale de toute l'anatomie humaine. Or on sait depuis longtemps que définir
l'homme à partir d'un seul caractère est absurde."
Christoph Zollikofer,
professeur d'anthropologie à l'université de Zurich, auteur de la
reconstitution virtuelle du crâne de Toumaï,
considère que " l'argument du sphénoïde est limité, car on
rencontre la flexion du sphénoïde chez certains mammifères, et même des
poissons, sans en connaître la cause". Le chercheur suisse estime qu'"
on ne peut pas perdre de vue l'adaptation comme force de la sélection"
et que, "lorsqu'on fait de la science, on ne commence pas par les
réponses, mais par les questions " .
ÉVOLUTION DISCONTINUE
Marc Godinot,
spécialiste de l'évolution des primates à l'Ecole pratique des hautes études
(EPHE), confirme que "plus personne" , à l'étranger, ne croit
à la théorie d'Yves Coppens sur le redressement des grands singes dans la
savane. Mais il conteste, en revanche, l'évolution humaine par paliers
présentée dans le film car, dit-il, "rien ne permet d'affirmer qu'il y
a eu des sauts évolutifs de cette ampleur" . Il n'admet pas, non plus,
la séparation entre facteurs internes et externes présentée dans le
documentaire. Car, en réalité, " ils interagissent en permanence et de
façon inextricable ".
Pour certains chercheurs, la thèse de Mme
Dambricourt ne mérite même pas le débat scientifique.
Jean-Jacques Jaeger, professeur de paléontologie des vertébrés à l'université Montpellier-II, ne mâche pas ses mots : " C'est
la description d'un phénomène
évolutif, formulée par quelqu'un qui n'a jamais entendu parler de science. Ce
qui est présenté n'a aucun sens quand on connaît la complexité des mécanismes
de développement, ajoute-t-il. Des travaux de ce genre doivent être
validés au plan international par des revues dotées de comités de lecture. Cela
n'a jamais été le cas."
Pour Guillaume Lecointre,
professeur au MNHN et spécialiste de systématique, " le film
présente la théorie de Mme Dambricourt
comme une idée révolutionnaire. Ce n'est pas le cas, car les contraintes
architecturales de l'évolution sont intégrées dans le darwinisme,
précise-t-il. Ce documentaire est de la théologie déguisée en science, et le
public est trompé." Plus rude encore, André Langaney,
directeur du laboratoire d'anthropologie biologique du Musée de l'homme (MNHN)
et professeur à l'université de Genève, ajoute que Mme Dambricourt " fait du finalisme pour faire
plaisir aux intégristes. Ce qu'elle écrit relève de la falsification".
Stéphane Foucart et
Christiane Galus
Article paru dans l'édition du 30.10.05
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3244,36-704663@51-699613,0.html
complément d’enquête
suite à l’article du Monde
les relais scientifiques du
néo-créationnisme
L’article paru dans l’édition du 30 octobre 2005 du Monde fait
état que « le nom de Mme Dambricourt apparaît d'ailleurs sur une pétition diffusée
par le Discovery Institute », institut de Seattle qui est
effectivement le fer de lance des promoteurs de l’Intelligent Design. Nous
sommes ainsi allés vérifier cette information en interrogeant sur Google « Dambricourt Discovery Institute » comme
tout un chacun peut le faire.
Tout d’abord, le Monde a raison : Anne Dambricourt-Malassé est bien signataire d’un appel lancé à
l’initiative du Discovery Institute.
A SCIENTIFIC
DISSENT FROM DARWINISM
“We are skeptical of claims for the ability of random mutation and
natural selection to account for the complexity of life.
Careful
examination of the evidence for Darwinian theory should be encouraged.”
(une dissidence scientifique du darwinisme : nous sommes sceptiques
devant la prétention de rendre compte de la complexité de la vie par des
mutations aléatoires et la sélection naturelle. Une investigation approfondie
de la validité de la théorie darwinienne devrait être encouragée.)
La liste des signataires (treize pages de signatures soit de
l’ordre de 400 scientifiques) semble n’indiquer qu’un seul scientifique
français, en l’occurrence Madame Anne Dambricourt-Malassé,
dans la liste à jour au mois de juillet 2005 :
liste des signataires au format .pdf http://www.discovery.org/scripts/viewDB/filesDB-download.php?command=download&id=443
La suite des liens
proposés nous amenait sur le
compte-rendu d’un séminaire :
« Science et
Religion : rapports entre Foi et Raison, Tradition et Modernité »,
séminaire ayant regroupé, sous
l’animation de jean Staune, de l’université
interdisciplinaire de Paris « un exposé sur les perspectives ouvertes
aujourd’hui par l’approche transdisciplinaire (Basarab Nicolescu),
une démonstration des convergences et des divergences pouvant exister entre la
science et une tradition, ici le bouddhisme (Trinh Xuan Thuan), une analyse montrant
que l’évolution humaine ne semble pas être liée uniquement au hasard et que
cela génère une responsabilité particulière pour notre civilisation (Anne Dambricourt) , une réflexion sur les valeurs
spécifiques de la tradition musulmane permettant le dialogue avec la modernité
(Abd Al Haqq Guiderdoni), et une synthèse des rapports entre science et
religion aujourd’hui et de l’importance pour les décideurs économiques et
politiques des développements en cours dans ce domaine (Jean Staune). » http://www.crd.co.ma/crd__programme_31mai2002.asp
L’abstract de l’intervention d’Anne
DAMBRICOURT permet de bien cerner la perspective interprétative qui est la
sienne :
Anne DAMBRICOURT : « Le phénomène de la
Révélation et la Théorie de l'Evolution »
« L’humanité est née de l’évolution, mais comment ? Qui
est l’Homme, qu’attendons-nous de nous-mêmes et que sait-on du sens des grandes
crises spirituelles qui structurent nos civilisations contemporaines ? Le
géologue français, Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), mondialement connu
pour sa vision de l’évolution fondée sur une synthèse scientifique et son
témoignage chrétien, présageait de phénomènes sociaux, culturels et
conscientiels tels que nous les incarnons au l’aube du XXIème
siècle. Le développement des sciences et des techniques allait rapprocher les
peuples, les cultures, les traditions et réduire la circonférence
conscientielle de la planète qu’il nommait “noosphère ”, engendrant des phases
critiques avec l’apparition de plus en plus sensible de la conscience de soi
mais aussi et surtout, de l’autre. Visionnaire de génie pour un Occident éclaté
entre les retombées du Siècle des Lumières et la Révélation judéo-chrétienne,
Teilhard de Chardin s’inscrit parmi les grands esprits du XXème
siècle qui, comme Gandhi ou Sri Aurobindo ont donné une espérance à des
millions d’êtres humains. Le témoignage d’une pacification intérieure transmise
par une parole donnée, et qui ne se dit pas naître d’elle-même, m’apparaît de
plus en plus significatif face à un Occident scientiste qui entend établir le
contrôle des règles de l’évolution, du gène à la conscience de soi. Grâce à mon
libre-arbitre et avec humilité, j’ai découvert la confiance en cette Présence
qui me guide et j’ai rencontré dans l’essence de la Révélation, en tant que
scientifique la source de la pacification et de ma liberté d’expression. En
tant qu’être humain j’en ressens les fondements de mes valeurs
universelles. »
Plus
« amusant » encore, cette recherche élémentaire nous amenait sur le
CTSN, « Center for Theology
and Natural
Sciences », centre dont la vocation, ainsi que l’illustre sa bannière, est de
réaliser un pont entre la théologie et les sciences naturelles, et qui s’est
associé avec l’observatoire du Vatican pour publier une collection de livres.
Nous arrêterons donc là cette recherche en nous contentant de mettre en avant
quels sont les scientifiques français qui font partie des comités scientifiques
de centre :
The mission of CTNS is to
promote the creative mutual interaction
between theology and the natural sciences.
Science
and the Spiritual Quest Investigators
Principal
Investigator, Science and the Spiritual Quest
W. Mark Richardson
General Theological Seminary
Co-Investigator, Science and the
Spiritual Quest
Jim Schaal
Program Director, Science and the
Spiritual Quest
SSQ Scientists
(SSQI and SSQII Combined) [extrait des scientifiques français]
Bernard d'Espagnat, Université de Paris XI
Bruno Guiderdoni, Institut d'Astrophysique de Paris
Thierry Magnin, Ecoles des Mines de Saint Etienne
Basarab Nicolescu, Université de Paris VI et Centre
International de Recherches et Etudes Transdisciplinaires (CIRET)
Anne Dambricourt Malassé,
Muséum National d'Histoire Naturelle
Francisco Varela, Centre National de la Recherche
Scientifique (Décédé)
Informatique et technologies de
l’information
Pierre Perrier, Académie
des Sciences
Jacques Vauthier,
Université Pierre et Marie Curie
Munawar Anees, Université Interdisciplinaire de Paris
Hubert Reeves, Centre National de la Recherche
Scientifique
René Samuel Sirat, Consistoire central israélite de France
Jean Staune, Université Interdisciplinaire de Paris
pour lire
la liste intégrale : http://www.ctns.org/ssq/people.html
le créationnisme
expliqué par des créationnistes
Bible Ouverte est un site évangélique suisse animé par des
membres et pasteurs de l’Action
Biblique Suisse, fondée par l’évangéliste écossais Hugh Edward Alexander (1884
- 1957), formé à l’Institut Biblique de Glasgow puis venu s’établir à Cologny, près de Genève, en 1907. Ce site et cette église
n’enseignent rien de bien extraordinaire dans l’univers protestant évangélique,
mais ils présentent un avantage pratique pour des francophones … à savoir
qu’ils expriment leurs idées de façon claire et détaillée … en français. Bien
sûr, la compétence scientifique des contributeurs de ce site n’est pas à la
hauteur de celles d’un paléontologue de la lignée du Père Teilhard de Chardin,
mais c’est celle, usuelle, rencontrée chez la plupart des adeptes religieux de
nos pays comme dans les conseils d’école de l’Amérique profonde.
La
page d’accueil du site est http://www.bible-ouverte.ch/abs.htm
alors que la déclaration de foi qui cimente l’ensemble des animateurs de
l’Action Biblique est explicitée à la page http://www.bible-ouverte.ch/foi.htm
Nous avons repris de ce site des extraits d’articles, en sélectionnant,
avec le souci de l’honnêteté intellectuelle, les parties et phrases qui
illustraient notre perspective, en enlevant les références inutiles à notre
propos. Pour chaque article, un lien est donné à côté du nom de l’auteur et
permet d’accéder, sur le site suisse, aux versions originales et complètes de l’article.
Le premier article adopte une posture que nous pouvons qualifier d’ « archéo-créationniste » autrement dit « créationniste » au sens
classique, puisque le membre de l’Action Biblique qui l’expose , Jean-Pierre
Schneider, défend l’idée de la validité littérale des écrits bibliques :
« a) Dieu a créé le monde
(ciel, terre, toute vie biologique), quelque méthode qu'il ait pu employer. b)
Le récit de Genèse 1 est entièrement vrai et non seulement symbolique. »
Le second texte dont nous proposons des extraits, défendu par un autre
membre de cette église, Frank Horton, considère que « La doctrine biblique de la création ne
doit pas être confondue avec une quelconque hypothèse scientifique des
origines, car son but est éthique et
religieux, tout en étant présentée comme une réalité historique » défend un point de vue qui fait explicitement
référence à l’ « intelligent design » et au « principe
anthropique » et que nous qualifierons par opposition de « néo-créationniste » . Dans chaque cas le lien permet d’accéder, sur le
site suisse, aux versions originales et complètes de l’article.
un exposé « archéo-créationniste »
Evolution ou création ?
Examen à la lumière de la science et de
la Bible
Jean-Pierre SCHNEIDER,
http://www.bible-ouverte.ch/evolution.htm
Nous vous laissons le soin de
découvrir les arguments de « réfutation » théorique à prétention
scientifique (par exemple en s’appuyant sur les principes de la
thermodynamique) et qui traduisent essentiellement une incompréhension des
principes évoqués ; le paragraphe « scientifique » le plus étayé
est celui relatif à la paléontologie, terre de prédilection, comme la
cosmologie, de ceux qui veulent introduire la spiritualité dans la question des
origines ; l’argument utilisé partout sur la planète, et évoqué lors de notre
conférence au muséum est relatif aux fossiles :
« On
a trouvé de grandes quantités de fossiles, mais pas une seule
forme intermédiaire entre
deux espèces. Mais «cela doit exister», puisque l'évolutionnisme est vrai.
Seulement voilà : cela n'existe pas, donc l'évolutionnisme est faux. »
L’objet n’étant pas de ces
publications n’étant pas réfuter mais d‘illustrer nous ne commenterons pas.
Suivent un certain nombre d’arguments que Dawkins
appelle d’ « incrédulité personnelle », autrement dit « je n’y
crois pas, comment est-ce possible ? ». La fin de la partie « analyse-réfutation » conclut :
« Je
ne m'arrêterai pas à la fiction du «big-bang» (= immense explosion) qui serait
à l'origine de l'univers. Depuis quand une explosion a-t-elle jamais produit
autre chose que destruction et désordre ? Et puis : explosion de quoi ? (…) La
création de l'univers par un Dieu omnipotent en est la seule explication
logique. Conclusion inéluctable : L'évolutionnisme est une
idéologie, voire une religion, et non une science. »
Donc après la réfutation, vient
l’affirmation positive :
(Extraits de la conclusion)
« Dieu a créé le monde. C'est une
révélation.
Elle ne peut être prouvée par
la science mathématique, chimique, biologique, etc. Pourtant, la création est
un fait évident, comme le dit Romains 1.18-23, qui évoque «les perfections
invisibles de Dieu qui se voient fort bien depuis la création du monde» en
révélant «sa puissance éternelle et sa divinité», de sorte que ceux qui ne
veulent pas se rendre à cette évidence «retiennent injustement la vérité
captive». Aussi sont-ils «inexcusables, puisque, ayant connu Dieu» (en
considérant la création), ils ne l'ont pas honoré comme tel, «mais se sont
égarés dans de vains raisonnements» (tels que l'évolutionnisme). Résultat :
«Leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres». Qui saurait mieux
dire ?
« Personne ne peut prouver ni l'évolutionnisme ni la création par Dieu. C'est une question de foi : on croit l'un ou l'autre. Hébreux 11.3 : «C'est par la foi que nous comprenons que le monde a été formé par la parole de Dieu» (comme le dit bien Genèse 1), «de sorte que ce qu'on voit ne provient pas de ce qui est visible». Toute autre explication taxe notre crédulité et se base sur un tissu d'improbabilités flagrantes.
« Le récit de Genèse 1, qui a pour but de révéler que Dieu a tout créé,
n'est pas un simple symbole. Il relate l'histoire de la création; c'est le
début de l'histoire de la terre et de l'humanité. Car comment croire qu'un
enseignement biblique juste résulterait de données fausses ? Si les faits présentés par la Bible dans leur déroulement
temporel sont faux (des mythes ou des légendes), alors l'enseignement qu'on en
tire est faux. aussi ! Et de toute
façon, pourquoi le Dieu-Créateur nous donnerait-il
une fausse impression par le récit de la création ? Comment Moïse pouvait-il
écrire le récit de la création dans l'ordre correct, si Dieu ne le lui avait
pas révélé ? »
Ce
que le chrétien peut et doit donc affirmer avec certitude, c'est que la Bible
dit vrai :
a) Dieu a créé le monde (ciel, terre, toute vie biologique), quelque méthode
qu'il ait pu employer.
b) Le récit de Genèse 1 est entièrement vrai et non seulement symbolique.
c) L'homme est une création spéciale de Dieu, même s'il a été créé de matériaux
déjà existants (Genèse 2).
(Texte tiré de la revue Promesses
No. 139, janvier-mars 2002)
un exposé « néo-créationniste »
A la redécouverte du Dieu Créateur
Frank HORTON http://www.bible-ouverte.ch/jean316/createur.htm
Le sujet est
tellement vaste que nous serons obligés de limiter le cadre de nos réflexions à
quelques problèmes soulevés par le Darwinisme, et de poser des jalons qui
pourraient stimuler des recherches plus poussées de la part de nos lecteurs
dans les domaines qui les intéressent.
Une question d'a priori
Dieu
existe-t-il ? La science, limitée par définition et par compétence à l'examen
des faits observables, et conduisant à l'élaboration d'hypothèses puis de
théories, ne peut fournir des «preuves» de son existence, ni, d'ailleurs, la «disprouver» ! On a bien dit que «Dieu
ne se prouve pas» (ce à quoi les chrétiens pourraient répondre : «C'est
vrai, mais il s'éprouve»). Car la question appartient au domaine extra-scientifique, métaphysique, et doit être classée dans
la catégorie des a priori (ou présuppositions), c'est-à-dire de ce qui
est axiomatique, à des notions premières admises sans démonstration ou
antérieures à toute expérience. Qu'on le reconnaisse ou non, tout raisonnement,
tout débat, toute recherche, partent nécessairement d'un choix, peut-être
inconscient, d'a priori.
Nous
verrons ci-après que l'existence de Dieu – du Dieu Créateur – est le point de
départ sine qua non de la foi chrétienne. Cependant, nous maintenons que l'idée
de la «non-existence de Dieu»
est aussi un acte de foi (ou de non-foi si l'on
préfère) qui n'a rien de
scientifique.
Tester nos a priori
Puisque
les a priori ne peuvent être prouvés, comment savoir si nous avons fait le bon
choix ? Dans la suite de [cet extrait] nous
proposons de les soumettre [au test] :
Qu'est-ce qui a motivé notre choix ?
1. Choix motivés
1.1. Parlant
de l'attraction qu'exerce l'évolution sur l'homme naturel, Rick
Lanser dit que «celui-ci cherche constamment un
chemin de détour autour de ce Dieu qui gène avec ses exigences morales (...)»;
et de conclure : «L'évolutionnisme darwinien n'est, enfin, qu'une philosophie fondée sur [des a priori] religieux
qui essaie, sans grand succès, d'interpréter les données à partir de prémisses
purement naturalistes. Il est populaire, non pas en tant que bonne
science, mais parce que, selon les mots de l'ultra-évolutionniste
Richard Dawkins, il fournit les moyens d'être un
«athée intellectuellement comblé».
La science
a longtemps été définie comme une investigation objective qui découvre et teste
les faits. Cependant une autre définition, implicite dans l'establishment
scientifique, englobe une philosophie matérialiste qui limite les tentatives
d'explication de tout ce que nous observons à des causes naturelles, et s'oppose d'emblée à toute
mise en question de l'évolution naturaliste. La présupposition en est que
seules les forces naturelles rendent possible le développement de toute vie sur
la terre, et que notre tâche se réduit à discerner les détails du mécanisme.
(Tandis que la
science véritable part du principe du
libre examen, ne se limite pas arbitrairement à
des théories naturalistes, mais reste ouverte à
toute explication rationnelle et suit les indices où qu'ils conduisent.)
1.2. Qu'est-ce
qui motive le choix du croyant en faveur de l'existence d'un Dieu Créateur, en
l'absence de «preuves scientifiques» ? S'agit-il d'un élan irrationnel de ceux
qui, selon Ludwig Feuerbach, projettent et objectifient
la nature humaine pour en faire un être divin ?
Nous
répondrons que cette foi intuitive, profondément ancrée dans le cœur de l'homme
et quasi-universelle dans le temps et l'espace, fait appel à des témoignages
éloquents, adéquats pour les uns mais jamais assez convaincants pour les
autres... selon leurs a priori. Nous en développerons deux :
·
Témoignage de la création (appelée «révélation générale» par les théologiens). (1.2,1.)
·
Témoignage de l'Ecriture («révélation spéciale»). (1.2.2.)
1.2.1. Témoignage de la création
Nous
utilisons délibérément le mot «création», dans son sens le plus large, plutôt
qu'«univers» ou «nature». Depuis quelques années un grand débat se poursuit à
l'intérieur des milieux scientifiques autour d'un concept présenté par l'auteur
William Dembski, entre autres, dans son livre Intelligent Design. Un philosophe
d'autrefois avait dit qu'une horloge ne pouvait exister sans horloger ! Cet
argument est repris à la lumière de découvertes récentes, surtout dans le
domaine de la biologie moléculaire. Celle-ci reconnaît que la cellule vivante
est une véritable usine en miniature, infiniment plus complexe que ce que
Darwin pouvait imaginer. Les systèmes innombrables, variés mais synchronisés de la
cellule agissent ensemble en harmonie comme autant de moteurs,
pompes, ressorts, communicateurs et transporteurs, de telle manière qu'ils doivent tous être
complets et en place avant de fonctionner. De plus, ils ne
peuvent pas évoluer et fonctionner à travers d'innombrables
stages intermédiaires, étape après étape, comme l'exige le Darwinisme. Cette structure
incroyablement complexe, conforme à un modèle préconçu, est la marque du dessin
intelligent.
De même,
l'apparition de la théorie de l'information jette une lumière sur le code génétique, l'«ADN» :
celle-ci a la même structure qu'un langage. L'origine de la vie doit, donc, être expliquée en termes d'information
biologique, information qui ne saurait être créée par des forces matérielles,
aveugles ! Darwin lui-même, à son époque, a reconnu l'évidence en
faveur du dessin, mais l'a écartée [a priori !] en espérant montrer que les
êtres vivants avaient seulement l'apparence du dessin, tout en étant le
résultat du hasard et de la sélection naturelle, (Nancy Pearson, art. cit. in Christianity Today; p. 46), son but était d'exclure Dieu comme
explication du dessin évident des organismes.
Ce
témoignage de la création comporte d'autres aspects que nous devons nous
contenter de mentionner brièvement :
Le dessein (avec un «e») intelligent, ou la notion de finalité. En d'autres termes
: pourquoi la création ? A quoi sert-elle? «Devant la vision de l'unité et de
l'harmonie de la création qui s'impose à eux, de nombreux savants en viennent à remettre
en honneur la notion de finalité longtemps abandonnée sous l'influence du
rationalisme et du scientisme; la finalité leur apparaît non
seulement comme une finalité interne immanente, une finalité de fait du domaine
directe de la biologie, mais aussi comme une finalité
externe à l'être vivant
et à la création tout entière, une finalité transcendante qui, pour être essentiellement
d'essence métaphysique, n'en correspond pas moins à une réalité. Or, la finalité,
quels qu'en soient le niveau et la perspective, exclut l'idée de hasard et implique
l'existence d'un Dieu qui a conçu et créé, et qui continue à diriger et à
gouverner»
Le «principe anthropique» de la cosmologie nous
dit que l'univers tout entier, avec les milliers d'éléments qui le composent,
est très exactement ajusté dans tous ses détails pour rendre la vie possible et
la soutenir.
1.2.2. Témoignage de l'Ecriture
Importance
Citons un
extrait de l'ouvrage de J. M. Nicole : «Le schéma classique de la destinée
humaine d'après la Bible se résume en trois mots : création, chute, rédemption.
Avec raison, nous avons tendance à majorer le troisième, qui constitue le
centre de l'Evangile. Mais nous avons tort de ne pas prêter attention autant
que nous le devrions au premier.
«Si nous
ouvrons l'Ecriture, dès le début nous sommes mis en présence, et cela
majestueusement, du Dieu créateur. On aurait pu imaginer une autre entrée en
matière. C'est celle-là que le Saint-Esprit a choisie pour notre édification.
Tout au long de l'Ancien Testament, les prophètes et les psalmistes reviennent
sur ce thème.
«Lorsque
les apôtres évangélisaient les païens, ils ne se bornaient pas à parler du
péché et du salut, ils prenaient soin aussi de poser à la base de leur
enseignement le fait de la création (...). Dans les moments difficiles qu'ils
traversaient, les premiers chrétiens trouvaient force et consolation à la
pensée qu'ils s'adressaient au Créateur de l'univers, et c'est lui qu'exaltent
les cantiques célestes de l'Apocalypse (...) ».
Bref survol biblique
La doctrine biblique
de la création ne doit pas être confondue avec une quelconque hypothèse
scientifique des origines, car son but
est éthique et religieux, tout en étant présentée comme une réalité historique.
Loin
d'être confinée aux premiers chapitres de la Genèse, cette doctrine est
invoquée dans un nombre étonnant de textes, tant dans l'Ancien Testament que
dans le Nouveau. En voici quelques exemples, à titre indicatif: Néh 9.6; Job 38.4ss; Ps 8; 19.1-7; 33.6-9; 90.2; 102.26-28;
104; Es 40.26,28; 42.5; 45.18; Jér 10.12-16; Amos
4.13; Mat 18.4; Jean 1.1ss; Act 17.24; Rom 1.20,25;
4.17; 2 Cor 4.6; Col 1.16-17; Héb 2; 11.3; 1 Pi 4.19;
Apoc 4.11; 10.6; 14.6-7.
Héb
11.3 fournit un bon point de départ pour considérer la doctrine : «C'est par la foi que nous
comprenons que le monde a été formé par la parole de Dieu, de sorte que ce
qu'on voit ne provient pas de ce qui est visible.» Cela veut dire que, à l'instar de l'auteur de la
Genèse – et de Jésus-Christ (Mat 18.4) ! – nous partons de l'a priori, non seulement que Dieu
existe, mais qu'il a créé toutes choses ex nihilo.
En d'autres termes, la doctrine biblique de la création est fondée sur la
révélation divine, tout comme le mystère de la rédemption, et ne peut être
saisie et acceptée que par la foi.
De plus, l'œuvre
de la création est attribuée tour à tour aux trois personnes de la Trinité : au
Père (Gen 1.1; Ps 33.6; Es 44.24), au Fils (Jean 1.3;
Col 1.16), et au Saint-Esprit (Gen 1.2; Job 26.13),
en tant qu'œuvre une et indivisible du Dieu trinitaire. Loin d'être un acte
nécessaire ou inévitable, la création doit être comprise comme le fruit d'une
initiative libre de Dieu, déterminée par sa volonté souveraine. Ainsi Dieu peut être à la fois le Seigneur
transcendant, distinct de sa création, et immanent, Dieu de la providence dont
dépend la création pour son existence continue. Le rôle de cette création est
de manifester la gloire de la puissance éternelle, de la sagesse et de la bonté
du Créateur, bref d'être, comme le dit Calvin, «le théâtre de sa gloire».
les objectifs du
mouvement de l’Intelligent Design
L’Association
de Science Créationniste du Québec se donne pour objectifs de :
·
Promouvoir
l’enseignement de la création;
·
Établir
un lien entre la Bible chrétienne et les sciences, l’éducation et l’industrie;
·
Promouvoir
la recherche scientifique de type créationniste;
·
Encourager
chaque personne à établir un lien personnel avec le Créateur de l’univers.
http://www.creationnisme.ca/index.jsp
Centimètre par centimètre …
Par Mark Hartwig
(extraits
de l’introduction et de la conclusion de « Qu'est-ce que la théorie de la
création intelligente ? »
)
Selon le mathématicien et philosophe
William Dembski, de l’université Baylor,
« Dès le quatrième ou cinquième siècle après Jésus-Christ, l’élite
intellectuelle du bassin méditerranéen était composée de chrétiens ». Et le
christianisme est demeuré une force intellectuelle vitale jusqu’à la fin du 19e
siècle, lorsque les penseurs païens, aidés en partie par la théorie de
l’évolution de Darwin, ont pris le dessus.
Depuis, les choses se sont corsées pour les chrétiens. Dembski
affirme : « Depuis 100 ou 150 ans, plus longtemps peut-être, les chrétiens qui
ont conservé une position chrétienne orthodoxe ont été vraiment malmenés. Et
nous n’avons pas réussi à détrôner certaines idéologies qui vont à l’encontre
de la foi chrétienne, des idéologies qui minent et renient cette foi.»
CENTIMÈTRE PAR
CENTIMÈTRE
L’un des principaux objectifs des tenants de la création intelligente est de
faire de cette théorie un sujet de discussion légitime dans les principaux
cercles intellectuels et dans la culture en général. Johnson affirme : « Je
crois que l’étape la plus importante est de faire ressortir les bonnes questions
de façon objective. Une fois cela accompli, il sera impossible de continuer à
nier que le darwinisme est basé sur une philosophie naturaliste plutôt que sur
des expériences scientifiques, et qu’une évaluation objective des preuves
scientifiques conduit à l’existence de causes intelligentes en biologie. »
Les nouvelles transmises par les médias du pays témoignent de l’ampleur des
progrès accomplis par les tenants de la création intelligente. De nombreux
journalistes tombent encore dans les stéréotypes de la science traditionnelle
contre la religion fondamentaliste, mais d’autres pour qui ces arguments sont
peu convaincants commencent à chercher plus loin.
Résultat : davantage d’articles mieux équilibrés, dont deux articles
remarquables parus cette année en première page du Los
Angeles Times et du New York Times. Selon Johnson, ces articles démontrent que
la création intelligente a finalement « établi une tête de plage (une percée) »
dans la culture populaire. La création intelligente gagne aussi du terrain
auprès des intellectuels.
En avril 2000, un groupe d’éminents scientifiques et philosophes d’Europe et
des Etats-Unis s’est réuni à l’université Baylor. Ce
groupe comprenait deux prix Nobel et plusieurs membres du National Academy of Sciences. Ils étaient là pour participer, en
compagnie de plusieurs théoriciens de la création intelligente, à une
conférence sur la création intelligente.
Bien qu’aucun d’entre eux ne soit reparti en croyant à la création
intelligente, il est clair que cette conférence a donné matière à réflexion à
un bon nombre. Et presque tous les participants ont trouvé les échanges
constructifs et valables. Même que lors d’un dîner pour les conférenciers, l’un
des lauréats du prix Nobel a porté un toast à la conférence, soulignant que
malgré les opinions fort divergentes des conférenciers, les discussions avaient
été menées avec patience, humour et même avec « création intelligente ».
Comme l’a fait ressortir l’un des théoriciens de la création intelligente, la
conférence a clairement démontré que la création intelligente gagnait du
terrain en tant que concept scientifique sérieux, un concept qui mérite même
l’attention des plus grands esprits de notre monde. Un courriel qu’il a envoyé
à plusieurs collègues résumait bien les sentiments de nombreux participants : «
Nous entrons dans une nouvelle ère, chers amis. Tenez-vous prêts. »
VIVE LA RÉVOLUTION
Évidemment, la création intelligente a encore beaucoup de chemin à faire avant
d’être généralement reconnue, et il se peut même qu’elle ne le soit pas. Mais
si elle l’est, les tenants de la création intelligente disent que les
conséquences pourraient être révolutionnaires. Le philosophe des sciences Paul
Nelson, agrégé supérieur de recherches au Discovery
Institute de Seattle et une personnalité
marquante du mouvement de création intelligente, affirme : « À une certaine
époque, la rationalité... du théisme était tenue pour acquis. Le monde était
ainsi. Puis, pour diverses raisons, les choses ont changé. »
Les choses ont évolué au point que même ceux qui voulaient confirmer la valeur
historique des écritures ont eu tendance à voir leur foi comme subjective et
ont accepté la dichotomie culturelle entre « foi » et « connaissance ». Nelson
ajoute : « La création intelligente remet en question cette dichotomie. Elle
soutient que nous pouvons savoir objectivement, scientifiquement, qu’il existe
une intelligence à l’origine de la vie. »
Johnson acquiesce : « La société laïque, et surtout les établissements
scolaires, a considéré tout au long du 20e siècle que la religion chrétienne
était simplement le vestige d’époques superstitieuses. Par contre, avec le
succès que connaît la création intelligente, nous comprendrons que, en dépit
des détails, les chrétiens ont eu toujours eu raison, du moins en ce qui
concerne les principaux éléments de l’histoire, comme la création divine. Et je
crois que ce fait changera la façon dont la société voit la connaissance et les
éléments qui méritent d’être connus. » Selon Johnson, il ne sera plus plausible
d’argumenter que les « idées chrétiennes n’ont pas leur place dans l’éducation
publique, dans les assemblées législatives et dans les débats publics en
général ».
Cette possibilité redonne déjà de la vigueur à de nombreux chrétiens. Johnson
affirme : « Le 20e siècle a été l’époque du matérialisme scientifique. Avec
l’avènement du 21e siècle, le matérialisme scientifique craque sous la
pression. Ses opinions scientifiques ne tiennent plus la route et il est prouvé
qu’elles sont néfastes pour la société. Je trouve excitant de constater que
nous avions peut-être une meilleure compréhension de la vérité lorsque nous
étions un pays chrétien que durant les décennies où les vérités chrétiennes ont
été rejetées. »
Évidemment, nous avons encore beaucoup de pain sur la planche. Mais un vent de
changement a commencé à souffler. Et si vous êtes l’un de ces chrétiens «
superstitieux », vous vivez dans une magnifique époque.
le
texte intégral : http://www.creationnisme.ca/publication/articles/crea_intel.jsp?section=publication&p=1
…
décryptage …
L' Université Interdisciplinaire de Paris.
une
mise au point commune de l’Association Française pour l’Information
Scientifique
La
Libre Pensée, L’Union Rationaliste, et l’International Humanist
and Ethical Union
La Libre Pensée,
10-12 rue des fossés Saint-Jacques, 75005 Paris
L’Association
Française pour l’Information Scientifique 14 rue de l’École
Polytechnique, 75005 Paris
L’Union
Rationaliste 14 rue de l’École Polytechnique, 75005 Paris
L’ International Humanist and Ethical
Vous informent de la véritable nature de
L’UNIVERSITE INTERDISCIPLINAIRE DE PARIS, qui n’a d’université que le nom, et
sur ses véritables prétentions. Cette démarche concertée tient à ce que nos
quatre associations réaffirment leur défense de la raison et des méthodes
rationnelles et de libre examen, contre l’UIP qui, elle, diffuse une fausse
symétrie entre science et religion et veut stimuler le progrès des religions
dans les sciences. De l’avis des organisations signataires de ce document,
il s’agit là d’une véritable imposture dont il faut que vous preniez la mesure.
QUI SONT ILS ?
L’inspirateur,
secrétaire et principal acteur, Jean Staune,
personnage éclectique, éditeur chez Fayard, anime depuis 1995 l’Université
Interdisciplinaire de Paris, aux côtés de scientifiques assidus dont la valeur
est très hétérogène, et qui servent d’alibis pour l’opération de récupération
religieuse, tels Bernard d’Espagnat, Christian de Duve, Jean-Pierre Luminet, Ilya Prigogine, Anne Dambricourt-Malassé,
Trinh Xuan Thuan, Jean-Marie Pelt, Jean
François Lambert, Rémy Chauvin. L’organisation est financée par la fondation
Templeton « pour le progrès de la religion », et
soutenue par le Haut Conseil Pontifical de la Culture, c’est-à-dire par le
Vatican. Ni les diplômes que l’UIP délivre, ni son statut d’université ne
sont reconnus en France par l’Etat. Leur journal : « Convergences » paraît à
peu près deux fois par an.
L’UIP
est une reprise en mains de l’ « Université Européenne de Paris », elle-même
anciennement « Université Populaire de Paris » qui organisait il y a plus de
vingt ans des conférences publiques favorables au paranormal, à la
parapsychologie, à l’astrologie, à l’ésotérisme, etc. L’UIP a reçu des
financements notamment d’Air France, Assystem,
Auchan, France Telecom, Nature et Découvertes, Boutet, Salustro Reydel (Audit et Conseil) et a bénéficié de certains appuis
dans les media. Plusieurs scientifiques, parfois éminents, signent des articles
dans le journal d’ésotérisme Nouvelles clés de Patrice Van Eersel
et Marc de Smedt, des spécialistes d’ésotérisme
anciens collaborateurs de la revue Planète de Jacques Bergier
et Louis Pauwels, dont de nombreux scientifiques avaient jadis dénoncé les
méfaits (« Le Crépuscule des Magiciens, NER, Paris).
QUE VEUT L’UIP ?
L’UIP
prétend promouvoir un nouvel humanisme dans les sciences et dans la gestion des
entreprises ;
En
fait, leurs véritables objectifs sont :
1. Utiliser l’activité de conseil en management « humaniste » pour
infiltrer les entreprises publiques ou privées, de manière à obtenir de
celles-ci caution et soutiens financiers pour leurs colloques ;
2. Organiser des colloques destinés à créer une nouvelle alliance entre
science et religion, le « nouveau paradigme du XXIème
siècle » (la fondation Templeton « pour le progrès de
la Religion » ne s’y est pas trompée), et dont on peut montrer qu’il sape les
bases de l’activité scientifique ;
3. Lutter contre le matérialisme dans toutes les sciences, contre ce
qu’ils nomment « le carcan réductionniste, mécaniste et déterministe », lutter
contre le darwinisme ;
4. Développer une nouvelle discipline « Science et Religion »
(Convergences, numéro Spécial « Science et Religion », Printemps 2000, p.4).
QUE FAIT L’UIP ?
L’UIP
organise plusieurs congrès et séminaires par an, parfois à l’UNESCO et avec son
soutien. Ils invitent des Prix Nobel souvent américains qui, quelle que soit
leur discipline scientifique d’origine, « révéleraient» de nouveaux rapports
entre science et religion (l’UIP est le principal partenaire du Center for theology and natural sciences à Berkeley,
Californie). Les scientifiques français sont invités, mis en confiance par
l’apparence académique de l’organisation et les titres ce certains
contributeurs. Pris au piège sur la photo de famille, ils serviront au crédit
du colloque suivant. Dernièrement, ils organisent de plus en plus leurs
colloques à l’étranger.
Ils
délivrent des diplômes depuis 1998, comme le font les institutions privées
créationnistes aux État Unis, ou les écoles (privées) d’astrologie de par le monde.
QUELQUES CITATIONS
«
Nous chercherions à faire croire que la science mène à Dieu. C’est faux ! Nous
prétendons qu’elle n’interdit pas de le chercher ». (l’UIP dans Convergences
n°5, p.28)
«
Il y a donc un trou, quelque chose qui, dans le réel, échappe à l’Homme. (…)
Mais attention, il ne faut pas mettre Dieu dans ce trou car Dieu ne serait
alors qu’un Dieu bouche-trou ! Néanmoins, au bord de ce trou, des démarches
différentes peuvent se joindre et dialoguer. Ainsi, la notion centrale du
christianisme selon laquelle le Christ est « vrai homme et vrai Dieu, a
toujours paru paradoxale » (l’UIP dans Convergences n°5, p.4).
« The Templeton Award is not for good
works. It is an award for progress in religion». (The Templeton Prize).
“Grâce
au soutien de la Fondation Templeton (L’UIP fut la
première organisation dans le monde francophone à remporter l’une des 100
bourses de 10000 dollars attribuées chaque année à des universités pour
soutenir la réalisation d’un cours sur le thème « science et religion ») (…) la
première « promotion UIP » a reçu son diplôme en juin 1998 ». (l’UIP dans
Convergences n°7, p. 8).
POUR EN SAVOIR PLUS
Vous pouvez choisir de soutenir l’UIP, mais il
faut que ce soit en connaissance de cause. Les scientifiques et les citoyens
que nous sommes considérons que l’activité de l’UIP repose sur des bases
erronées aux conséquences profondément anti-scientifiques. Pour plus de
renseignements, il est possible de consulter le site Internet de l’UIP : http://www.uip.edu./fr/ Pour une analyse indépendante des contenus
et de la position de l’UIP par rapport à la Science, on pourra lire l’ouvrage
collectif suivant coordonné par Jean Dubessy et
Guillaume Lecointre : «
Intrusions spiritualistes et impostures intellectuelles en sciences »,
aux éditions Syllepse, 2001.
L’Université Interdisciplinaire de Paris
Science et pseudo-sciences N°244 - par
Guillaume Lecointre
La communauté scientifique
nationale montre bien peu de vigilance face aux offensives spiritualistes
d’allure respectable. Pour un réarmement intellectuel, les chercheurs
scientifiques devraient retourner aux racines épistémologiques de leur métier.
Beaucoup de sectes rejettent la
démarche rationnelle de la découverte du monde pour revendiquer des solutions
spirituelles à tous nos problèmes scientifiques, sociaux, économiques et
politiques. Un mariage science-religion serait garant
de l’accroissement d’humanisme et de morale dont aurait besoin une gestion
froidement rationnelle de nos sociétés. Comme si la religion avait le monopole
de l’humanisme et de la morale ! Comme si notre économie libérale était
rationnelle ! Cette erreur très courante résulte simplement de la
confusion bien entretenue entre, d’une part, la science comprise comme démarche
rationnelle et matérialiste de l’explication du monde, et, d’autre part, la
science vue à travers ses applications directes (la technoscience),
donc une science distordue par de multiples pressions politiques et
économiques. Un véritable engagement politique digne des Lumières consisterait
à s’emparer de la raison pour se battre sur le terrain politique et économique
afin de trouver des solutions à nos problèmes, y compris pour injecter
davantage d’humanisme et de morale dans nos rapports sociaux, économiques, et
dans la vie publique. L’autre engagement, qui semble en vogue depuis qu’on
parle de dépolitisation des masses, est d’attribuer la responsabilité de toutes
les misères du monde à la démarche rationnelle de la découverte de ce monde.
Pour sauver le monde, il faudrait que les scientifiques (et les décideurs qui
les consultent) laissent un peu leur froide rationalité de côté pour s’ouvrir
aux sagesses de la spiritualité, à l’inconnu, voire pour laisser parler leur
foi. Un doigt de spiritualité dans la démarche scientifique résoudrait nos
problèmes scientifiques et socio-économiques. C’est le degré zéro de
l’épistémologie.
"Réconcilier"
science et religion"
Sans que notre communauté scientifique
ne s’en émeuve, une organisation grassement financée par des fonds privés,
l’Université Interdisciplinaire de Paris (UIP), se fait championne de ce
discours avec l’appui de scientifiques renommés et prix Nobel (la renommée ne
garantit pas la vigilance épistémologique). Sous l’impulsion de Jean-François
Lambert et de Jean Staune, l’UIP a organisé depuis
1995 une dizaine de colloques, dont le dernier s’est tenu en Mars 2000 sur le
thème "les limites de la sélection naturelle". Cette organisation milite
en fait pour un "nouveau paradigme", celui d’une réintroduction de la
spiritualité dans le champ de la découverte scientifique. L’UIP est donc
fondamentalement anti-matérialiste (normal, pour une organisation ayant reçu
une bourse de 10 000 dollars de la fondation Templeton
"pour le progrès de la Religion"), et donc anti-darwinienne. Mais pas
créationniste : elle se veut évolutionniste, mais d’un évolutionnisme
compatible avec la foi religieuse, où l’homme reviendrait au centre d’un
Univers ayant évolué vers lui, et dont il est le dessein, ce qui permettrait
"d’approcher rationnellement la croyance". Pour que la "quête de
sens" aboutisse, il faudrait réintroduire la spiritualité comme objet
d’étude et comme outil permettant l’explication évolutionniste du monde. Dans
ces conditions, l’ennemi à abattre, c’est Darwin et son matérialisme
scientifique.
La fin de la mauvaise science Mae Wan
Ho, conférencière vedette cette année [ 2000 ] à l’UIP : "Le paradigme mécaniste a dominé les sciences
durant des siècles. Il a projeté une vision darwinienne à travers laquelle
des entités égoïstes et isolées se bousculent et se concurrencent les unes
les autres pour un combat pour la survie du plus fort. En donnant de
mauvaises indications à des responsables politiques, il a créé et renforcé un
régime social dysfonctionnel qui détruit notre
planète et échoue à servir les besoins physiques et spirituels de la plus
grande partie de l’humanité. Le débat autour du génie génétique a mis en
lumière les dangers d’un courant scientifique dégénéré et discrédité qui est
devenu l’instrument d’un système corporatiste. Une révolution organique est
sur le point de mettre un terme à la mauvaise science et aux intérêts
économiques qu’elle génère, et de restaurer les modes de vie holistiques qui
peuvent régénérer notre planète et revitaliser l’esprit humain". |
L’UIP entretient donc un
amalgame classique qui consiste à attribuer à Darwin les élucubrations
sociologiques de l’évolutionnisme philosophique d’Herbert Spencer (voir le livre
de Patrick Tort, 1996*), et donc de dénoncer le "darwinisme social"
(qui n’est pas un darwinisme ! Voir Patrick Tort, 1999) pour recruter des
adhérents sur une base humaniste. Qui irait contre plus d’humanisme ? Le
plus drôle, c’est que les dysfonctionnements sociaux engendrés par le
libéralisme économique sont attribués par l’UIP au darwinisme qui, selon elle,
imprégnerait nos sociétés (voir l’encadré "La fin de la mauvaise
science"), alors que, bien au contraire, Darwin avait pensé l’émergence,
par voie de sélection naturelle, des mécanismes anti-sélectifs d’entraide au
sein même des sociétés humaines, et par là posé les origines matérialistes de
la morale (Darwin, La filiation de l’Homme et la sélection liée au sexe, 1871,
traduction française 1999, ainsi que les livres de Patrick Tort). La
"survie du plus apte" bêtement transposée au sein de nos économies et
dans la société, ce n’est pas l’œuvre de Darwin, comme essaie de le faire
croire l’UIP, mais l’œuvre de Spencer. Et c’est le libéralisme économique dans
lequel évolue Staune dans ses activités de consulting
et de conseil auprès des "managers" qui cause les dégâts sociaux
dénoncés par l’UIP.
Un autre amalgame entretenu est
de faire passer le matérialisme méthodologique qui est depuis la Renaissance la
condition méthodologique de la science pour le matérialisme dialectique qui
accompagne le marxisme. La ficelle est un peu grosse et surtout archi usée,
mais elle permet au juriste américain Philipp Johnson de faire passer le
darwinisme contemporain comme le pur produit d’une idéologie.
Parler
biologie aux physiciens et physique quantique aux biologistes
On peut se demander si ces
amalgames sont calculés ou s’ils résultent d’une ignorance pure et simple des
questions historiques, scientifiques et épistémologiques traitées.
Il suffit à n’importe quel
évolutionniste professionnel de lire le dossier de Jean Staune
et Yves Christen sur l’évolution (Figaro Magazine du
26 Octobre 1991, voir l’encadré "Le Coelacanthe contre Darwin"), ou
le livre de Michael Denton (L’Evolution, une théorie
en crise, Flammarion), celui de Rosine Chandebois
(qui veut "en finir" avec le darwinisme !), ou encore les
publications d’Anne Dambricourt-Malassé (voir plus
loin) ou de Philipp Johnson, pour s’apercevoir que la majorité des auteurs sont
dans le second cas. Par contre, la biologie de Christen
et Staune atteint de tels sommets qu’on se demande si
le contenu ne serait pas calculé, comme semblent l’être les amalgames de
Johnson entre matérialisme scientifique et idéologie.
Le Coelacanthe contre Darwin ? Prenons l’exemple risible du
Coelacanthe qui réfuterait Darwin parce qu’il aurait cessé d’évoluer. Dans le
dossier de Jean Staune du Figaro-Magazine
intitulé "L’évolution condamne Darwin" du 26 Octobre 1991, au
dessus d’une photo de coelacanthe, on lit : "Le coelacanthe :
en 1938, la première mauvaise nouvelle pour les darwiniens. C’était l’ancêtre
de tous les vertébrés. On le croyait disparu depuis des millions d’années. On
l’a retrouvé voici cinquante ans, bien vivant, au large des Comores. Il
n’avait donc pas évolué depuis ses très lointains ancêtres :
contrairement à ce qu’aurait voulu la théorie". Plusieurs stupidités se
superposent ici : 1. Le coelacanthe n’est pas
l’ancêtre de quelque chose puisque c’est une espèce actuelle. Il ne peut être
que groupe-frère de quelque chose. Les
évolutionnistes ont cessé depuis longtemps d’utiliser le mot
"ancêtre" à propos d’un animal identifié, ils utilisent le mot
"groupe-frère de..." pour situer un
animal dans l’arbre des êtres vivants. Le terme d’ "ancêtre" est
réservé à un animal abstrait. 2. Le coelacanthe n’est pas
l’ancêtre des vertébrés, mais le groupe-frère d’un
groupe comprenant les animaux à quatre pattes (les tétrapodes) et les
poissons pulmonés appelés dipneustes. Les vertébrés sont apparus bien avant
la lignée du coelacanthe. 3. La morphologie du
coelacanthe actuel est presque identique à celle de fossiles du Crétacé. Si les
cinq pour cent des gènes du génome qui contrôlent la morphologie restent
stables sur de grandes périodes de temps, le reste peut très bien continuer à
évoluer car le génome comprend une multitude de gènes aux fonctions très
diverses dont les vitesses d’évolution sont très inégales. Le coelacanthe n’a
donc pas cessé d’évoluer. Et même si l’on ne s’intéresse qu’à la stabilité
morphologique, le néodarwinisme a incorporé les stases, périodes de relative
stabilité évolutive. 4. La "théorie" n’a
jamais "voulu" qu’un animal évolue à tout prix, ou même cesse
d’évoluer. La théorie n’impose rien là dessus. Une partie des gènes peut
rester stable un certain temps, tandis qu’une autre partie peut accélérer sa
vitesse d’évolution. Ceci est connu sous le nom d’hétérobathmie
des caractères. Une foule de naïvetés et de
données mal digérées, de critiques vaines ont été également véhiculées dans
le livre de Michael Denton (L’évolution, une
théorie en crise, Flammarion) que nous n’avons pas la place de reprendre ici.
Pour une mise au point de ce que comprend Denton en
évolution biologique, on se reportera à la section III du livre intitulé Pour
Darwin (Sous la direction de Patrick Tort, PUF, 1997). |
Mais il en va de même sur le
terrain de la physique quantique, l’autre terrain de chasse des
anti-matérialistes. Staune parle de physique
quantique aux biologistes et de biologie aux physiciens. Mais les physiciens
conscients ne s’y trompent pas. Voici ce que nous écrit Jean Staune dans Convergences, feuille de chou de l’UIP :
"Il y a un niveau de
réalité qui échappe au temps, à l’espace, à l’énergie et à la matière, mais qui
pourtant peut avoir dans certaines expériences une influence causale sur notre
niveau de réalité. Cela ne constitue pas une preuve de la validité d’une vision
"spiritualiste" du monde mais cela lui donne une crédibilité nouvelle
tout en rendant le matérialisme plus difficile à penser. Le matérialisme est
encore possible, mais il doit se transformer en matérialisme de
Science-fiction, capable d’intégrer la déchosification
de la matière".
La physique quantique est donc
lourdement mise à contribution pour servir le nouveau paradigme. C’est la
stratégie des églises et des sectes : utiliser les frontières actuelles de
la science, les difficultés temporaires et locales du front d’émergence des
connaissances où tests et réfutations s’opèrent, pour proclamer la mort du
matérialisme, du déterminisme et la naissance d’une nouvelle
"science" spirituelle où une autre dimension jusque là imperceptible
aux scientifiques (Dieu ?) aurait sa place. Le prêtre catholique Thierry Magnin nous explique d’ailleurs dans Convergences n°5 (p.
4) qu’il y a des trous dans nos connaissances et qu’au bord, il y a le Christ.
Pour finir, Michael Denton dans une interview qu’il
donne à Nouvelles Clés, journal d’ésotérisme, à l’occasion de la traduction de
son livre chez Fayard, L’évolution a-t-elle un sens ? regrette le moyen-âge, époque harmonieuse où l’homme était au centre de
toute la cosmologie et la science soumise au pouvoir théologique. Et dans son
dernier livre, il défend franchement la pensée téléologiste
selon laquelle le but ultime de toute l’évolution cosmique et biologique,
l’homme, était inscrit dès le départ. Cette évolution réaliserait un dessein.
L’Université
Interdisciplinaire de Paris
L’UIP laisse de plus en plus
entrevoir son paradigme. Des séries de conférences constituent des
"modules" dont les titres pour l’année 2000 sont édifiants :
"Science et religion, une discipline émergente ?", où, entre
autres, un moine thibétain cause du "Big Bang à l’éveil : science et bouddhisme". Une
table ronde s’intitule "Physique quantique et valeurs humaines". Le
module "science et société", au titre passe-partout, fait intervenir
scientifiques, philosophes et théologiens pour servir le nouveau paradigme. En
1999, les intitulés étaient d’un ton plus pastel. Un programme de conférences
s’intitulait "Science, conscience et sens" (on ratisse large), où
intervenaient sept membres de l’Académie des sciences dans les locaux de
l’Eglise Réformée de France et ceux de la Sorbonne. Sous le haut patronage de
Jacques Chirac et sous la présidence de Federico Mayor, Directeur général de l’UNESCO, le congrès de 1999
s’intitulait "Un siècle de Prix Nobel : science et humanisme".
Un titre passe-partout bien banal, pour qui n’a pas connaissance du passé et
des écrits des membres de l’UIP.
En fait, l’UIP est une reprise
en mains de l’Université Européenne de Paris, elle-même anciennement Université
Populaire de Paris qui organisait il y a plus de vingt ans en des lieux luxueux
des conférences publiques sur le paranormal, la parapsychologie, l’astrologie,
l’ésotérisme, etc. (Lecointre, 1997). L’UIP est
actuellement financée - entre autres - par Assystem,
Auchan, Nature et Découverte, France Télécom, Salustro
Reydel (Audit et Conseil) et a bénéficié de certains
appuis dans les media. Libération, sous l’action de la journaliste Dominique Leglu, a longtemps fait de la publicité pour les colloques
de l’UIP jusqu’au printemps 1999 où le journal mit un terme à son partenariat.
La Recherche, sous l’impulsion d’Olivier Postel-Vinay,
directeur de la rédaction, a publié depuis 1995 un nombre impressionnant
d’articles portant sur les chercheurs membres permanents de l’UIP ou sur leurs
recherches (Bernard d’Espagnat, Christian de Duve, Marcel-Paul Schutzenberger,
Ilya Prigogine, Anne Dambricourt-Malassé,
Trinh Xuan Thuan, Jean-Marie Pelt...).
Plusieurs de ces personnes signent des articles dans le journal d’ésotérisme
Nouvelles clés de Patrice Van Eersel et Marc de Smedt, des spécialistes d’ésotérisme anciens compagnons de
route du Planète de Louis Pauwels (voir encadré). La Recherche, en offrant ses
pages au relativisme cognitif et aux membres de l’UIP, est maintenant très loin
du rôle qu’il tenait jadis auprès des professeurs de la République. Pour finir,
Staune répand la bonne parole dans les entreprises en
donnant des conférences ou des articles intitulés "Les fondements
scientifiques du changement dans l’entreprise. A la recherche d’un lien
inattendu entre l’astrophysique et l’entreprise", "Manager dans la
complexité", "Sens et management : comprendre la quête de sens
des consommateurs et des salariés pour mieux y répondre". A l’aide de
l’astrophysique, Staune arrivera-t-il à donner au
capitalisme un visage humain ?
L’UIP enrôle en douceur. Staune va chercher aux USA des professeurs d’universités et
des Nobels ayant des choses à révéler sur Dieu (l’UIP
est le principal partenaire du Center for theology and natural
sciences à Berkeley, Californie). On imagine mal à quel point ils sont
nombreux, dans un pays où le fondamentalisme protestant est un des plus
puissants au monde et où son militantisme est actif jusqu’au coeur des
universités. Staune prend pour un signe des temps les
errements de l’association américaine pour l’avancement des sciences (celle qui
édite le journal Science) qui organise des colloques sur les "questions
cosmiques" et fait ses unes sur le "réchauffement science-religion".
S’est-il seulement demandé s’il fallait importer en France les conséquences
sociales d’une Amérique non laïcisée ? Fort de l’argument d’autorité du grand-frère américain, et accompagné d’une brochette de Nobels, Staune ira inviter les
scientifiques vedettes de notre hexagone, pour causer humanisme. On vous
flatte, et vous vous trouvez pris au piège sur la "photo de famille".
Votre nom servira au crédit que d’autres porteront au prochain colloque. En
1992, André Adoutte et Pierre-Henri Gouyon, tous deux alors Professeurs à l’Université de Paris
XI, se sont fait piéger en allant contre-argumenter
les propositions de l’UIP au Sénat. Ils ne sont pas particulièrement enchantés
de voir figurer leur nom sur la cassette vidéo. La formule semble bien
fonctionner. Le colloque du mois d’avril 1999 était honoré de la présence de
nouvelles personnalités comme le Directeur du Muséum National d’Histoire
Naturelle de l’époque, Henry de Lumley, et la série
de conférences "Science, conscience et sens" de Jean-Didier Vincent,
Antoine Danchin et Jean-Marc Lévy-Leblond.
Parmi ceux-ci, les deux
derniers ont témoigné de leur surprise lorsqu’un article (Lecointre,
1999a) relata leur participation, et dirent s’être fait piéger. L’UIP piège
donc, mais certainement pas tout le monde. Les nouveaux-venus
ou les occasionnels côtoient ainsi les scientifiques permanents de
l’organisation, Bernard d’Espagnat, Christian de Duve, Jean-Pierre Luminet, Ilya Prigogine, Anne Dambricourt-Malassé,
Trinh Xuan Thuan, Jean-Marie Pelt... Les
nouveaux scientifiques (ou assimilés comme tels) français du cru 2000 sont Jacques
Vauthier, Bruno Guiderdoni, Dominique Laplane, Philippe Pignarre,
Basarab Nicolescu, Antoine Andremont,
Tobie Nathan, Philippe Queau. Dans le milieu de la
philosophie et des sciences humaines, l’UIP va ratisser dans le camp opposé à
celui de Alan Sokal et Jean Bricmont.
En philosophie, elle importe ce qu’il y a de plus médiatique, Luc Ferry et
André Comte-Sponville (pour plus de détails, voir le
livre récent de Jean-François Raguet : De la
pourriture, Ed. L’insomniaque). Bruno Latour viendra
porter la lumière relativiste sur tout ça. Dans une société où s’épanouissent
les sectarismes religieux, un relativisme absurde en philosophie et en sciences
sociales et les rayons d’ésotérisme à la FNAC (laquelle vend aussi l’abondante
avalanche de livres des membres de l’UIP), fallait-il que la science soit
contaminée ? Les repères épistémologiques s’étiolent y compris chez les
scientifiques. L’Académie des sciences a perdu toute vigilance (Lécuyer, 2000). Elle publie les travaux de A. Dambricourt, dont "l’attracteur harmonique" n’est
formalisé dans aucune de ses publications (voir encadré page 10), et de J. Chaline dont le programme de recherche complètement téléologiste (Lecointre, 1999b)
est soutenu par les académiciens Dorst et Dercourt (Dorst qui participait
en 1991 au dossier de Staune). Le secrétaire
perpétuel de l’Académie, François Gros, présida même à l’automne 1997 une
rencontre à Houlgate réunissant tout le gratin de l’UIP !
Lorsque la pertinence des
propos se mesurent à la cote médiatique, où le vrai et le faux est affaire
d’opinion personnelle et où réfuter une thèse est une atteinte à la liberté de
penser, il est normal que l’intrusion spiritualiste rencontre peu d’obstacles.
La conscience et le courage des scientifiques sont souvent limités par les nécessités
de carrière (publications et visibilité). La conscience et le courage
éditoriaux des journaux se déterminent bien plus en fonction de ce qu’écrivent
les collatéraux et en fonction de la rentabilité et de l’image qu’ils se font
de leurs lecteurs qu’en fonction de réelles convictions. Il est donc peu
surprenant que Staune ait pignon sur rue, tant il est
passé maître dans l’art de communiquer et sait, par la contamination qu’il
produit, se donner des allures respectabilité.
http://www.pseudo-sciences.org/article.php3?id_article=61
dix questions suggérées par les créationnistes
pour que les élèves
mettent en difficulté
leurs enseignants de
sciences naturelles
Comme
nous l’a appris Guillaume LECOINTRE lors de la conférence réalisée au Muséum,
une des stratégies du mouvement de l’Intelligent Design consiste à exploiter
les imperfections difficiles à éviter des manuels scolaires. Ainsi, dans un
livre devenu célèbre (voir sur le site du Discovery Institute) J. Wells utilise des petites histoires, appelées
les « icônes de l’évolution », et incite les élèves à poser dix
questions (embarassantes) à leur professeur de
sciences naturelles.
Voici, puisées dans le dossier « évolution » mis
en ligne par le CNRS et le Muséum National d’Histoire Naturelle, les dix
questions suggérées par Wells et les réponses qu’y apporte Guillaume Lecointre.
Les origines de la vie
Pourquoi les manuels affirment-ils
que l’expérience de 1953 d’Urey-Miller montre comment
les constituants de la vie avaient pu apparaître sur Terre, lorsque les
conditions de la Terre primitive sont connues aujourd’hui pour avoir été
différentes de celles de l’expérience, et que l’origine de la vie reste un
mystère ?
C’est un problème de mise à jour des manuels. Les
origines des constituants chimiques du vivant ne sont pas plus un mystère
aujourd’hui qu’hier. D’autres modèles d’évolution pré-biotique
sont aujourd’hui disponibles. Marie-Christine Maurel
(«Les origines de la vie», Syros, 1994) parle même de « profusion expérimentale
» de ces dernières années (voir aussi «L’évolution chimique et les origines de
la vie» d’André Brack et François Raulin,
Masson, 1991).
L’arbre de la vie de Darwin (sic !)
Pourquoi les manuels ne discutent-ils
pas de l’explosion cambrienne, dans laquelle tous les groupes majeurs animaux
apparaissent ensemble dans le registre fossile, pleinement formés, au lieu de
se brancher sur un ancêtre commun, et donc contredisant l’arbre de la
vie ?
Il s’agit typiquement d’une fausse objection. Il y a incompréhension
totale du sens des arbres phylogénétiques. Ce n’est pas parce que les groupes
apparaissent subitement, simultanément et «pleinement formés» que cela récuse
la notion d’ancêtre commun. Ce foisonnement soudain se traduit dans les arbres
phylogénétiques par un cas de résolution difficile où toutes les branches se
réunissent en un même point. De tels points de multifurcation
ne nient pas l’ancêtre commun, mais signifient juste que pour l’instant on ne
sait pas «qui est plus proche de qui». La phylogénétique moderne offre une
image du déroulement de l’arbre de la vie où certaines zones de l’arbre offrent
des apparentements bien résolus, suivis de zones irrésolues, puis suivies à nouveau
de zones résolues. Il n’y a pas de raison particulière de se focaliser sur
l’explosion cambrienne, une époque de diversification majeure des lignées
animales. Il y avait de la vie avant, avec des relations de parenté résolues en
amont de cette «explosion», et d’autres résolues en aval. Il n’y a donc pas de
contradiction.
L’homologie
Pourquoi les manuels définissent-ils
l’homologie comme une similarité due à une ascendance commune, puis déclarent
que les homologies sont les preuves de l’ascendance commune, un argument
circulaire déguisé comme une preuve scientifique ?
Chez Wells il y a incompréhension totale (ou travestissement) de la
façon dont les scientifiques utilisent la notion d’homologie (voir plus haut,
voir aussi «L’arbre à remonter le temps» de Pascal Tassy,
Christian Bourgois, 1991 ; «Classification phylogénétique du Vivant», de
Guillaume Lecointre et Hervé Le Guyader,
Belin, 2001 ; «Graines de Sciences» n°4, dernier chapitre de G. Lecointre, Le Pommier, 2002). Une hypothèse d’homologie est
un pari. Initialement, à partir de structures qui se ressemblent, on fait le
pari qu’elles sont héritées d’un ancêtre commun (homologie primaire), mais on
peut perdre ce pari. On fait ce pari sur des dizaines, voire des centaines de
caractères. L’exercice décisif, c’est la construction de l’arbre qui va
maximiser la cohérence entre ces multiples caractères. L’arbre le plus cohérent
va montrer que pour certains caractères, on a gagné le pari ; tandis que pour
d’autres, on l’a perdu. Dans le premier cas, l’homologie sera dite confirmée
(homologie secondaire). Ces homologies deviennent alors des arguments en faveur
de l’apparentement exclusif des espèces qui les portent. Par exemple, dans tel
arbre qui comporte un échantillon de quatre oiseaux, le bréchet est acquis une
seule fois sur la branche réunissant le canard, le poulet, le colibri et
l’autruche : il est un argument en faveur de leur apparentement exclusif.
Dans le second cas, l’homologie est dite infirmée, on parle alors d’homoplasie (ressemblance non acquise par ascendance
commune). Dans ce même arbre, il y avait aussi deux espèces de chauves-souris.
Elles sont placées avec les mammifères sur la base d’autres homologies
présentes dans nos données (pavillon de l’oreille, poils, mamelles, mandibule
constituée du seul os dentaire…). On constate que le membre antérieur réalisant
une aile n’est pas acquis une seule fois mais deux fois indépendamment : une
fois sur la branche propre aux quatre oiseaux, une autre fois sur la branche
propre aux chauve-souris. Le pari sur l’homologie des ailes est perdu.
En confondant l’homologie comme pari et l’homologie comme
résultat ; et donc en occultant le pari, Wells fait de ce concept un usage
circulaire. Mais comme on peut perdre le pari, il n’y a pas circularité.
Les embryons des vertébrés
Pourquoi les manuels utilisent-ils
des dessins montrant la ressemblance des embryons de vertébrés comme une preuve
de leur ascendance commune, même si les biologistes savent depuis un siècle
qu’ils ne se ressemblent pas plus à ces stades embryonnaires qu’au stade
adulte, et que les dessins ont été truqués ?
Ici Wells utilise un accident de l’histoire des sciences.
Haeckel a produit des dessins d’embryons pas tout à fait conformes à la réalité.
Les livres scolaires pourraient simplement montrer d’autres exemples de plus
grande similitude embryonnaire à des étapes précoces qu’à des stades adultes,
car il est un fait que ces embryons se ressemblent plus que ne se ressemblent
les adultes. Mais les livres pourraient également exploiter le fait que
certaines structures de notre propre embryogenèse sont des traits généraux
montrant notre rattachement phylogénétique, comme par exemple l’apparition
transitoire de fentes branchiales, ou la présence transitoire d’une queue. Pour
illustrer le rapport entre embryogenèse et déroulement évolutif, on pourrait
encore se borner à montrer une colinéarité relative du temps embryologique et
du temps phylogénétique. Nous avons une cavité buccale avant d’avoir les
ébauches du crâne, les ébauches du crâne avant d’avoir des doigts, et nous
avons des doigts avant le pouce opposable. On doit notre bouche à celle des
deutérostomiens apparus voici 580 millions d’années, notre crâne aux premiers craniates d’il y a 500 millions d’années, nos doigts aux
premiers tétrapodes d’il y a 370 millions d’années, et notre pouce opposable
aux premiers primates d’il y a 65 millions d’années. Enfin, on peut se
contenter d’illustrer les gènes maîtres communs. Le gène initiateur de la cascade
ontogénétique de la formation de l’œil chez la souris, s’il est exprimé
expérimentalement chez une mouche drosophile en des segments atypiques, peut
provoquer chez cette mouche drosophile la formation d’yeux de mouche
surnuméraires. Il y a donc une sorte de langue commune des gènes reconnue à des
stades précoces que l’on soit souris ou bien mouche drosophile. Cette
architecture de l’expression génétique précoce commune est suivie dans le
développement par des différenciations accrues jusqu’au stade adulte (l’ordre
donné est un ordre de souris mais les yeux surnuméraire sont bien des yeux de
mouche). Ces faits expérimentaux illustrent bien l’idée qu’il y avait dans les
embryons de Haeckel : les embryons ont en commun (ici des modalités
d’expression génétique) des traits anciens qui les font se ressembler plus que
les adultes entre eux, qui sont plus différenciés.
Archaeopteryx
Pourquoi les manuels présentent-ils
ce fossile comme le chaînon manquant entre les dinosaures et les oiseaux
modernes, même si les oiseaux modernes ne descendent pas de lui, et que leurs
ancêtres supposés n’apparaîtront pas avant des millions d’années après
lui ?
Cette objection est fondée sur un schéma totalement erroné
des relations de parenté, d’abord par confusion entre généalogie (qui descend
de qui) et phylogénie (qui est plus proche de qui). Wells cherche l’ancêtre
dans le cadre d’une philosophie essentialiste. Archaeopteryx est groupe-frère des oiseaux modernes ; il n’en est pas
l’ancêtre pour des raisons méthodologiques : la phylogénie n’identifie pas des
ancêtres, mais seulement des degrés d’apparentement. La phylogénie ne dit pas
qu’Archaeopteryx est
l’ancêtre des oiseaux modernes, elle dit qu’il est plus proche des oiseaux
modernes qu’il ne l’est des dinosaures. Le fait qu’il ne soit pas un ancêtre
n’est donc pas une objection valide. Et le fait qu’il soit groupe-frère
des oiseaux modernes n’empêche pas au premier de ceux-ci d’apparaître beaucoup
plus tard.
La phalène du bouleau
Pourquoi les manuels scolaires
utilisent-ils les photographies de phalènes des bouleaux camouflées sur des
troncs d’arbres comme preuve de la sélection naturelle lorsque les biologistes
savent depuis les années 1980 que normalement les phalènes ne résident pas sur
les troncs, et que toutes les photographies ont été truquées ?
Les photographies ne constituent pas les données
scientifiques de base relatives à cette question. Les travaux décisifs de
l’équipe de B. Kettlewell ont été réalisés bien après
qu’on ait remarqué que les formes noires de ce papillon avaient déjà une
fréquence de 98% dans les régions industrielles de l’Angleterre (et ceci dès
1898), tandis que les formes blanches typiques demeuraient à une fréquence de
100% en zone rurale non polluée. Dans les années 1950, l’équipe de B. Kettlewell travailla sur de nombreux marquages et
re-captures de formes claires et foncées de phalènes du bouleau, relâchées
tantôt dans des bois sombres, tantôt dans des bois clairs. Les statistiques
faites sur les re-captures montrèrent une très nette survie en faveur des
formes foncées dans les bois pollués, et une nette survie des formes claires
dans les bois non pollués. Les résultats de l’expérience ne sont pas à remettre
en cause, à moins d’accuser l’équipe de B. Kettlewell
de fraude. L’interprétation qui a été faite de ces résultats était à l’époque
la seule possible : seule la prédation accrue sur les formes mal camouflées
pouvait rendre compte des chiffres, compte tenu des données disponibles et des
observations directes de prédation par les oiseaux. Les chercheurs purent
constater que les formes claires étaient bien camouflées sur les troncs clairs
pourvus de lichens, et les formes foncées indiscernables sur les troncs devenus
foncés par disparition du lichen. Quel que soit le moment de la journée ou de
la nuit, l’endroit de l’arbre où il se cache le jour, et quel que soit le
mécanisme par lequel les formes mal camouflées sont repérées par les
prédateurs, l’interprétation reste logiquement valide. En fait, les auteurs qui
ont réétudié la question (telle l’équipe de T. Sargent en 1998) pensent qu’il
s’agit toujours d’un problème de sélection, mais plus compliqué que ce que
l’équipe de Kettlewell était en mesure d’interpréter,
d’autres facteurs sélectifs étant à l’œuvre (par exemple, les larves des formes
mélaniques montrent une plus grande tolérance aux polluants et aux parasites).
Le mélanisme industriel» a touché également entre 80 et 100 autres espèces
d’arthropodes. Mais si cet exemple de sélection naturelle devient aujourd’hui
d’interprétation plus complexe, et si des photographes pressés ont «collé» des
phalènes là où elles ne préféraient pas résider, l’exemple peut être aisément
remplacé par d’autres. John Endler, de l’Université
de Santa Barbara, recensait déjà au milieu des années
1980 plus de cent études décrivant des mécanismes de sélection naturelle dans
des conditions et sur des organismes très variés. J. Wells devrait donc élargir
ses recherches bibliographiques ailleurs que dans les livres scolaires.
Les pinsons de Darwin
Pourquoi les manuels clament-ils que
le changement des becs des pinsons des Galapagos
durant les sécheresses peut expliquer l’origine des espèces par la sélection
naturelle, même si ces changements sont réversibles après la sécheresse, et
qu’aucune évolution n’a eu lieu ?
L’objection est ici de mauvaise foi : le modèle «pinson»
illustre l’initiation du changement dans des populations. Les études montrent
que l’aspect physique des espèces change avec les modifications de
l’environnement, et changent du même coup la survie et le succès reproducteur
des espèces, et ceci dans une période de temps plus courte que ce que l’on
pensait. La forme du bec n’est pas le seul caractère étudié. L’affirmation
selon laquelle aucune évolution n’a eu lieu est fausse et gratuite. Les travaux
de Peter Grant (voir par exemple dans «La sélection naturelle et les pinsons de
Darwin», dans le dossier Pour La Science
intitulé «L’évolution», Hors Série n°14, janvier 1997.) sur les pinsons
montrent une sélection oscillante, très réactive et très liée aux aléas
climatiques. Par ailleurs, de multiples autres exemples de sélection sont
disponibles (notamment dans des livres tels «Speciation
and its Consequences»,
de D. Otte et J.A. Endler, Sinauer Associates, 1989).
Dans plusieurs textes, Wells dénonce l’utilisation qui est
faite des pinsons de Darwin comme exemple de diversification des espèces alors
que, dit-il, on n’a jamais vu une espèce se créer. Cette affirmation est, une
fois de plus, fausse. L’apparition de nouvelles espèces en période historique a
été de nombreuses fois documentée, c’est-à-dire, pour reprendre les termes de
l’objection, l’évolution d’une espèce en une autre. Par exemple, on a pu
observer que des remaniements chromosomiques chez des souris tunisiennes
provoquaient des isolements reproducteurs et donc la naissance de nouvelles
espèces, l’espèce descendante vivant au même endroit que la parente.
L’hybridation naturelle entre deux types de tournesols identifiés comme espèces
distinctes produisit une descendance qui ne pouvait plus se croiser avec les
tournesols ancestraux, réalisant ainsi une nouvelle espèce. Cette expérience a
même pu être reproduite en laboratoire. A partir d’une souche des années 1950,
des mouches du vinaigre (drosophiles) ont été reproduites dans des laboratoires
durant cinquante ans dans des conditions stables et pures. Pendant ce temps,
les descendants restés dans la nature continuèrent à évoluer de leur côté.
Lorsqu’il s’est agit de croiser, cinquante ans plus tard, les descendants
domestiques restés « purs » et les descendants naturels, ce croisement fut
rendu impossible par l’invasion génétique d’éléments génétiques dits « P » dans
les populations naturelles. Les populations naturelles avaient tellement changé
qu’elles étaient devenues, en quelque sorte, une autre espèce au regard de la
souche originelle restée, elle, préservée de ces événements au laboratoire.
Les mouches mutantes
Pourquoi les manuels utilisent-ils
les drosophiles avec une paire d’ailes supplémentaires comme la preuve que les
mutations dans l’ADN peut fournir le carburant de l’évolution, même si ces
ailes supplémentaires n’ont pas de muscles et que ces mutants sont incapables
de vivre en dehors du laboratoire ?
Le modèle montre juste que de petits changements
génétiques peuvent engendrer des modifications spectaculaires du corps. On
pourrait changer d’exemple : un seul gène, lorsqu’il est muté, change le
sens de l’enroulement des coquilles des escargots, et ces mutants naturels sont
parfaitement viables dans leur milieu. Les manuels devraient juste diversifier
leurs mutants.
Les origines humaines
Pourquoi utilise-t-on les dessins des
artistes représentant des humains simiesques pour justifier les déclarations
matérialistes selon lesquelles nous ne sommes que des animaux et que notre
existence n’est qu’un accident, lorsque les experts de ces fossiles ne
s’accordent même pas sur qui sont nos ancêtres et à quoi il
ressemblaient ?
Les débats en paléontologie humaine sont des débats sur
les relations de parenté des fossiles, entre spécialistes n’utilisant pas les
mêmes méthodes d’analyse. Ces débats font partie de la marche normale d’une
science. Si l’on désire entrer dans ce débat, il faut être très vigilants à la
nomenclature. Le terme «nos ancêtres» est trop flou. Jusqu’où remonte-t-on ? La
question telle qu’elle est posée par Wells est trop vague, et permet de
présenter la paléontologie humaine comme un vaste désordre. Il y a des accords
à certains niveaux de l’arbre phylogénétique des hominidés. Nous l’avons vu,
les ancêtres sont des puzzles incomplets dont la structure dépend de la
structure de l’arbre reconstruit. Les chercheurs s’accordent sur certaines
combinaisons minimales pour certains de ces puzzles, c’est-à-dire pour certains
de nos ancêtres. Ces représentations s’en inspirent.
L’évolution, un fait ?
Pourquoi nous dit-on que la théorie
darwinienne de l’évolution est un fait scientifique, même si beaucoup de ses
affirmations sont fondées sur des représentations erronées des faits ?
Ici il y a un flou sous le mot «évolution» et une
confusion dans les rapports entre faits et théorie (voir plus haut). Wells joue
sur les deux confusions. Certes, l’évolution biologique est un fait, les
industries agronomique et pharmaceutique feraient faillite si les êtres vivants
dans la Nature étaient immuables. Mais les mécanismes par lesquels la vie
évolue sont conçus par nous dans la théorie darwinienne de l’évolution. Dans la
seconde partie de la phrase, c’est la théorie qui est visée («les faits» sont
ceux de la théorie). Une théorie n’est pas moins noble que les faits, cette
opposition est inepte, nous avons déjà développé cela plus haut. En présentant
une théorie élevée au rang de fait, Wells établit une hiérarchie qualitative
entre les deux en même temps qu’il suggère l’abus. L’accusation de
représentation erronée des faits fait référence aux icônes de l’évolution.
http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosevol/decouv/articles/chap1/lecointre1.html
actualité
Une pétition internationale des
brights
l’Intelligent Design n’est pas de la
science et n’a rien faire,
ans les programmes de sciences des
écoles publiques
Les
brights constituent un réseau international d'individus qui partagent une
vision du monde naturaliste, c'est à dire exempte d'éléments surnaturels ; le
nom de "brights" , faisant écho aux Lumières du dix-huitième
siècle, se veut donc commun, à une échelle mondiale, à tous
ceux qui, dans leur diversité (athées, agnostiques, libre-penseurs,
rationalistes scientifiques, etc...),
partagent une telle vision du monde.
Une autre
caractéristique, forte, du réseau des brights, est que les brights
s'interdisent de parler de façon collective au nom du réseau en entier : le
réseau des brights est un réseau international d'individus et chaque individu
participant au réseau ne peut parler qu'en son nom.
Après des
discussions sur le forum central mondial du mouvement des brights, un
texte court - en anglais - a été élaboré par plusieurs brights, texte
reprenant l'idée simple : l'intelligent design n'est pas de la science et n'a
donc rien à faire dans des programmes de science des écoles publiques, et cela
n'importe où dans le monde.
Un lien
internet est donné; ce lien débouche une question offrant deux
choix :
"je
suis un bright et je suis d'accord avec la déclaration", (le premier
choix)
"je
suis un bright et je ne suis pas d'accord avec la déclaration" (le
deuxième choix)
http://the-brights.net/polls/phpQJr/poll.php?pid=17
au 31
octobre 3739 signatures avaient été récoltées sur cette pétition.
----- Original Message -----
From: The Brights' Net
Go to http://the-brights.net/
and voice your opinion of the following:
===== Statement on Intelligent Design =====
Various school
boards and communities in the
Simply put, Intelligent Design is not science. Science deals empirically with
reality. In fact, central to scientific method is that its ideas about the natural
world can be tested, replicated, and verified. Unlike science's account of the
evolution of life on earth, the ID explanation postulates ideas that can not be
observed or validated. By looking upon a designer as necessary to account for
the origin and development of life, ID breaches science as a discipline.
The scientific process, with its rigorous methods of confirmation, is the best
means to understanding our world, and no nation can expect to fare well if its
citizens are confused about or misinformed in science. The Intelligent Design
movement presents an impediment to educating students for our
scientifically-oriented world. ID is a grievous threat to the academic
integrity of science education.
transmis par Paul Geisert and Mynga Futrell,
======
Déclaration sur l’ Intelligent Design ========
Un certain nombre de conseils scolaires et de communautés,
aux Etats-Unis, tentent d'introduire la théorie de l'"intelligent
design" (ID) dans les programmes de sciences des écoles
publiques. Les promoteurs de l'ID,
croient généralement pouvoir accorder un crédit scientifique à
leurs théories. D’autres parmi ces avocats visent plus subrepticement d'ouvrir
la route par ce biais à des croyances religieuses au sein des programmes de
science. Mais, de toutes façons, quelle qu'en soit la motivation des
promoteurs, les théories de l'intelligent design sont en contradiction avec la
définition de la science et doivent être rejetées : ces théories n'ont pas leur
place dans un cursus scientifique.
En l’exprimant de façon simple, l' Intelligent Design
n'est pas de la science. La Science entretient un rapport expérimental avec la
réalité. Un caractère central de la méthode scientifique est que les hypothèses
à propos du monde naturel doivent pouvoir être testées, répliquées, et
vérifiées. Contrairement aux acquis scientifiques de la théorie de l'évolution
de la vie sur terre, les explications de l'ID postulent des hypothèses qui
ne peuvent être ni observées ni validées. Considérant l'existence d'un
concepteur comme nécessaire pour rendre compte de l'origine et du développement
de la vie, l'Intelligent Design est en infraction avec le cadre d'une
discipline scientifique.
Il n'y a pas de meilleur outil que la méthode
scientifique, avec ses processus rigoureux de confirmation, pour accéder à une
compréhension de notre monde, et aucune nation ne peut aspirer à se développer
correctement si ses citoyens sont entretenus dans la confusion ou mal informés en
matière scientifique. Le mouvement de l’Intelligent Design constitue un
obstacle dans la préparation des étudiants à un monde où les sciences occupent
une place incontournable. L’Intelligent Design constitue une menace sérieuse
contre l’intégrité de l’enseignement des sciences.
traduit par Michel Naud, Nantes (France), coordinateur du réseau des brights
de France et des environs
Une
nouvelle offensive du créationnisme.
une
déclaration du bureau de l’union rationaliste (22 octobre 2005)
Depuis la formulation de la doctrine de l’évolution par
Darwin, les fondamentalistes ont essayé d’en interdire l’enseignement parce
qu’il contredit les récits de la création du monde que l’on trouve dans la
Bible et le Coran. Le mouvement est particulièrement fort dans les pays
musulmans, aux USA et en Australie. Le cas des USA est potentiellement inquiétant car les USA
sont le pays qui domine la recherche scientifique. Si l’enseignement y
accordait officiellement une place aux récents avatars du créationnisme, il ne
manquerait pas de gens en Europe pour en tirer avantage et se prévaloir de ce
précédent pour y imposer son enseignement.
Aux USA, le choix des programmes dépend des comtés et des
états (States). Une première tentative a consisté à interdire dans l’état du
Tennessee l’enseignement du darwinisme. Ce fut le sujet en 1925 d’un procès
célèbre, un enseignant ayant refusé d’obtempérer. Vint ensuite une tentative,
dans plusieurs états américains, d’imposer l’enseignement du créationnisme et
du darwinisme sur une base égale. Cette décision fut annulée par la Cour
Suprême car le créationnisme est une doctrine manifestement religieuse alors
que le darwinisme relève de la science. Les créationnistes comprirent la leçon.
Au lieu de nier l’évolution, ils essayèrent de montrer qu’elle implique
l’existence d’un « intelligent design », Voltaire aurait-dit :
d’un bon horloger. Malgré les protestations des milieux scientifiques, en
particulier de l’Académie des Sciences des USA, cet « intelligent
design » doit maintenant être enseigné
de pair avec la doctrine classique (néo-darwinienne) de l’évolution dans
de nombreux états, dont la Californie. Un procès est en cours en Pennsylvanie.
Le Président G. Bush vient de se déclarer en faveur de ce type d’enseignement.
Le danger est grand que ce dévoiement s’étende à l’ensemble des USA et de là à
l’ensemble du monde.
C’est pourquoi les Brights, relayés en France par notre ami
Michel Naud, ont lancé sur Internet une pétition à
laquelle l’Union Rationaliste s’associe et qu’elle vous appelle à signer.
Pour signer la pétition : http://the-brights.net/ (collecte des
signatures expirée)
Pour savoir qui sont les brights: http://brightsfrance.free.fr
le bureau de l'Union Rationaliste, le 22 octobre
2005
http://www.union-rationaliste.org/courrier.html#creationnisme
Le Dalaï-lama ouvrira la conférence annuelle
de la Société américaine de neurosciences
un article du nouvel observateur [10 octobre 2005]
La
personnalité qui ouvrira la conférence annuelle de la Société américaine de
neurosciences n’est ni neurologue ni scientifique mais leader religieux. C’est
en effet au dalaï-lama qu’incombe la lecture inaugurale de cette importante
réunion scientifique, le 12 novembre prochain. Son intervention portera sur la
médiation et les neurosciences, un thème devenu très populaire depuis que des
moines bouddhistes se sont prêtés à une étude sur l’activité de leur cerveau.
Plusieurs centaines de chercheurs ont cependant signé une pétition contre cette
intervention.
Signée par plus de 500 spécialistes des neurosciences, ce texte précise que
l’intervention du dalaï-lama donne beaucoup d’écho à des travaux qui ne sont
que préliminaires –en l’occurrence l’étude publiée en 2004 par Richard Davidson- et qui n’ont pas été reproduits par d’autres. La
pétition souligne qu’il est ‘’ironique’’ pour une société de neurosciences
d’accorder une telle légitimité à une doctrine religieuse qui repose sur la
réincarnation.
Les défenseurs de l’intervention du dalaï-lama, qui font à leur tour circuler
une pétition, estiment que ces attaques sont en grande partie le fait de
chercheurs chinois ou issus de l’immigration chinoise, motivés par une
dissension politique. Ils insistent aussi sur l’intérêt porté par le chef
spirituel du bouddhisme tibétain à la connaissance et à la science, notamment
via son organisation ‘’Mind and
Life’’.
Le Dr Carol Barnes, présidente de la Société de
neurosciences, a indiqué qu’elle n’annulerait pas le discours du dalaï-lama le
12 novembre à Washington.
Ce débat intervient dans un contexte sensible aux Etats-Unis, où la majeure
partie de la communauté scientifique se bat contre les tenants de l’Intelligent
Design, qui estiment que l’évolution humaine ne peut s’expliquer par le
hasard. Un procès (lire ci-contre) est en cours entre les deux parties en ce
moment en Pennsylvanie. Les débats se poursuivent jusqu’à début novembre.
http://sciences.nouvelobs.com/sci_20051019.OBS2779.html?1524
(avec
des liens sur les sites et les textes des pétitions "pour" et
"contre")
Evangelical Scientists Refute Gravity With New 'Intelligent Falling' Theory
Des scientifiques
évangéliques réfutent la gravitation universelle
avec la nouvelle
théorie de la « gravitation intelligente »
August
17, 2005 | http://www.theonion.com/content/node/39512/print/
KANSAS CITY, KS — As the debate over the
teaching of evolution in public schools continues, a new controversy over the
science curriculum arose Monday in this embattled Midwestern state.
Scientists from the Evangelical Center For Faith-Based Reasoning
are now asserting that the long-held "theory of gravity" is flawed,
and they have responded to it with a new theory of Intelligent Falling.
Rev. Gabriel Burdett explains
Intelligent Falling.
"Things fall not because they are acted upon by some
gravitational force, but because a higher intelligence, 'God' if you will, is
pushing them down," said Gabriel Burdett, who holds degrees in
education, applied Scripture, and physics from Oral Roberts University.
Burdett added: "Gravity—which is
taught to our children as a law—is founded on great gaps in understanding. The laws
predict the mutual force between all bodies of mass, but they cannot explain
that force. Isaac Newton himself said, 'I suspect that my theories may all
depend upon a force for which philosophers have searched all of nature in
vain.' Of course, he is alluding to a higher power."
Founded in 1987, the ECFR is
the world's leading institution of evangelical physics, a branch of physics
based on literal interpretation of the Bible.
According to the ECFR paper
published simultaneously this week in the International Journal Of Science
and the adolescent magazine God's Word For Teens!, there are many
phenomena that cannot be explained by secular gravity alone, including such
mysteries as how angels fly, how Jesus ascended into Heaven, and how Satan fell
when cast out of Paradise.
The ECFR, in conjunction with
the Christian Coalition and other Christian conservative action groups, is
calling for public-school curriculums to give equal time to the Intelligent
Falling theory. They insist they are not asking that the theory of gravity be
banned from schools, but only that students be offered both sides of the issue
"so they can make an informed decision."
"We just want the best
possible education for Kansas' kids," Burdett said.
Proponents of Intelligent Falling
assert that the different theories used by secular physicists to explain
gravity are not internally consistent. Even critics of Intelligent Falling
admit that Einstein's ideas about gravity are mathematically irreconcilable
with quantum mechanics. This fact, Intelligent Falling proponents say, proves
that gravity is a theory in crisis.
"Let's take a look at the evidence," said
ECFR senior fellow Gregory Lunsden."In Matthew 15:14, Jesus says, 'And if the blind
lead the blind, both shall fall into the ditch.' He says nothing about some
gravity making them fall—just that they will fall. Then, in Job 5:7, we read,
'But mankind is born to trouble, as surely as sparks fly upwards.' If gravity
is pulling everything down, why do the sparks fly upwards with great surety?
This clearly indicates that a conscious intelligence governs all falling."
Critics of Intelligent Falling
point out that gravity is a provable law based on empirical observations of
natural phenomena. Evangelical physicists, however, insist that there is no
conflict between Newton's mathematics and Holy Scripture.
"Closed-minded gravitists cannot find a way to make
Einstein's general relativity match up with the subatomic quantum world," said
Dr. Ellen Carson, a leading Intelligent Falling expert known for her work with
the Kansan Youth Ministry. "They've been trying to do it for the better part of
a century now, and despite all their empirical observation and carefully
compiled data, they still don't know how."
"Traditional scientists admit that they cannot
explain how gravitation is supposed to work," Carson
said. "What the gravity-agenda scientists need to realize is that 'gravity
waves' and 'gravitons' are just secular words for 'God can do whatever He
wants.'"
Some evangelical physicists
propose that Intelligent Falling provides an elegant solution to the central
problem of modern physics.
"Anti-falling physicists have been theorizing for
decades about the 'electromagnetic force,' the 'weak nuclear force,' the
'strong nuclear force,' and so-called 'force of gravity,'"
Burdett said. "And
they tilt their findings toward trying to unite them into one force. But
readers of the Bible have already known for millennia what this one, unified
force is: His name is Jesus."
nos amis états-uniens ne manquent pas d'idées
pour répondre à l' ID : il y a le monstre spaghetti volant, la nouvelle
classification des éléments, il y a maintenant la gravitation intelligente ...
« Les objets ne
tombent pas du fait de l’agissement d’une force gravitationnelle mais parce
qu’une intelligence supérieure, Dieu si vous voulez, les pousse vers le
bas … les lois prédisent l’attraction mutuelle entre des corps dotés de
masse mais elles ne peuvent expliquer cette force … les gravitistes
à l’esprit borné n’arrivent pas à accommoder
la relativité générale d’Einstein avec le monde quantique
subatomique ; cela fait un siècle qu’en dépit de leurs efforts et de leurs
observations empiriques ils ne savent toujours pas comment faire … Les
scientifiques traditionnels admettent qu’ils ne savent pas expliquer comment la
gravitation peut fonctionner ; les « ondes gravitationnelles »
ou les « gravitons » ne sont que des expressions laïcisées pour
exprimer que « Dieu peut faire ce qu’il veut » … les physiciens
opposés à la gravitation intelligente essaient sans succès depuis des décennies
de réaliser la fusion en une seule théorie de l’ensemble des forces qu’ils ont
mis à jour, mais les lecteurs de la Bible savent depuis des millénaires que
cette force unifiée existe : Son nom est Jésus. » Evangelical Center
For Faith-Based Reasoning
Dieu avance masqué derrière les manchots
le succès sans précédent du documentaire La Marche de
l’empereur aux USA
Aux
États-Unis, La Marche de l’empereur, le film documentaire sur les manchots de l’Antarctique,
fait un tabac. Il a déjà permis d’engranger près 70 millions de dollars et a
ainsi conquis la première place au box office des recettes des films français.
Pour ses magnifiques images d’étendues glacées? Pour l’allure rigolote de ces
drôles d’oiseaux redressés aux ailes transformées en nageoires? Probablement.
Mais aussi parce que les ligues évangéliques ont fait au film une publicité
sans pareille auprès de leurs ouailles.
Pour ces intégristes de la chrétienté, les manchots que l’on voit dans le film
protéger leur descendance contre les frimas polaires extrêmes seraient un
modèle des vertus de la procréation. Les mâles qui couvent, seuls, les œufs
pendant deux mois seraient un exemple envoyé par le ciel aux hommes, et
l’acharnement à maintenir les petits en vie en serait un pour les femmes qui
recourent à l’interruption volontaire de grossesse. Et, pour tous, les manchots
seraient donc l’archétype des vertus de la monogamie.
Sauf que, dans la réalité, ces drôles d’oiseaux changent de partenaire à chaque
saison. Pire, dans les zoos, les mâles se font entre eux des mamours qui n’ont
pas grand-chose à voir avec les nécessités de la reproduction. Et, qui plus
est, dans un zoo en Allemagne, il n’y a rien eu à faire pour intéresser un
groupe de mâles manchots à quelques superbes femelles qu’on venait d’introduire
auprès d’eux.
Il n’empêche. La Marche de l’empereur est aujourd’hui doctement utilisée par
les créationnistes américains. Depuis des dizaines d’années, ceux-ci intentent
régulièrement des procès pour que, dans les écoles, leurs illuminations
bibliques soient présentées au même titre que les faits qui attestent de
l’évolution de la vie et des espèces. Aujourd’hui ils continuent, avec pour
seule nouveauté qu’ils ne parlent plus d’un dieu mais d’un «dessein
intelligent». Pour eux, le film à succès où les manchots «parviennent à se
reproduire dans l’hostilité de l’Antarctique est bien la preuve qu’une force
supérieure, un dessein intelligent, existe et que tout cela ne peut être le
fruit du hasard de l’évolution».
Et d’ailleurs, si les manchots n’ont pas de nœud papillon, c’est sans doute une
bonté du dessein intelligent afin que les créationnistes ne puissent les
confondre avec des maîtres... d’autel!
Sophie GARGAN
Lutte
Ouvrière n°1941 du 14 octobre 2005
http://www.lutte-ouvriere-journal.org/article.php?LO=1941&ARTICLE=20
Une classification alternative des éléments
un article du n° 268 [ 2005 ] de Science et pseudo-sciences
Cette
table tourne en dérision les arguments créationnistes contre la théorie de
l’évolution en imaginant des critiques analogues sur la table périodique des
éléments de Mendeleïev. Les inévitables tâtonnements qui ont abouti à sa forme
actuelle sont ironisés et la simplicité et la solidité des quatre éléments lui
est opposée.
Warning Warning Warning
Attention. Attention. Attention.
La
périodicité chimique n’est qu’une théorie.
La
théorie change en permanence.
La théorie
est controversée.
Enseignez
des théories alternatives aux enfants.
Bas du tableau
Kansas,
aussi bête que vous le pensez.
La table
des éléments du Kansas : Terre, Feu, Air, Eau,
La vérité
est immuable
Salman Rushdie blasts
intelligent design
Formerly fatwaed author decries emergence of religion
in public life
Salman Rushdie dénonce l’ID et la place de
la religion dans la sphère publique
un article du © 2005 WorldNetDaily.com
Author Salman Rushdie, known to most for having been put under a
fatwa by the late Ayatollah Khomeini that called for his death, blasted
intelligent design proponents this week at
Rushdie,
speaking at the
"I would really love never to mention that word
again: religion," Rushdie said. "But now it
seems to be coming right at us all. I don't just mean radical Islam, by the
way. I believe we have some problems right here."
The Kansas
Board of Education is expected to vote later this year on new science standards
that, if approved, will expose students to greater criticism of Darwinism. The
move, pushed by a conservative majority on the state board, has drawn criticism
from groups that endorse evolution and who describe intelligent design as a
mere variant of creationism.
"I never had any doubts about evolution
theory," he said. "I gather there are parts of
Rushdie's
"The Satanic Verses" earned him a death sentence in 1989 from
Rushdie
told the
We were "so busy
having fun that all the uncool people took over the
world," he said.
"It's a pretty bad time for us who don't believe
that superstition should rule the world," he said.
He
recommended "ridicule,
argument and battle" to advance the fight against religion and
push superstition back in the cupboard where it belongs.
© 2005 WorldNetDaily.com http://worldnetdaily.com/news/article.asp?ARTICLE_ID=46732
Salman
Rushdie, l’auteur des « versets sataniques », cible d’un appel au
meurtre formulé en 1989 l’Ayatollah Khomeini, fatwa
levée en 1998, s’en est pris explicitement, devant un auditoire de l’université
du Kansas, aux promoteurs de l’Intelligent Design. Lui, qui a du se cacher
pendant neuf ans, souvent sous la protection de gardes de corps, et dont la
capture éventuelle fut un temps assortie d’une promesse de prime de 2 millions
de dollars offerte pour sa capture, a dit qu’il aimerait ne plus jamais à
formuler le mot de « Religion », et qu’il ne pensait pas uniquement à
l’Islam radical en disant cela. Affirmant qu’il n’avait jamais douté de la
validité de la théorie de l’évolution, il a déclaré qu’il avait combattu contre
la religion pendant la plus grande partie de sa vie, et même que, quand il
était jeune, lui et ses amis pensaient que ce combat était gagné … dénonçant
l’émergence de la religion dans la vie publique et estimant que la période
était difficile pour ceux qui pensaient que la superstition ne devrait pas
gouverner le monde, il a recommandé d’utiliser aussi bien l’ironie que
l’argumentation ou la polémique pour se battre contre la religion et repousser
la superstition dans les retranchements qu’elle ne devrait pas quitter.
En Pennsylvanie, Charles Darwin devant le
tribunal
huit
familles de Dover (Pennsylvanie) portent plainte
contre l’enseignement de l’Intelligent Design
à
l’école publique en invoquant la clause de séparation du 1er
amendement de la Constitution
LE MONDE | 29.10.05 | 14h51 | NEW YORK de
notre correspondant
Le
procès sur les théories de l'évolution, qui se tient depuis début octobre au
tribunal fédéral de Harrisburg, en Pennsylvanie, pourrait avoir des
conséquences importantes sur l'enseignement aux Etats-Unis dans les prochaines
années. Il est souvent comparé à celui de 1925 dans le Tennessee, quand le
professeur John Scopes avait été accusé d'apprendre illégalement à ses élèves
que les hommes descendent d'un organisme unicellulaire et, comble de l'horreur,
sont parents du singe. John Scopes avait perdu et payé une amende de 100
dollars.
Mais l'affaire avait eu un retentissement
considérable dans le pays, et avait finalement abouti à éjecter la religion des
cours de science. Quatre-vingts ans plus tard, le combat est le même. Cette
fois pourtant, la communauté scientifique fait face à un adversaire plus
redoutable qui utilise et retourne contre elle le langage de la science.
Le procès a pour point de départ la décision
du conseil scolaire de la région de Dover, une zone
rurale à l'ouest de Philadelphie, d'enseigner aux élèves lors des cours de
biologie une deuxième thèse concurrente de la théorie de l'évolution de Charles
Darwin, le "dessein intelligent" (Intelligent Design ).
La théorie est présentée comme une
alternative, mais dénoncée par les scientifiques comme le dernier avatar du
créationnisme. Elle a reçu des renforts de poids. Pour s'attirer les bonnes
grâces des conservateurs, George Bush a estimé cet été que les deux "écoles
de pensée " devaient être expliquées aux enfants.
"IGNORANCE"
Mais huit familles de la région de Dover en ont décidé autrement. Elles ont saisi un tribunal
fédéral et demandent à la justice de déclarer que le "dessein
intelligent" n'est pas une théorie scientifique. Les parents d'élèves
invoquent le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis, qui stipule
qu'aucune loi ne peut promouvoir une religion. Depuis la fin du mois de
septembre, les débats font rage. Plus d'une vingtaine d'Etats attendent la
décision du tribunal pour s'attaquer ou non à l'enseignement de la théorie de
Charles Darwin.
"Le débat sur l'évolution expose une
fracture fondamentale de notre société" , souligne Michael Ruse, qui enseigne
la philosophie des sciences à l'université de Floride et est l'auteur du livre The Evolution Creation
Struggle ("le combat entre l'évolution et la création"). "Il
n'y a aucun doute sur le fait que les gens qui défendent le "dessein
intelligent" sont déterminés et disposent de moyens considérables"
, ajoute-t-il. Pour eux, la vie humaine est trop complexe pour être uniquement
le fruit de la sélection naturelle. Dieu serait la source de la création.
C'est ce qu'a soutenu devant le tribunal de
Harrisburg Michael Behe, professeur de biochimie de
l'université de Pennsylvanie, insistant sur les failles et les contradictions
de la théorie de l'évolution. "Je suis parvenu aux conclusions du
dessein intelligent en me fondant sur des facteurs théologiques, logiques et
scientifiques" , a-t-il déclaré. "C'est ce qu'un philosophe
décrirait comme l'argument de l'ignorance , lui a répondu le
biologiste Kenneth Miller, de la Brown University.
"Parce que nous ne comprenons pas
quelque chose, nous assumons que nous ne le comprendrons jamais et, du coup,
nous invoquons un créateur surnaturel" , ajoute-t-il.
VISION BIBLIQUE
Le "dessein intelligent" se garde
bien de reprendre les récits de la Genèse pour ne pas se faire l'apôtre d'une
seule religion, mais avance l'idée que l'évolution est guidée par un être
supérieur. "J'accepte de discuter des limites de la science. Mais le
conseil scolaire de Dover présente une croyance
religieuse comme solution de rechange" , souligne Alan Leshner, directeur de l'Association américaine pour
l'avancement des sciences. "Il s'agit d'une simple adaptation du
créationnisme pour le rendre légal" , ajoute-t-il.
Avant le "dessein intelligent",
l'autre grand rival du darwinisme s'appelait le créationnisme. Mais il a
disparu après une décision de la Cour suprême, en 1987, considérant que cette
vision biblique ne pouvait pas être enseignée puisqu'elle est religieuse.
Pourtant, depuis près de vingt ans,
l'opinion publique a beaucoup changé aux Etats-Unis. Une majorité d'Américains
penche aujourd'hui du côté des religions et de George Bush plutôt que de celui
des scientifiques.
Selon un sondage effectué par l'institut de
recherche Pew en juillet, près de deux Américains sur
trois (64 %) sont favorables à l'enseignement du créationnisme ou du
"dessein intelligent" en plus de la théorie de l'évolution.
Et pas moins de 38 % des personnes
interrogées souhaitent que l'on élimine tout simplement Charles Darwin de
l'école pour mettre l'accent sur le rôle de Dieu. La décision du tribunal de
Pennsylvanie ne devrait pas être connue avant le mois de décembre.
Eric Leser
Article paru dans l'édition du 30.10.05
néo-créationnisme:
le «monstre de spaghetti volant» contre le «dessein» intelligent
Le Devoir, Agence Science-Presse,
Pauline Gravel , Édition du
mercredi 7 septembre 2005
Si
les pirates n'avaient pas déserté les mers, l'ouragan Katrina
n'aurait jamais vu le jour... C'est la conclusion à laquelle parviennent les
défenseurs de la théorie du «flying spaghetti monster», qui réclament que leur idéologie soit enseignée
au même titre que la théorie de l'«intelligent design» dans les classes de
sciences aux États-Unis.
Selon
la théorie du «monstre de spaghetti volant» imaginée par Bobby Henderson,
récemment diplômé en physique de l'université de l'Oregon, le réchauffement de
la planète, les ouragans, les tremblements de terre et les catastrophes
naturelles découlent directement de la disparition graduelle des pirates depuis
le XIXe siècle. Graphique à l'appui, le jeune gourou de 25 ans qui invite ses
fidèles à s'habiller en pirates affirme qu'il existe une relation inverse et
clairement significative entre le nombre de pirates qui ont sillonné les océans
au cours des 200 dernières années et les températures moyennes pendant cette
même période.
Les prières adressées au monstre de spaghetti volant, représenté par un
enchevêtrement de pâtes surmonté de deux globes oculaires et flanqué de deux
boulettes de viande, se termine non pas par «amen» mais par «ramen», le nom donné à ces soupes de nouilles japonaises
qui se vendent en sachets. Les adeptes de cette nouvelle religion, qui se
définissent parfois comme des «pastafaris» -- un
calembour avec le mot «rastafaris», ces membres d'une secte messianique
d'origine jamaïcaine --, ont des convictions qui se veulent une parodie de
celles des tenants du concept de l'«intelligent design» (ID), ou «dessein»
intelligent, selon lequel la vie est si complexe et si diversifiée que sa
création a nécessairement été guidée par une puissance supérieure. Ainsi, bien
que Bobby Henderson se dise persuadé que l'univers a été créé par un invisible
et indécelable «monstre de spaghetti volant», il nous avoue ne pas savoir
comment celui-ci a procédé exactement, sauf que, ajoute-t-il, «les choses se
sont passées d'une manière aussi logique que dans la théorie du "dessein"
intelligent».
Bobby
Henderson nous a affirmé par courriel qu'il a eu la révélation de cette
divinité durant une nuit d'insomnie, tout scandalisé qu'il était par la
décision du conseil scolaire du Kansas d'intégrer aux programmes de sciences
des avenues alternatives à la théorie de l'évolution de Darwin, notamment la
thèse néo-créationniste du «dessein» intelligent.
Il
a alors écrit à ce conseil scolaire pour exiger que la théorie du «monstre de
spaghetti volant» reçoive la même attention que celles du «dessein» intelligent
et de l'évolution darwinienne dans les écoles du Kansas. Il a réclamé à grands
cris qu'on alloue la même durée d'enseignement à son concept, sinon il
intenterait des poursuites.
Trois
membres du conseil scolaire -- dominé par des ultraconservateurs religieux --
qui s'opposent fermement à l'enseignement de l'ID ont répondu à sa missive en
lui apportant son soutien. Depuis, le «monstre de spaghetti volant» connaît un
succès boeuf. Ce succès s'est notamment amplifié depuis que le président Bush
et le sénateur Bill Frist du Tennessee ont récemment
donné un coup de pouce au concept de «dessein» intelligent, qu'ils espèrent
voir enseigné dans les écoles de leur pays.
Aux dernières nouvelles, plus de 25 millions d'internautes ont visité le
portail de l'Église du «monstre de spaghetti volant»
(http ://www.venganza.org). Bobby Henderson affirme recevoir environ 400
courriels chaque jour, dont 98 % sont sympathiques à sa créature pourtant
peu ragoûtante, parmi lesquels il compte deux douzaines de scientifiques on ne
peut plus sérieux. Seulement 2 % des messages qui lui sont adressés sont
injurieux et signés par des religieux.
Par ailleurs, Bobby Henderson déclare avoir été contacté par plusieurs avocats.
«Quelques-uns m'ont offert leur aide pour la bataille, mais aucun ne s'est
porté volontaire pour le faire gratuitement», nous a-t-il confié par courriel.
Ce mois-ci, les médias autant traditionnels que numériques ont pris d'assaut
l'Église du «monstre du spaghetti volant», dont la prestigieuse revue The New Scientist, qui y a
consacré un entrefilet. Deux encyclopédies en ligne, Unencyclopedia
et Wikipedia, ont ajouté un lien portant sur cette
parodie de religion. Une recherche sur Google fait
apparaître 156 000 références et, sur Yahoo !, 377 000 entrées.
La popularité de cette satire en dit long sur l'importance de l'enjeu
http://www.ledevoir.com/2005/09/07/index.htm
Si la théorie de la
création intelligente est enseignée aux élèves,
alors il est
impératif que les programmes contiennent également
des éléments
d'informations sur notre théorie de la création du monde
extrait
du site français de l’Eglise du Monstre en Spaghettis Volant.
Nos Croyances
1- Le monde que nous
connaissons a été créé par un Monstre en Spaghettis Volant
2- Le Monstre a d'abord
créé des arbres, une montagne et un nain. Il s'est ensuite occupé du reste.
3- Ce que nous appelons
"la science" ou "les vérités scientifiques" sont en fait
des éléments mis à notre disposition par le Monstre (et qu'il déforme pour nous
faire croire ce qu'il veut).
4- Le Monstre aime les
pirates.
5- Le réchauffement planétaire
des 200 dernières années est dû à la baisse du nombre de pirates.
6- Le vendredi est un
jour saint. On ne doit pas travailler le vendredi.
7- Chacun de nous doit
s'habiller en pirate.
http://site.lesdoigtsbleus.free.fr/monstre_spaghettis
« Intelligent design » : LATOUR dénonce le
fondamentalisme … scientifique
Latour affirme qu’il s’agit d’un « débat entre deux
fondamentalismes,
le fondamentalisme
religieux et le fondamentalisme scientifique »
Interrogé sur
France-Culture, sur les procès engagés dans plusieurs États américains à propos
de l’enseignement à l’école, contre le darwinisme, de la thèse de
l’« intelligent design » (c’est-à-dire de la création divine), Latour affirme qu’il s’agit d’un « débat entre deux
fondamentalismes, le fondamentalisme religieux et le fondamentalisme
scientifique » et il ajoute qu’on en serait pas là si on n’avait pas
opposé de « manière sotte », « le matérialisme et la religion ou
la superstition ». Latour est un des penseurs
écoutés chez les Verts et dans certaines fractions de la "deuxième
gauche". Source :
Denis Collin (http://brightsfrance.free.fr/denis.collin.htm
) , 10 juin 2005
Bruno
Latour avait été déjà brocardé par nos amis Jean Bricmont et Alan Sokal dans Impostures
intellectuelles. Dans notre rubrique Souvenirs souvenirs, nous reproduirons
pour l’occasion l’intégralité de la
tribune que Jean-François Revel avait confiée au magazine Le Point lors de la
sortie de ce livre en 1997 ; en lecture apéritive dégustons-en cette
citation :
"Bruno Latour
nous apprend, pour sa part, que le pauvre Einstein ne s’est pas compris lui-même.
Heureusement, Latour vint pour révéler que " la
théorie de la relativité est sociale de part en part ". Autrement
dit, elles n’est pas scientifique. C’est une représentation sociale, un peu
comme la chanson d’Elton John en l’honneur de Diana. Dans sa bonté, Latour rend
à Einstein le service posthume de lui apporter la lumière.
" Avons-nous appris quelque chose à Einstein ? "
se demande-t-il en toute modestie. Oui, car " sans la position de
l’énonciateur... l’argument technique d’Einstein lui-même est incompréhensible ".
Qu’il le soit pour Latour paraît certain."
Bien
sûr, Bruno Latour a bien (et doit avoir) le droit,
tout comme nous, de penser, tout comme de dire et enseigner ce qu’il veut à qui
veut bien l’entendre ; mais il est néanmoins légitime de nous interroger
sur la signification politique d’un choix réalisé et confirmé par le ministère
de l’industrie, toutes tendances gouvernementales confondues, qui considère de
facto que les idées défendues par Bruno Latour sont
les plus appropriées pour la formation des futurs ingénieurs de l'école des
mines de Paris ... et donc en particulier de tous les futurs X-Mines, censés devenir l’élite de l’élite de notre
politique industrielle, puisque c’est à lui qu’y est confié l’enseignement de
la sociologie de l'innovation ... http://www.ensmp.fr/Fr/Recherche/Domaine/ScEcoSoc/CSI/CSI-infosGenerales.html
Nous devons reconnaître que la théorie de l’évolution n’est pas complète
…
estime la ministre chrétienne-démocrate de l’Education
néerlandaise ,
qui veut
organiser un débat entre les « défenseurs de l’évolution »
et les
partisans du créationnisme et de « l’intelligence supérieure »
La ministre
de l’Education néerlandaise Maria van der Hoeven a
suscité la polémique, le samedi 21 mai, alors que l’AFIS
était en assemblée générale (mais nous ne l’avons su que le lundi grâce à
l’AFP) en affirmant souhaiter un débat sur l’évolution des espèces décrite par
Charles Darwin et les théories de la création et de «l’intelligence
supérieure » (traduction de
l’expression «intelligent design »).
La ministre
chrétienne-démocrate affirme que «nous devons reconnaître que la théorie de
l’évolution n’est pas complète et que nous découvrons encore de nouvelles
choses », dans un entretien publié par le quotidien national Volkskrant (centre-gauche).
Elle indique
vouloir organiser un débat à l’automne entre les défenseurs de l’évolution, qui
est généralement enseignée dans les écoles néerlandaises, et les partisans du
créationnisme et de «l’intelligence supérieure ».
Pour les
tenants de cette théorie basée sur des fondements religieux et non
scientifiques, la sélection naturelle décrite par Darwin ne peut suffire à
expliquer la perfection du code génétique ni l’équilibre naturel de la vie sur
Terre. Ils évoquent alors une «force intelligente supérieure » comme
étant à l’origine de la création.
Les
déclarations de la ministre de l’Education ont suscité de très vives critiques,
même si Mme van der Hoeven a précisé qu’elle ne veut
pas introduire la théorie d’une intelligence supérieure dans l’enseignement.
Le professeur
néerlandais de génétique Ronald Plaskerk a regretté
que la ministre n’ait pas la capacité de séparer ses convictions religieuses et
l’Etat.
«Avec ces déclarations, la ministre nous ramène en arrière », a affirmé à l’agence de presse
néerlandaise ANP la députée centriste Ursie Lambrechts dont le parti appartient à la coalition gouvernementale.
«Il y a six ans nous nous sommes mis d’accord pour que la théorie de
l’évolution soit enseignée dans toutes les écoles, la ministre donne
aujourd’hui l’impression que la théorie de l’intelligence supérieure est tout
aussi crédible », a-t-elle regretté.
La semaine
précédente, les déclarations du recteur d’une école protestante de Groningen
(nord) interdisant à ses professeurs de prendre position en faveur de la
théorie de l’évolution avaient déjà fait des remous aux Pays-Bas
Source AFP reprise par :
http://www.topchretien.com/topinfo/affiche_info_v2.php?Id=8928
http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-05-23/2005-05-23-634809
Si le design
intelligent est une théorie scientifique …
alors l'astrologie
l'est aussi et les écoles devraient donc se mettre à
enseigner
l'astrologie sur un pied d'égalité avec l'astronomie!
(Agence Science-Presse) - La comparaison est sortie lors du procès
qui se déroule actuellement à Harrisburg, Pennsylvanie. Mais elle n'est pas
venue de scientifiques désireux de ridiculiser le design intelligent: elle est
venue du principal défenseur du design intelligent lui-même.
Le
biochimiste Michael Behe, auteur de nombreux articles
et ouvrages faisant la promotion du design intelligent, avait tout d'abord été
appelé à la barre par la défense: il a donc répété sa croyance, à l'effet que
le design intelligent est une théorie scientifique valide, et non de la
religion. C'est le contre-interrogatoire serré de l'avocat de la partie
adverse, Eric Rothschild, qui l'a mis dans l'embarras.
Premier
point, a souligné l'avocat: selon l'Académie américaine des sciences, une
théorie est, "en science, une explication argumentée de certains
aspects du monde naturel qui peut incorporer des faits, des lois, des
déductions et des hypothèses vérifiées". Deuxième point: le design
intelligent a été rejeté par à peu près tous les scientifiques, et n'a jamais
passé l'épreuve d'une publication dotée d'un comité de révision. Donc, le
design intelligent ne se qualifie pas comme une théorie en vertu de cette
définition.
Behe a
dû admettre que c'était le cas, mais a ajouté du même souffle qu'il avait sa
propre définition, "plus large", de ce qu'est une théorie
scientifique. Rothschild a alors suggéré que sa définition était justement si
large qu'elle pourrait faire de l'astrologie une théorie scientifique valide. Behe a reconnu que Rothschild avait raison.
Le procès,
qui doit prendre fin le 4 novembre, est le résultat d'une poursuite déposée par
11 familles de l'école voisine de Dover,
Pennsylvanie, qui s'opposent à ce que le design intelligent entre dans leur
école. Depuis son début (voir ce texte), le
mois dernier, il est devenu un symbole, dans les médias américains, de
l'ampleur qu'a pris le débat créationnisme vs. évolution.
http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/2005/cap3110052.html
La théorie du design
intelligent déchire les Etats-Unis d’Amérique …
Une synthèse par
l’agence québécoise Agence Science-Presse
(Agence Science-Presse) - Pendant qu'en Pennsylvanie, un procès
attire peu à peu l'attention sur ces étranges Américains qui veulent
réintroduire le créationnisme dans les écoles, ailleurs aux États-Unis, les
médias cherchent à comprendre le problème, et ils le trouvent jusque dans la
famille Bush.
Déjà, il y
a quelques mois, le président Bush s'était échappé: en entrevue avec la presse,
il avait reconnu qu'à son avis, l'écolier devrait être exposé aux "autres
théories". Voilà qu'un quotidien de Miami s'est penché vers son frère, le
gouverneur de Floride Jeb Bush, et y a découvert un
politicien sympathique au créationnisme, mais qui préfère ne pas le dire
publiquement. Le concept du design intelligent, cette version déguisée du
créationnisme, a-t-elle sa place dans les cours de science, lui a demandé le
journaliste? "Je ne sais pas", a
hésité le gouverneur.
Trois de
ses adversaires possibles aux élections de 2006, deux démocrates et un
républicain, disent que le design intelligent relève de la religion, et n'a,
pour cette raison, pas sa place dans les écoles publiques. Un quatrième, le
républicain Tom Gallagher, ne s'oppose pas à ce que
évolution et création soient enseignés dans les cours de science sur un pied
d'égalité.
C'est donc
là qu'en est le débat aux Etats-Unis. Au point où, s'étonne le quotidien
britannique The Guardian, le
Musée d'histoire naturelle de New York, en concevant sa toute dernière
exposition sur l'évolution, a dû tenir compte de la controverse qu'elle
susciterait et en tenir compte dans a façon de présenter et de vulgariser la
biologie.
C'est là
qu'en est le débat parce qu'avec le temps, les créationnistes se sont raffinés.
Désormais, les promoteurs du design intelligent tentent d'en faire une théorie
scientifique, dans l'espoir de contourner l'interdit de faire entrer la
religion dans les écoles publiques. Et dans le cadre du procès du comté
d'Harrisburg, Pennsylvanie (voir ce texte),
cette semaine, c'était justement le tour des témoins de la défense.
Ce procès,
commencé le 26 septembre, est le résultat d'une
poursuite déposée par huit familles (11 enfants) de la région,
choquée de voir leur commission scolaire céder aux créationnistes et ouvrir
toute grande la porte à l'enseignement du design intelligent. Les plaidoiries
des avocats doivent suivre en novembre et le jugement pourrait être rendu début
décembre.
Harrisburg
n'est que la partie émergée de l'iceberg: de semblables débats ont lieu dans
plus de 20 États, et d'ici quelques années, certains d'entre eux auront
peut-être évolué jusqu'à atteindre le stade du procès. En Floride justement,
l'État doit entrer l'an prochain dans une phase de révision des normes
scolaires: un moment propice à une reprise du débat création vs. évolution.
Or, la
Floride offre un exemple patent de ce déchirement auquel font face les
Etats-Unis, souligne le journaliste
scientifique Carl Zimmer sur son blogue:
plus tôt ce mois-ci, le gouverneur Jeb Bush a annoncé
que l'Institut de recherche Scripps avait choisi son
État pour y construire un vaste campus universitaire. Le gouverneur a mené une
dure bataille pour obtenir ce campus chez lui, car l'Institut Scripps n'est pas n'importe quoi: c'est l'une des plus
importantes institutions de la planète en matière de recherche biomédicale, de
la régénération des cellules nerveuses à la quête d'un médicament contre le
sida.
Mais cela
veut dire des recherches de pointe sur l'évolution du bagage génétique au fil
du temps, sur l'évolution des structures et des fonctions des protéines au fil
des milliards d'années, sur l'évolution de la résistance des bactéries aux
antibiotiques... En d'autres termes, toute la recherche biomédicale de pointe
est indissociable du concept d'évolution.
C'est donc
le même gouverneur qui s'est battu pour faire venir chez lui l'Institut de
recherche Scripps et qui, en même temps, semble prêt
à ouvrir la porte au créationnisme dans les écoles. Depuis août, son chancelier
d'État sur l'éducation, Cheryl Yecke, est une
créationniste affichée. Elle avait perdu un emploi similaire au Minnesota pour
cette raison, ce qui n'a pas empêché le gouverneur Bush de considérer qu'elle
était la meilleure personne pour le poste.
http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/2005/cap1710057.html
« Science et
Religion » sélection de textes
Teilhard de Chardin
par Ernest Kahane,
Professeur à
l’Université de Montpellier, secrétaire général de l’Union Rationaliste
Préface de Jean Orcel,
Professeur au Muséum,
Vice-président
de l’Union Rationaliste
Publications
de l’Union Rationaliste, 1960
Teilhard et le transformisme (p. 91-101)
La
reconnaissance de l'Evolution, et son universelle généralisation ne sont pour
[TEILHARD] qu'un premier pas dans la voie où il va s'engager allègrement, et
qui est destinée à le conduire aux thèses spiritualistes. (…) L'évolution étant
constatée, [il s’efforce de] démontrer que l'évolution est dirigée. TEILHARD
reste sur le terrain de l'observation, il ne s'agit pas d'introduire, ou il ne
s'agit pas encore d'introduire une direction personnalisée, le principe
directeur lui-même n'est pas désigné, il nous demande simplement de faire un
pas de plus avec lui, et de reconnaître benoîtement que l'Evolution est
irréversible, et qu'elle ne se fait pas au hasard.
« La Science dans des ascensions, et même... l' Humanité dans
sa marche, piétinent en ce moment sur place, parce que les esprits hésitent à
reconnaître qu'il y a une orientation précise et un axe privilégié
d'évolution. »
(Le Phénomène
humain, 154.)
Devons-nous
faire ce pas avec lui ? Si nous le faisons, serons-nous fatalement entraînés,
comme il le croit, à abandonner notre position matérialiste, et, qui sait ? à
admettre avec lui que « l'Evolution est
transformation primairement psychique. » (Le Phénomène
humain, 183.)
[Le
spiritualisme de TEILHARD] est finaliste par nature et par destination, alors
que BERGSON voyait subtilement dans le finalisme un mécanisme à rebours.
L'Evolution est justifiée pour TEILHARD par un appel vers tout ce que résume le
Point Oméga.
« L'Evolution n'est point « créatrice »,
comme la Science a pu le croire un moment.. mais elle est l'expression pour
notre expérience, dans le Temps et l'Espace, de la création. » (La place de l'Homme dans
l'Univers, 1942.)
Pour mieux se défier de ce qui est en germe dans
[le] postulat spiritualiste [de TEILHARD], il est prudent de le considérer
comme surajouté, ce qui le fait apparaître avec son véritable caractère : il
est nécessaire pour la fin apologétique, non pour la synthèse scientifique. En
effet, il est aisé de l'écarter, même au niveau de la loi de Complexité -
Conscience.
Là, il est cependant indispensable d'être plus
vigilant encore que de coutume, pour n'accepter que ce qui s'impose
rationnellement, c'est-à-dire en toute objectivité, à l'écart de tout
présupposé métaphysique. « Votre parti - pris matérialiste, nous dira-t-on, est
un présupposé comme un autre, et il est métaphysique comme tout présupposé. »
Non. La matière, c'est la réalité, et la réalité, c'est la matière. Et notre
matérialisme consiste à tout accepter, à tout étudier de la réalité, que nous
considérons comme connaissable, et comme existant en dehors de la conscience
que nous en prenons. Si notre conception actuelle de la matière est insuffisante,
et bien sûr qu'elle est insuffisante, nous la réformerons, à mesure que nous en
saurons davantage sur la réalité, c'est-à-dire sur elle. Que des propriétés
insoupçonnées de la matière se découvrent à nos yeux, et bien sûr qu'il s'en
découvrira, il n'en résultera pour nous qu'une conception plus riche et plus
adéquate de la réalité.
Notre matérialisme consiste à refuser d'aller plus
vite que la science. Anticipons autant que nous voulons, ou plutôt autant que
nous pouvons, dans le système, la théorie, l'hypothèse scientifiques,
donnons-nous-en à cœur joie. Mais que nos constructions restent de caractère
scientifique! Si elles rassemblent des faits établis pour en faire une
synthèse, si elles généralisent des lois démontrées pour en faire un système,
que ce soit avec l'ambition légitime de fournir une théorie explicative, fort
bien, mais que ce soit aussi, suivant le schéma le plus classique, pour aboutir
à la pratique et à l'expérience, par lesquelles la théorie est sommée de
fournir la preuve de sa conformité avec le réel. Hors de là, il n'y a que
fantaisie, et ce que LANGEVIN appelait dévergondage intellectuel.
Nous avons trop été leurrés par des constructions
qui se disaient scientifiques, parce qu'elles étaient rationnelles,
rationnelles parce qu'elles étaient cohérentes, cohérentes parce qu'elles étaient
logiques. Nous ne voulons plus de ce prétendu rationalisme. Le rationalisme
scientifique exige, bien entendu, qu'une construction soit logique et
cohérente, mais il lui demande avant tout d'être adéquate. Parfaitement, avant
tout! Car c'est en cherchant à faire adéquat que logique et cohérence se sont
imposées à notre esprit comme des moyens de l'adéquation et non comme des
données de notre pensée et comme des fins par elles-mêmes.
TEILHARD nous amène, bien que ce soit par des
chemins où nous nous aventurons parfois avec quelque méfiance, à la loi de
Complexité - Conscience, qui satisfait incontestablement notre goût de la
logique. Il y a bien quelques entorses à la cohérence, quand ce ne serait qu'à
cause des microorganismes, de l'ensemble du règne végétal, ou, dans le règne
animal, des arguments que cite BOUNOURE pour montrer qu'un mollusque peut être
parfois supérieur à un poisson, ou de ceux que cite PIÉRON, tirés du niveau
élevé de comportement de certains céphalopodes, ou de la richesse d'instinct
des hyménoptères. Il ne faut sans doute pas minimiser ces arguments, car la
grande divergence de nature et de développement entre les facultés de ces
invertébrés et des vertébrés s'oppose, d'après PIÉRON, « à la notion
d'une évolution tout entière dirigée vers l'homme, comme l'ont conçue Teilhard
de Chardin ou Vandel. »
N'importe, nous passerons là-dessus, et nous nous
demanderons si, en gros, la loi de Complexité - Conscience est adéquate au réel.
Je serais tenté de répondre positivement, ou tout au moins de lui faire crédit.
Mais il n'y a pas à se le demander, ce n'est pas à nous de répondre à
cette question! C'est la nature qui répondra, lorsque nous aurons trouvé la
façon de lui poser la question. D'ici là, la loi est en observation. De ma
part, avec le préjugé favorable.
De ce préjugé favorable pour la loi de Complexité
- Conscience ne résulte nullement que j'abonde dans le sens du caractère «
primairement psychique ») de l'Evolution, ni même dans celui d'une « direction
» de l'Evolution. Orientation précise, axe privilégié, oui. Je suis sûr qu'il y
a quelque chose à trouver par là, car tout se dresse en mon esprit contre une
conception mécaniquement probabiliste de l'évolution, qui se ferait au gré du
pur hasard. Une solution en s'évaporant donnerait tels cristaux et non tels
autres par la loi qui préside à l'évolution des ions ou des molécules dispersés
dans le solvant, et la transformation des espèces ne serait régie par aucune
loi? Toutes modifications seraient également possibles, elles seraient toutes
au départ également probables ? Absurde!
Dans l'attente de sonder le déterminisme élémentaire
de ces transformations - dont on approche - il est évidemment permis d'examiner
globalement les phénomènes observés et de traduire la courbe que dessine
l'évolution. C'est ce que fait TEILHARD, et c'est œuvre scientifique. A la
condition d'éviter les pièges de l'anthropomorphisme, de ne pas donner au mot
direction un sens qui incline l'esprit à admettre l'intervention d'une volonté,
et à plus forte raison d'un caprice, dans la marche de la nature, et surtout de
ne pas voir du psychique là où sa présence n'est pas démontrée.
Ce n'est pas le parti-pris
matérialiste qui nous empêche d'admettre conscience et amour comme attributs
universels de la matière : c'est l'absence de tout argument convaincant. Qu'on
vienne à nous en fournir, notre matérialisme nous ferait une loi de l'admettre,
et il en sortirait enrichi et plus vigoureux que jamais!
le finalisme de Teilhard (p. 102-110)
Comme
dans tout système, il y a une méthode dans celui de TEILHARD. La méthode repose
essentiellement sur « deux options primordiales», c'est lui qui les qualifie
de la sorte. Elles montrent bien que l'œuvre de TEILHARD n'est pas
spiritualiste parce qu'une logique interne la porte vers une conclusion
spiritualiste, mais par principe, au sens plein du terme.
« Deux options primordiales... s'ajoutent l'une à l'autre
pour supporter et commander tous les développements. La première est le primat
accordé au psychique et à la Pensée dans l'Etoffe de l'Univers. Et la seconde
est la valeur « biologique » attribuée au Fait Social autour de nous. » (Le Phénomène humain, 22-23.)
A
ces deux options explicitées par TEILHARD lui-même, j'en ajouterai volontiers
une troisième, qui contribue à mon sens à fausser sa construction dans le sens
idéaliste, et qui s'exprime avec clarté dans le passage suivant :
« En vertu de la qualité et des propriétés biologiques de
la Pensée, nous nous trouvons placés en un point singulier, sur un nœud, qui
commande la fraction entière du Cosmos actuellement ouvert à notre expérience.
Centre de perspective, l'Homme est en même temps centre de
construction de l'Univers. » (Le
Phénomène humain, 27.)
Effectivement,
dans sa synthèse philosophique, et sans paraître avoir conscience de la
contradiction, TEILHARD se place résolument sur un terrain anthropocentriste,
alors que son œuvre scientifique, comme toute œuvre scientifique, s'évade, par
approximations successives, de l'anthropocentrisme. N'est-ce pas par cette voie
que l'Astronomie est passée de la conception géocentrique à la conception
héliocentrique du système solaire ?
Cette
contradiction n'est pas un accident, elle résulte de l'objet même de l'œuvre philosophique
de TEILHARD. On ne le répétera jamais assez, il s'agit d'une tentative de
synthèse de la science et de la foi, solidairement unies et totalement interpénétrées.
Et il n'y a aucune commune mesure entre une telle entreprise et la
juxtaposition à laquelle procédaient ses devanciers, qui, en définissant les
domaines distincts de l'une et de l'autre, ne faisaient que mieux marquer leur
irréductible antinomie. Le terrain consciemment choisi par TEILHARD est celui
de la conciliation, et la prodigieuse audace d'un tel effort est un des
éléments principaux, parmi ceux qui font l'originalité et la grandeur de son
œuvre.
La
tentative de conciliation, née de la contradiction, mènerait à l'échec, me
semble-t-il dans ce cas particulier, si TEILHARD se montrait parfaitement
conséquent en tant que chrétien et en tant que savant. L'audace de TEILHARD
consiste à se placer sans hésiter dans une position qui lui paraisse acceptable
du point de vue de la science comme du point de vue de la religion, et à essayer
de justifier celle-ci par celle-là, en restant aussi parfaitement scrupuleux
qu'il est possible. Le ressort de la conciliation qu'il tente est le
finalisme, et c'est ainsi qu'il est amené à nous montrer Dieu à l'issue plutôt
qu'à l'origine des choses, et même à le renvoyer à l'infini, si j'ose ainsi
m'exprimer, car le point Oméga, tout pôle d'une sphère qu'il soit dans l'image
géométrique, n'en a pas moins tous les attributs d'une limite dont on
approche, mais qu'on n'atteint pas .
On
en a souvent parlé, et beaucoup en ont été troublés. On s'est posé la question:
en marquant le point Oméga comme un aboutissement, en le plaçant en avant de
nous, et en assimilant - clairement pour lui, obscurément pour nous - cet aboutissement
à une apothéose chrétienne, TEILHARD DE CHARDIN ne dénature-t-il pas
décisivement la légende édénique du Paradis perdu? Peu importe, nous n'avons
pas à nous préoccuper des conciliations sans espoir qui ne nous concernent
pas...
Il
semble bien que TEILHARD soit allé aussi loin qu'il lui paraissait possible
dans la voie des libertés à prendre avec la religion établie. Il a été beaucoup
plus respectueux de la méthode scientifique, mais n'en a pas moins fait place à
ce qui, seul, pouvait le conduire sur le terrain de conciliation; c'est
pourquoi le finalisme est constitutif de sa pensée philosophique et n'a
nullement la valeur d'un accident sur lequel il aurait trébuché en édifiant son
système.
[L’oeuvre
de Teilhard] s'épanouit en un véritable feu d'artifice spiritualiste, non par
la logique interne de son développement, mais parce qu'elle a été conçue à
cette fin, et qu'elle n'avait pas d'autre objet que celui-là.
Soyons
sûr que s'il n'y avait pas eu de trou à boucher, TEILHARD en aurait creusé
lui-même... et il était assez fin, sa construction est assez concertée, pour
que ce ne soit pas à la demande et sur le champ qu'apparaissent ces artifices,
mais pour qu'ils soient de longue main préparés et se présentent à point nommé.
Pour le lecteur insuffisamment circonspect, ils résultent alors de la marche
même des choses, la réponse finaliste avec ses amplifications spiritualistes
apparaît comme dictée par la nature et non par quelque idée préconçue, au point
que le matérialiste lui-même, s'il n'était prévenu, serait ébranlé et se prendrait
à douter de la solidité de sa doctrine.
Mais
si grande que soit notre admiration pour TEILHARD, nous ne devons avoir aucune
complaisance pour sa pensée, lorsqu'elle échappe au contrôle de la raison
telle que nous l'entendons. En voici un dernier exemple :
« Sous la pression combinée de la Science et de la Philosophie,
le Monde s'impose de plus en plus à notre expérience et à notre pensée comme
un système lié d'activité s'élevant graduellement vers la liberté et la
conscience. La seule interprétation satisfaisante de ce processus... est de le
regarder comme irréversible et contingent.(…). Ainsi se définit, en avant de nous, un Centre cosmique universel où tout aboutit, où tout
s'explique, où tout se sent, où tout se commande. Eh bien, c'est en ce pôle physique
de l'universelle évolution qu'il est nécessaire, à mon avis, de se placer et de
reconnaître la plénitude du Christ. Car dans nulle autre espèce de Cosmos et
à nulle autre place, aucun être, si divin soit-il, ne saurait
exercer la fonction d'universelle consolidation et d'universelle animation que
le dogme chrétien reconnaît à Jésus. Autrement
dit, le Christ a besoin de se trouver au sommet du Monde pour sa consommation
comme il a eu besoin de trouver une Femme pour sa conception ». (Comment
je crois, Pékin, 1934.)
Le finalisme s'épanouit en adoration!
Singulière aventure d'un
esprit puissant! A quel prix est donc acquis le fragile équilibre dont se
targue TEILHARD! Et comme sa conclusion est faite pour rendre rétrospectivement
suspecte une bonne partie de l'enchaînement de ses idées!
Image de Teilhard (p. 117-120)
[le
Père TEILHARD DE CHARDIN] restera le héros d'un effort surhumain, de la
tentative désespérée d'une impossible unité de la Science et de la Religion. Un
esprit médiocre peut se leurrer sur les obstacles qu'on y rencontre. Pas
TEILHARD. Il a fait tout ce qu'il pouvait, j'oserai dire tout ce qui se
pouvait, pour la conciliation.
Notez
que pour cela, il n'a rien altéré de la Science, qu'il a épousée dans son
ensemble et dans son détail, poussant la superbe jusqu'à aller parfois plus
loin que les matérialistes les mieux déclarés parmi ses devanciers. Il lui a
fallu par contre, forcer la religion chrétienne jusqu'au voisinage du point de
rupture, et il n'a pas hésité à braver la désapprobation des autorités dont il
dépendait.
Maître
de la dialectique, il a tiré à peu près tout ce que pouvait donner l'instrument
le plus souple au service de l'intelligence la plus avisée. Il n'est rien, dans
l'infini du Temps, en arrière, en avant de nous, dans celui de l'Espace, dans
celui de la Matière et de l'Energie, dans celui de la Vie et de la Pensée, dont
il n'ait fait usage pour étayer sa synthèse, sa prodigieuse tentative de
conciliation du matérialisme et du spiritualisme, de la Science et de la
Religion.
Le
magnifique effort du Père TEILHARD DE CHARDIN se solde par un échec, sur le
point qui précisément lui tenait le plus à cœur. De son œuvre passionnée et
majestueuse qu'il a voulu héroïquement édifier comme un monument solidaire de la
science, de la poésie et de la foi chrétienne, nous retenons avec gratitude ce
qui est entièrement cohérent avec la science, nous rejetons, après étude, ce
qui est du domaine de l'apologétique. Nous constatons qu'il n'est conduit à
l'apologétique que parce que cette préoccupation était la sienne dès le départ
de son travail. Elle est au terme parce qu'elle se trouvait déjà à la source.
Nous
discernons dans son œuvre les minuscules détails par lesquels le spiritualisme
s'insinue d'abord dans la synthèse scientifique, se développe ensuite avec
elle, pour finir par envahir la pensée et la conduire à un christianisme qui,
tout rénové qu'il soit, est une construction dont la nécessité ne s'impose
nullement à l'esprit non prévenu
Science et religion : quelle convergence ?
Par le professeur Richard Dawkins
du réseau international
des Brights
« La convergence
? Uniquement quand cela les arrange.
Pour quelqu'un qui
juge honnêtement les choses,
ce soi-disant mariage
entre la religion et la science
est une imposture
médiocre, vide et habilement enjolivée. »
La
science et la religion convergent-elles ? Non.
Il
existe de nos jours des scientifiques dont les écrits semblent religieux mais
dont les convictions, quand on les examine de près, se révèlent identiques à
celles d'autres scientifiques qui se décrivent comme athées. Le livre lyrique
d'Ursula Goodenough, Les Profondeurs Sacrées de la
Nature (The Sacred Depths of Nature), est vendu comme un livre religieux, est
recommandé par des théologiens sur la quatrième de couverture, et ses chapitres
sont profusément truffés de prières et de méditations dévotes.
Pourtant,
de l'aveu même du livre, Ursula Goodenough ne croit
en aucune sorte d'être suprême et ne croit en aucune espèce de vie après la
mort. Selon une compréhension normale de la langue anglaise, elle n'est pas
plus religieuse que moi. Elle partage avec d'autres scientifiques athées un
sentiment d'émerveillement devant la majesté de l'univers et l'extrême
complexité de la vie. De fait, le message sur la couverture de son livre –
selon lequel la science ne "pointe pas vers une existence morne, vide de
sens et sans but" mais au contraire "peut être une source
jaillissante de réconfort et d'espoir" – aurait pu tout aussi bien convenir
à mon livre Les Mystères de l'Arc-en-Ciel ou au livre
La Tache Bleu Pâle (Pale Blue Dot) de Carl Sagan. Si
c'est là de la religion, alors je suis un homme profondément religieux. Mais ce
n'en est pas. Et je ne le suis pas. Pour autant que je puisse en juger, ma
position "athée" est identique à la position "religieuse"
d'Ursula. L'une de nous deux fait un mauvais usage de la langue anglaise, et je
ne pense pas que ce soit moi.
Il
se trouve que Goodenough est une biologiste, mais
cette sorte de pseudo-religion néo-déiste est plus
souvent associée à des physiciens. Dans le cas de Stephen Hawking,
je me hâte de le préciser, cette accusation est injuste. Son expression que
l'on cite tant, "l'esprit de Dieu", ne révèle pas plus une croyance
en Dieu que lorsque je dis "Dieu seul le sait" pour signifier que je
ne sais pas. Je subodore qu'il en est de même pour Einstein quand il invoquait
le "bon Dieu" pour personnifier les lois de la physique. Malgré cela,
Paul Davies a adopté cette expression de Hawking pour en faire le titre d'un livre, lequel a ensuite
remporté le Prix Templeton pour le Progrès en
Religion, actuellement le prix le plus lucratif au monde, suffisamment
prestigieux pour être présenté dans l'Abbaye de Westminster. Le philosophe
Daniel Dennet m'a un jour fait remarquer sur un ton à
la Faust : "Richard, si jamais vous traversez une mauvaise passe
financière…"
Si
vous comptez Einstein et Hawking dans les rangs des
religieux, si vous estimez que l'émerveillement cosmique de Goodenough,
Davies, Sagan et moi-même est de la vraie religion,
alors la religion et la science ont effectivement fusionné, surtout si l'on
prend en compte des prêtres athées comme Don Cupitt
et de nombreux chapelains d'université. Mais si on affuble le terme de religion
d'une définition aussi élastique et flasque, quel mot reste-t-il pour la
religion conventionnelle, la religion telle qu'une personne ordinaire sur son
banc d'église ou son tapis de prière la comprend aujourd'hui – ou d'ailleurs,
telle que l'aurait comprise n'importe quel intellectuel dans les siècles
passés, à l'époque où les intellectuels étaient aussi religieux que tout le
monde ?
Si
Dieu est synonyme des plus profonds principes de la physique, quel mot
reste-t-il pour désigner un être hypothétique qui répond aux prières,
intervient pour sauver les malades du cancer ou aider l'évolution à faire des
sauts difficiles, pardonne les péchés ou meurt pour eux ? Si nous sommes
autorisés à re-catégoriser l'émerveillement scientifique en élan religieux,
alors toute cette affaire n'est que du maquillage. Vous avez redéfini la
science comme une religion, et il n'est donc pas surprenant que les deux
semblent "converger".
Certains
ont prétendu qu'il existait une autre sorte de mariage, cette fois-ci entre la
physique moderne et le mysticisme oriental. L'argument est le suivant : la
mécanique quantique, cette théorie aux succès brillants qui est le vaisseau
amiral de la science moderne, est profondément mystérieuse et difficile à
comprendre. Les mystiques orientaux ont toujours été profondément mystérieux et
difficiles à comprendre. Par conséquent, les mystiques orientaux étaient
sûrement en train de parler de théorique quantique.
De
tels échafaudages ont été édifiés sur le principe d'incertitude de Heisenberg
("Finalement, ne sommes nous pas tous incertains, d'une certaine façon
?"), la logique floue ("oui, vous avez le droit d'être flou vous
aussi"), le chaos et la théorie de la complexité (l'effet papillon, la
beauté platonique et cachée de l'ensemble de Mandelbrot – nommez n'importe
quoi, et quelqu'un l'aura sûrement mysticisé et
transformé en dollars). Vous pouvez acheter autant de livres que vous voulez
sur la "guérison quantique", sans parler de la psychologie quantique,
la responsabilité quantique, la moralité quantique, l'immortalité quantique et
la théologie quantique. Je n'ai pas encore trouvé de livres sur le féminisme
quantique, la gestion financière quantique ou la théorie afro-quantique,
mais ça ne saurait tarder.
Tout
ce business peu reluisant est mis à jour avec talent par le physicien Victor Stenger dans son livre Le Quantum Inconscient (The Unconscious Quantum), d'où
est tirée la perle qui suit. Dans une conférence sur "La guérison afrocentrique", la psychiatre Patricia Newton a dit
que les guérisseurs traditionnels "sont capables de s'alimenter à cet
autre domaine d'entropie négative – cette vélocité superquantique
et fréquence d'énergie électromagnétique – et de servir de tuyau pour les faire
descendre à notre niveau. Ce n'est pas de la magie. Ce n'est pas du charabia.
Vous verrez l'aube du 21ème siècle, la nouvelle physique quantique médicale
distribuer réellement ces énergies et ce qu'elles font."
Désolé,
mais charabia est le mot exact qui convient. Pas du charabia de sorcier
africain, mais du charabia pseudo-scientifique,
jusqu'à l'usage abusif mais caractéristique du mot énergie. C'est aussi de la
religion, travestie en science dans une sirupeuse orgie de convergence fictive.
En
1996 le Vatican, tout frais sorti de sa réconciliation magnanime avec Galilée,
à peine 350 ans après sa mort, a annoncé publiquement que l'évolution venait
d'être promue du rang d'hypothèse provisoire à celui de théorie scientifique
acceptée. Cela est moins stupéfiant que beaucoup de protestants américains ne
le pensent, car l'Eglise Catholique Romaine n'a jamais été réputée pour son
littéralisme biblique. Au contraire, elle a traité la Bible avec suspicion,
comme quelque chose s'approchant d'un document subversif, qui devait être
soigneusement filtrée par des prêtres plutôt que d'être donnée toute crue aux
congrégations. Le message récent du pape sur l'évolution a malgré tout été
célébré comme un exemple supplémentaire de la convergence entre science et
religion en cette fin du 20ème siècle.
Les
réponses au message du pape ont révélé les pires travers de nombreux
intellectuels à l'esprit large, qui se sont bousculés dans leur enthousiasme à
concéder à la religion son propre magistère, d'égale importance à celui de la
science mais sans lui être opposé. Une telle conciliation agnostique est,
encore une fois, facile à confondre avec une authentique convergence d'esprit.
Dans
ce qu'elle a de plus naïf, cette lâche politique de conciliation compartimente
le territoire intellectuel entre "questions sur le comment" (la
science) et "questions sur le pourquoi" (la religion). Que sont ces
"questions sur le pourquoi", et pourquoi nous sentons-nous le droit
de penser qu'elles méritent une réponse ? Il se peut qu'il existe de profondes
questions concernant le cosmos qui sont pour toujours hors d'atteinte de la
science. L'erreur est de croire qu'elles sont par conséquent à portée de la
religion.
J'ai
un jour demandé à un astronome distingué, une autorité de mon université, de
m'expliquer la théorie du Big Bang. Il l'a fait du
mieux de ses capacités (et des miennes), et j'ai ensuite demandé ce qu'il y
avait dans les lois fondamentales de la physique qui rendait possible l'origine
spontanée de l'espace et du temps. "Ah," a-t-il souri, "a
présent nous sortons du domaine de la science. C'est ici que je dois vous
remettre entre les mains de notre bon ami le chapelain". Mais pourquoi le
chapelain ? Pourquoi pas le jardinier ou le cuistot ? Bien sûr, contrairement
aux cuistots et aux jardiniers, les chapelains affirment avoir quelque clairvoyance
en ce qui concerne les questions ultimes. Mais quelles raisons avons-nous de
prendre leurs affirmations au sérieux ? Une fois de plus, je soupçonne mon ami
le professeur d'astronomie d'avoir utilisé l'astuce de Einstein/Hawking consistant à utiliser "Dieu" pour dire
"Ce que nous ne comprenons pas". Cela ne serait qu'une astuce sans
gravité si elle n'était pas continuellement mal comprise par ceux qui meurent
d'envie de ne pas la comprendre. De toute façon, les optimistes parmi les scientifiques
– et j'en fais partie – répètent que "ce que nous ne comprenons pas"
signifie seulement "ce que nous ne comprenons pas encore". La science
continue à travailler sur la question. Nous ne savons pas où, ou même si, nous
serons finalement à court d'explications.
La
conciliation agnostique, cette attitude de complaisance polie qui consiste à
faire des contorsions pour concéder le plus de choses possibles à quiconque
crie suffisamment fort, atteint des sommets grotesques dans l'exemple de
raisonnement vaseux qui suit. Cela donne à peu près ceci : On ne peut pas
prouver une négation (jusque-là ça va). La science n'a aucun moyen de réfuter
l'existence d'un être suprême (c'est strictement vrai). Par conséquent, la
croyance ou l'incroyance en un être suprême est une affaire de pure préférence
individuelle, et les deux méritent la même considération respectueuse ! Quand
on dit cela comme ça, le vice de raisonnement est presque flagrant; on a à
peine besoin d'en détailler les conséquences absurdes. Comme le dit mon
collègue le physicien chimiste Peter Atkins, nous
devons être tout aussi agnostique envers la théorie selon laquelle il y a une
théière en orbite autour de la planète Pluton. On ne peut pas prouver le
contraire. Mais cela ne veut pas dire que la théorie selon laquelle il y a une
théière est au même niveau que la théorie selon laquelle il n'y en a pas.
Maintenant,
si l'on nous rétorque qu'il y existe effectivement des raisons X, Y et Z pour
lesquelles il est plus plausible de trouver un être suprême qu'une théière, alors
X, Y et Z doivent être clairement précisées – car si elles sont légitimes,
elles représentent des arguments scientifiques qui doivent être évalués. Ne les
protégez pas des regards indiscrets derrière un écran de tolérance agnostique.
Si les arguments religieux sont vraiment meilleurs que la théorie de la théière
d'Atkins, accordons-leur notre attention. Sinon, que
ceux qui se disent agnostiques concernant la religion ajoutent qu'ils sont tout
aussi agnostiques envers les théières en orbite. En même temps, les théistes
modernes pourraient reconnaître que, en ce qui concerne Baal et le veau d'or,
Thor et Wotan, Poséidon et Apollon, Mithra et Amon Ra, ils sont en fait athées.
Nous sommes tous athées envers la plupart des dieux auxquels l'humanité a cru
un jour. Certains d'entre nous se contentent de rajouter un dieu à la liste.
Quoi
qu'il en soit, l'opinion selon laquelle la religion et la science occupent des
magistères séparés est malhonnête. Elle s'effondre devant le fait indéniable
que les religions continuent à faire des affirmations concernant le monde, et
qu'après analyse ces affirmations se révèlent être des assertions
scientifiques. De plus, les apologistes religieux essayent d'avoir le beurre et
l'argent du beurre. Quand ils parlent avec des intellectuels, ils évitent
soigneusement de marcher sur les plates-bandes de la science, à l'abri dans
leur séparé et invulnérable magistère religieux. Mais quand ils parlent à un
auditoire de masse non-intellectuel, ils utilisent
sans pudeur des histoires de miracles – lesquelles sont des intrusions
flagrantes dans le territoire scientifique.
La
Naissance Virginale, la Résurrection, le réveil de Lazare, et même les miracles
de l'Ancien Testament : tous sont abondamment utilisés dans la propagande
religieuse, et ils sont très efficaces devant un auditoire de gens simples et
d'enfants. Chacun de ces miracles représente une violation du fonctionnement
normal du monde naturel. Les théologiens devraient faire un choix. Vous pouvez
prétendre avoir votre propre magistère, séparé de celui de la science mais tout
de même digne de respect. Mais dans ce cas, il vous faut renoncer aux miracles.
Ou bien vous pouvez conserver votre Lourdes et vos miracles et bénéficier de
leur énorme pouvoir de recrutement parmi la population non éduquée. Mais alors
il faudra dire adieu aux magistères séparés et à votre noble aspiration à
converger avec la science.
Le
désir d'avoir le beurre et l'argent du beurre n'est pas surprenant chez tout
bon propagandiste. Ce qui est surprenant, c'est que des agnostiques ouverts
n'hésitent pas à leur emboîter le pas et à dénigrer, comme s'ils étaient des
extrémistes simplistes et insensibles, ceux d'entre nous qui ont la témérité de
sortir le carton rouge. Ceux qui sortent le carton rouge sont accusés d'inventer
une caricature de la religion dans laquelle Dieu aurait une longue barbe
blanche et vivrait dans un lieu physique appelé ciel. De nos jour, nous dit-on,
la religion a dépassé ce stade. Le ciel n'est pas un lieu physique et Dieu n'a
pas un corps physique sur lequel reposerait une barbe. Ma foi oui, comme c'est
admirable : des magistères séparés, une vraie convergence. Mais la doctrine de
l'Assomption a été définie comme un Article de Foi par le pape Pie XII à la
date récente du 1er novembre 1950, et doit être acceptée par tous les
catholiques. Elle affirme clairement que le corps de Marie a été emmené au ciel
et réuni avec son âme. Comment interpréter cela autrement que par le fait que
le ciel est un lieu physique qui contient des corps ? Je le répète, il ne
s'agit pas d'une tradition désuète et obsolète qui aurait un sens purement
symbolique. Cette doctrine a été officiellement, et récemment, déclarée comme
étant littéralement vraie.
La
convergence ? Uniquement quand cela les arrange. Pour quelqu'un qui juge
honnêtement les choses, ce soi-disant mariage entre la religion et la science
est une imposture médiocre, vide et habilement enjolivée.
Article paru dans FORBES - Traduit par Tomas Zartregu
http://brightsfrance.free.fr/Dawkins
science et religion.htm
Science et religion : l’irréductible antagonisme.
par le
professeur Jean Bricmont
président de l’Association
Française pour l’Information Scientifique
« Si nous
prenons en main un volume quelconque,
de théologie ou de
métaphysique scolastique, par exemple, demandons-nous :
Contient-il des
raisonnements abstraits sur la quantité ou le nombre ?
Non.
Contient-il des
raisonnements expérimentaux sur des questions de fait et d’existence ?
Non.
Alors, mettez-le au
feu, car il ne contient que sophismes et illusions. »
David
Hume[ii]
INTRODUCTION
Il semble que l’heure soit au dialogue, après
des siècles de conflit et de séparation, entre science et foi, ou science et
théologie. On ne compte plus les séminaires et les rencontres consacrés à ce
thème. Des scientifiques éminents comme Friedrich von
Weizsacker et Paul Davies
ont reçu le prix « pour le progrès de la religion » , offert par la
fondation Templeton. L’American
Association for the Advancement
of Science a organisé récemment (en avril 1999) un débat public sur l’existence
de Dieu[iii].
L’hebdomadaire Newsweek n’hésite pas
à proclamer sur sa couverture que « la science découvre Dieu » (27
juillet 1998). Plus près de nous, l’Université Interdisciplinaire de Paris[iv]
(UIP) organise de nombreuses conférences sur le thème de la convergence entre
science et foi, avec la participation de scientifiques de très haut niveau et
cette « université » jouit de soutiens puissants. Le ‘positivisme’
n’est plus de mise en philosophie et la science, post-quantique et post-gödelienne, s’est faite modeste. D’autre part, les
théologiens se sont mis à l’écoute de la science qu’ils ont renoncée à
contredire ou à régenter. Tout ne va-t-il pas pour le mieux dans le meilleur
des mondes ? Non. Je vais plaider une thèse qui va à l’encontre de cette
tendance et montrer que, si elles sont bien comprises, la démarche scientifique
et la démarche religieuse sont en fait inconciliables. Évidemment, la démarche
religieuse est aujourd’hui difficile à cerner, parce qu’elle est devenue
terriblement vague et diversifiée, ce qui rend la critique malaisée. On peut
toujours me répondre que je n’ai pas compris l’essence de la démarche et me
renvoyer à la lecture d’un nouvel auteur. Je limiterai par conséquent ma
critique à quatre axes qui me semblent caractériser les principales attitudes
adoptées aujourd’hui par les croyants face à la science : d’abord, le
concordisme, c’est-à-dire l’idée que la science bien comprise mène à la
religion. Deuxièmement, la doctrine, opposée à la première, selon laquelle il
existe différents ordres de connaissance, l’un réservé à la science, l’autre à
la théologie (avec parfois la philosophie entre les deux). Troisièmement, la
thèse, réactualisée récemment par le paléontologue Steven Jay Gould[v],
affirmant que la science et la religion ne peuvent pas entrer en conflit parce
que l’une s’occupe de jugements de fait, l’autre de jugements de valeur. Et,
finalement, ce qu’on pourrait appeler le subjectivisme ou le postmodernisme
chrétien. Pour conclure, je ferai quelques remarques sur l’actualité et
l’importance de l’athéisme.
Pour le
dire d’un mot, la racine de l’opposition entre science et religion porte
essentiellement sur les méthodes que l’humanité doit suivre pour obtenir des
connaissances fiables, quel que soit l’objet de ces connaissances. Un des
principaux effets que la naissance des sciences modernes a eu sur notre façon
de penser, c’est la prise de conscience, à l’époque des Lumières, des limites
que la condition humaine impose à nos possibilités d’acquérir des connaissances
qui vont au delà de l’expérience. Par ailleurs, je suis parfaitement conscient
du fait que les idées avancées ici ne peuvent paraître neuves que dans la
mesure où elles ont été en partie oubliées. Néanmoins, la confusion qui existe
dans une partie du monde intellectuel à propos des rapports entre science et
religion force malheureusement les incroyants à réaffirmer régulièrement leurs
propres « vérités éternelles »[vi].
LE CONCORDISME
« N’y a-t-il pas
quelque chose d’un peu absurde dans le spectacle d’êtres humains qui tiennent
devant eux un miroir et qui pensent que ce qu’ils y voient est tellement
excellent que cela prouve qu’il doit y avoir une Intention Cosmique qui, depuis
toujours, visait ce but...Si j’étais tout-puissant et si je disposais de
millions d’années pour me livrer à des expériences, dont le résultat final
serait l’Homme, je ne considérerais pas que j’aurais beaucoup de raisons de me
vanter. » Bertrand Russell[vii].
L’idée
selon laquelle il existe une sorte de convergence entre science et religion est
ancienne mais cette approche, après avoir été plus ou moins mise de côté pendant
des années, connaît aujourd’hui un regain d’intérêt[viii].
Ses partisans soutiennent que la science contemporaine elle-même offre de bons
arguments en faveur de l’existence d’une transcendance ; contrairement à
la science classique, matérialiste, du 18e siècle, la mécanique quantique, le théorème de
Gödel, le Big Bang, et parfois la théorie du chaos,
nous offrent une image réenchantée du monde,
indiquent les « limites » de la science et suggèrent un au-delà. Un exemple typique de ce genre de
raisonnement est basé sur le « principe anthropique » : des
physiciens ont calculé que, si certaines constantes physiques avaient été très
légèrement différentes de ce qu’elles sont,
l’univers aurait été radicalement différent de ce qu’il est et, en
particulier, que la vie et l’homme auraient été impossibles. Il y a donc là
quelque chose que nous ne comprenons pas ;
l’Univers semble avoir été fait de façon très précise afin que nous
puissions en faire partie. En fait, il s’agit d’une nouvelle version de ce que
les anglo-saxons appellent « the argument from design » , à savoir que l’univers semble avoir
été fait en fonction d’une certaine finalité et que cette finalité elle-même
témoigne de l’existence d’un Grand Architecte[ix].
Les
scientifiques non-croyants répondent de différentes façons à ce genre
d’arguments : par exemple, on peut dire que la situation est temporaire et
que d’autres phénomènes qui, dans le passé, ont été considérés comme des
preuves évidentes de l’existence de la Providence, tels que l’extrême complexité
des êtres vivants, ont été, en principe, expliqués scientifiquement. Par
ailleurs, rien ne dit que l’univers observé est le seul qui existe et, s’il en
existe plusieurs ayant des propriétés physiques différentes, nous nous
trouverons forcément dans un de ceux où la vie est possible[x].
Mais cela
ne va pas au fond du problème : les scientifiques
« matérialistes » ne sont en général pas assez matérialistes ou, en
tout cas, pas assez darwiniens (dans un certain sens du terme). La tradition
religieuse ainsi qu’un narcissisme évident nous a laissé l’illusion que nous
étions le centre de l’univers et le sommet de la création[xi].
Mais dans la vision scientifique du monde, nous ne sommes, métaphoriquement
parlant, qu’un peu de moisissure perdue sur une planète quelque part dans
l’univers, et que la pression de la sélection naturelle a muni d’un cerveau. En
particulier, il n’y a strictement aucune raison de croire que nous pouvons
répondre à toutes les questions que nous nous posons[xii].
Et il est normal qu’il y ait de l’inexpliqué et du mystérieux dans le monde —
c’est l’inverse qui serait surprenant[xiii].
Personne ne songe à faire jouer les orgues de la métaphysique parce que les
chiens ou les chats ne comprennent pas certains aspects de leur environnement.
Pourquoi réagir différemment lorsqu’il s’agit de ces animaux particuliers que
sont les êtres humains ? Certes, la science fait reculer notre ignorance,
mais elle n’élimine pas notre perplexité. En fait, plus on avance, plus on
touche à des réalités qui sont soit très petites avec la mécanique quantique,
soit très grandes ou très anciennes avec la cosmologie, et il n’est pas
déraisonnable de s’attendre à ce que le monde nous apparaisse de plus en plus
étrange. Le meilleur remède psychologique contre les dérives métaphysiques
liées aux limites des sciences est de changer de perspective et de se dire que
ce n’est pas le monde qui est magique, mais nous qui sommes bêtes.
Les
partisans de la convergence répondront que l’analyse objective du monde suggère
l’existence d’une transcendance et qu’il n’y a aucune raison de la rejeter
comme hypothèse; cette transcendance est peut-être invisible, mais les champs
électromagnétiques ou la force de gravitation universelle ne sont pas non plus
observables de façon directe. On observe leurs conséquences et, à partir de là,
on infère leur existence. Pourquoi ne pas procéder de la même façon avec
Dieu ? Pour une raison très simple : comment spécifier ce qu’est
Dieu ? Lorsqu’on fait des hypothèses scientifiques, on les formule, du
moins en principe, de façon mathématiquement précise et on en déduit des
conséquences observables. Comment procéder ainsi pour le transcendant ?
C’est impossible, presque par définition. Considérons, par exemple, l’idée que
Dieu est tout-puissant : qu’est-ce que cela veut dire exactement ?
Qu’il peut modifier les lois de la physique ? Ou même celles de
l’arithmétique (par exemple, faire en sorte que 2+3=6) ? Peut-il s’opposer
au libre arbitre humain ? Peut-il empêcher la souffrance ? Sans aucun
doute, les théologiens peuvent apporter des réponses cohérentes à ces
questions. Le problème est qu’il est relativement facile de trouver toute une
série de réponses cohérentes à presque n’importe quelle question, mais qu’il
est difficile, en l’absence de tests empiriques, de savoir laquelle est la
bonne.
Évidemment,
une façon de donner un contenu précis à l’idée de divinité, c’est de se tourner
vers l’une ou l’autre révélation. Mais il faut éviter de tomber dans un
raisonnement circulaire. On ne peut pas accepter d’emblée qu’il s’agisse là de
la parole de Dieu, au contraire, c’est ce qu’il faut établir. Or, il n’existe
pas de révélation qui soit empiriquement correcte dans les domaines où l’on
peut la vérifier ; par exemple, la Bible n’est pas particulièrement exacte
en matière de géologie ou d’histoire naturelle. Pourquoi alors faire confiance
aux assertions qu’on y trouve concernant des domaines où elle n’est pas
directement vérifiable, tels que les caractéristiques du divin ?
On ne peut
que s’étonner du fait que d’éminents scientifiques non-croyants se laissent
parfois enfermer dans la problématique du concordisme. Steven Hawking, par exemple, affirme : « Mais si
l’Univers n’a ni singularité ni bord et est complètement décrit par une théorie
unifiée, cela a de profondes conséquences sur le rôle de Dieu en tant que
créateur. »[xiv] En
réalité, cela n’en a aucune, à moins d’arriver à caractériser Dieu de façon
suffisamment précise pour servir d’alternative à l’absence de singularité et de
bord (qui, eux, sont définis de façon mathématique). Le biologiste Richard Dawkins explique qu’il a un jour déclaré à un philosophe,
au cours d’un dîner, qu’il ne pouvait pas imaginer être athée avant 1859, année
de la parution de L’origine des espèces
de Darwin[xv]. Ce
qui revient implicitement à critiquer l’attitude des athées du dix-huitième
siècle. Pour comprendre néanmoins pourquoi ceux-ci avaient raison, imaginons,
ce qui est évidemment impossible, qu’on démontre demain que toutes les données
géologiques, biologiques et autres sur l’évolution sont une gigantesque erreur
et que la Terre est vieille de 10.000 ans. Ceci nous ramènerait plus ou moins à
la situation du dix-huitième siècle. Nul doute que les croyants, surtout les
plus orthodoxes, pousseraient un immense cri de joie. Néanmoins, je ne considérerais
nullement cette découverte comme un argument en leur faveur. Cela montrerait
que nous n’avons, après tout, pas d’explication de la diversité et de la
complexité des espèces. Bien ; et alors ? Le fait que nous n’ayons
aucune explication d’un phénomène n’implique nullement qu’une explication qui
n’en n’est pas une (par exemple, une explication théologique) devienne
subitement valable.
La célèbre
phrase de Jacques Monod : «L’homme sait enfin qu’il est seul dans
l’immensité indifférente de l’Univers d’où il a émergé par hasard »[xvi]
souffre également d’une certaine ambiguïté, qu’on retrouve chez certains
biologistes ; que veut dire ici le mot « hasard » ? S’il
signifie que l’homme n’était pas prédestiné, ce n’est pas réellement une
découverte scientifique ; les explications en terme de causes finales ont
été abandonnées pour des raisons similaires à celles qui ont mené à l’abandon
des explications de type religieux (impossibilité de les formuler de façon à ce
qu’elles soient testées). Mais si le terme désigne ce qui n’a pas de causes
(antécédentes), alors la phrase exprime simplement notre ignorance concernant
l’origine de la vie ou certains aspects de son évolution. Le hasard n’est pas
plus une cause ou une explication que Dieu[xvii].
En fin de
compte, le Dieu soi-disant découvert par la science, comme le hasard, n’est
qu’un nom que nous utilisons pour recouvrir notre ignorance d’un peu de
dignité.
Notons
finalement que, lorsque l’Église s’est décidée à reconnaître ses torts dans
l’affaire Galilée (au terme d’une enquête qui a duré de 1981 à 1992), le
cardinal Poupard déclara, en présence du pape : « certains
théologiens contemporains de Galilée n’ont pas su interpréter la signification
profonde, non littérale, des Écritures »[xviii].
Mais ni lui ni Sa Sainteté ne semblent apprécier l’importance du fait que c’est
l’action courageuse de milliers de non-croyants ou de croyants suffisamment
sceptiques qui ont amené les théologiens[xix]
à découvrir cette « signification profonde ». On ne peut s’empêcher
d’être perplexe face au comportement d’une divinité qui se révèle dans des
Écrits, dont la véritable signification échappe totalement durant des siècles
aux croyants les plus zélés et ne finit par être comprise que grâce aux travaux
des sceptiques ; les voies de la Providence sont vraiment impénétrables.
UNE RÉALITÉ D’UN
AUTRE ORDRE ?
« Toute
connaissance accessible doit être atteinte par des méthodes
scientifiques ; et ce que la
science ne peut pas découvrir, l’humanité ne peut pas le connaître. » Bertrand Russell[xx]
L’attitude
religieuse traditionnelle et pourrait-on dire, orthodoxe, rejette, souvent avec
fermeté, l’idée d’une concordance entre science et foi et s’appuie plutôt sur
l’idée que la théologie ou la réflexion religieuse nous donne accès à des
connaissances d’un autre ordre que celles accessibles à la science[xxi].
Ce genre de discours commence souvent en observant que l’approche scientifique
ne nous donne qu’une connaissance très partielle de la réalité. En effet le
monde tel que le représente la science est assez étrange : où trouve-t-on
dans ce univers de gènes, de molécules, de particules et de champs ce qui nous
paraît faire la spécificité de l’être humain, à savoir nos sensations, nos
désirs, nos valeurs ? Ne faut-il pas faire appel à une autre approche, non-scientifique, pour appréhender cet aspect essentiel de
la réalité ? Et cette autre approche ne pourrait-elle pas nous indiquer le
chemin qui mène vers une transcendance ?
Comme
cette question est la source de pas mal de confusions, il faut, pour y
répondre, distinguer soigneusement nos différentes façons de connaître; tout
d’abord, remarquons que l’immense majorité de nos connaissances ne sont pas
« scientifiques » au sens strict du terme. Ce sont les connaissances
de la vie courante. Néanmoins, elles ne sont pas radicalement différentes des
sciences en ce sens qu’elles visent également à une connaissance objective de
la réalité et qu’elles sont obtenues par une combinaison d’observations, de
raisonnements et d’expériences. Ensuite, il y a l’approche introspective et
intuitive de la réalité, qui nous permet de connaître nos propres sentiments et
parfois de deviner ceux des autres. C’est elle qui nous permet d’avoir accès au
monde des sensations et de la conscience. Comment relier ce monde subjectif au
monde objectif tel que le décrit la science contemporaine est fort
problématique et suggère effectivement que la vision du monde fournie par la
science est incomplète. À nouveau, on peut soutenir que cette situation n’est
que temporaire. Mais surtout, il ne faut pas oublier qu’il est normal que notre
rapport à la réalité nous laisse insatisfaits et perplexes.
La
démarche religieuse cherche parfois à utiliser l’aspect subjectif de notre
expérience pour justifier ses assertions. Nous sentons « qu’il y a quelque
chose qui nous dépasse » ou nous nous sentons en rapport immédiat avec une
entité spirituelle, ce qui, poussé à l’extrême, débouche sur l’expérience
mystique. Mais comment s’assurer que notre expérience subjective nous donne
accès à des entités existant objectivement en dehors de nous, Dieu par exemple,
et pas simplement à des illusions ? Après tout, il existe tant
d’expériences subjectives différentes qu’il est difficile de croire qu’elles
mènent toutes à des vérités. Et comment les départager si ce n’est en faisant
appel à des critères non-subjectifs ? Mais faire
appel à de tels critères revient à mettre de côté le caractère probant de
l’expérience subjective.
Par
ailleurs, postuler, par exemple, l’existence d’une âme pour expliquer la
conscience[xxii] est
une démarche aussi illusoire que postuler l’existence d’une divinité pour
expliquer l’univers. L’âme est-elle immortelle ? Vient-elle à la naissance
ou à la conception ? Comment interagit-elle avec le corps ? Cette
interaction viole-t-elle les lois de la physique ? Respecte-t-elle la
conservation de l’énergie ? Dès que l’on pose des questions concrètes, on
se rend compte qu’il est impossible d’y répondre. Ou plutôt, qu’il est toujours
possible de donner différentes réponses, mais qu’il n’y a aucun moyen de
trancher entre elles. En fin de compte, notre approche subjective du monde ne
nous permet pas plus d’inférer l’existence des êtres postulés par les religions
(Dieu, l’âme etc.) que notre approche objective.
En fait, l’appel
à la vie intérieure comme signe d’une transcendance est une sorte de régression
par rapport à la métaphysique classique. Celle-ci cherchait à atteindre un
autre ordre de réalité en utilisant non pas notre intuition, mais nos capacités
de raisonnement a priori. Hume a très
bien résumé le problème que rencontre cette approche : « la racine
cubique de 64 est égale à la moitié de 10, c’est une proposition fausse et
l’on ne peut jamais la concevoir distinctement. Mais César n’a jamais existé,
ou l’ange Gabriel ou un être quelconque n’ont jamais existé, ce sont peut-être
des propositions fausses, mais on peut pourtant les concevoir parfaitement et
elles n’impliquent aucune contradiction. On peut donc seulement prouver
l’existence d’un être par des arguments tirés de sa cause ou de son
effet ; et ces arguments se fondent entièrement sur l’expérience. Si nous
raisonnons a priori, n’importe quoi
peut paraître capable de produire n’importe quoi. La chute d’un galet peut,
pour autant que nous le sachions, éteindre le soleil ; ou le désir d’un
homme gouverner les planètes dans leur orbite. C’est seulement l’expérience qui
nous apprend la nature et les limites de la cause et de l’effet et nous rend
capables d’inférer l’existence d’un objet de celle d’un autre. »[xxiii]
Ce que montre clairement Hume, c’est que nous sommes en quelque sorte
prisonniers de nos capacités cognitives : ou bien nous raisonnons a priori, mais alors nous devons nous
limiter aux objets mathématiques ou bien, nous nous intéressons à des questions
de fait, et nous devons utiliser des arguments fondés «entièrement sur
l’expérience » . Raisonner a priori
sur des objets non-mathématiques et vagues tels que
la Substance ou l’Être ne peut produire que « sophismes et
illusions » .
Une
version moderne de l’illusion métaphysique consiste à dire que la science
répond à la question du pourquoi, mais pas du comment. C’est à nouveau un faux
problème. Si l’on se demande « pourquoi l’eau bout-elle à
100° ? », la réponse sera donnée par la physique. Si l’on veut, on peut
reformuler la question en terme de comment : « comment se fait-il que
l’eau bout à 100° ? » Mais on s’aperçoit alors que, pour ce genre de
questions, la différence entre pourquoi et comment est illusoire. Insister sur
le « pourquoi » renvoie implicitement, soit aux explications
finalistes qui sont impossibles à tester, soit à des explications
« ultimes » qui sont également inaccessibles (toutes les explications
scientifiques s’arrêtant quelque part). Et, si l’on y réfléchit, on s’aperçoit
vite que les seules questions de « pourquoi » auxquelles nous
puissions trouver une réponse fiable sont celles qui sont équivalentes à des
questions de « comment ».
Ce que
comprenaient bien les penseurs des Lumières, mais qui a été en partie oublié
depuis lors, c’est que l’approche scientifique (en y incluant la connaissance
ordinaire) nous donne les seules connaissances objectives auxquelles l’être
humain ait réellement accès. Si l’approche scientifique nous donne une vision
partielle de la réalité, c’est parce que nous n’avons pas accès, de par notre
nature finie, à la réalité ultime des choses. Mais il y a une grande différence
entre dire que la science nous donne une description complète de la réalité et
dire qu’elle en donne la seule connaissance accessible à l’être humain ;
la confusion entre ces deux propositions est d’ailleurs soigneusement
entretenue par les croyants, ce qui leur permet alors d’attaquer le
« scientisme » , identifié à la première proposition, et de suggérer
non pas simplement qu’il existe des questions auxquelles la science n’a pas de
réponses, mais qu’il existe une façon d’apporter à ces questions des réponses
fiables. Une fois que cette distinction est clairement énoncée, des édifices
entiers de métaphysique et de théologie s’effondrent.
DES DOMAINES DE
COMPÉTENCES DISTINCTS ?
« La Bible
dit : « tu ne permettras pas à une sorcière de vivre » ... Les
chrétiens libéraux modernes, qui soutiennent que la Bible est valable d’un
point de vue éthique, tendent à oublier de tels textes ainsi que les millions
de victimes innocentes qui sont mortes dans de grandes souffrances parce que,
dans le temps, les gens ont réellement pris la Bible comme guide de leur
conduite. » Bertrand Russell[xxiv]
Les deux
attitudes discutées ci-dessus défendaient avec force la place de la théologie
face à la science. Envisageons maintenant les positions de repli, qui ne sont
devenues populaires aux yeux de certains croyants que parce que ceux-ci ont
fini par se rendre compte que les positions fortes étaient intenables. Une
première position consiste à séparer totalement les domaines ; la science
s’occupe des jugements de fait et la religion s’occupe d’autres jugements, par
exemple les jugements de valeur, le sens de la vie etc. Notons que cette
position est différente de la précédente : l’approche
« métaphysique » cherche à atteindre des vérités d’un autre ordre que
les vérités scientifiques, mais qui sont néanmoins factuelles (l’existence de
Dieu etc.). Cette séparation des domaines est défendue par certains intellectuels,
par exemple par le paléontologue S. J. Gould[xxv]
qui se déclare « agnostique » , mais désire défendre la théorie de
l’évolution contre les attaques créationnistes tout en permettant à la religion
de garder une certaine place dans la culture. Elle satisfait sans doute aussi
certains croyants, mais n’est certainement pas compatible avec la position de
l’immense majorité d’entre eux, qui considèrent la métaphysique religieuse
comme une vérité objective qu’ils ne sont pas prêts à abandonner. Et, en fait,
ils ont en un certain sens raison : si l’on abandonne réellement toutes
les questions de fait à la science et qu’on rejette le concordisme, comment
justifier les jugements religieux sur les valeurs et le sens de la vie ?
Sur l’enseignement contenu dans telle ou telle révélation ? Mais au nom de
quoi choisir une révélation plutôt qu’une autre si ce n’est parce qu’elle
exprime la « véritable » parole de Dieu ? Et cette assertion
nous replonge immédiatement dans des questions ontologiques. Va-t-on suivre l’exemple
d’un personnage supposé admirable, comme Jésus Christ ? Mais que sait-on
scientifiquement de sa vie ? Pas grand-chose. Pourquoi alors ne pas suivre
l’exemple de quelqu’un dont on sait avec plus de certitude ce qu’il a vraiment
fait ? Et si sa vie réelle n’a pas d’importance, pourquoi ne pas inventer
de toutes pièces un personnage dont la vie serait encore plus admirable et
qu’on nous inviterait à imiter ? Finalement, les morales religieuses
rencontrent un problème semblable à celui rencontré par l’interprétation non
littérale des Écritures : plus aucun croyant ne veut suivre à la lettre,
en matière éthique, toutes les prescriptions bibliques. Mais comment fait-on le
tri, si ce n’est en utilisant des idées morales indépendantes de la
révélation ? Et s’il faut évaluer cette dernière au nom de critères qui
lui sont extérieurs, à quoi peut-elle bien servir ?
On entend
souvent dire — et on cite Hume à ce sujet — qu’on ne peut pas déduire
logiquement des jugements de valeur à partir de jugements de fait. C’est
certainement vrai, mais cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas une façon
scientifique de raisonner en matière éthique qui, à nouveau, s’oppose à
l’attitude religieuse. Cette approche est l’utilitarisme qui repose sur un seul
principe éthique non factuel, à savoir qu’il faut globalement maximiser le
bonheur. Ce principe ne peut évidemment pas être justifié scientifiquement.
Mais, une fois qu’il est admis, à cause de son caractère intuitivement évident,
tous les autres jugements moraux sont ramenés à des jugements du type :
est-ce que telle ou telle action tend à augmenter le bonheur global ? Et
ces jugements-là sont factuels. Évidemment, les adversaires de cette approche
font vite remarquer que la notion de bonheur est vague et que les calculs
utilitaristes sont souvent impossibles à effectuer. Tout cela est vrai, mais
quelle alternative proposer ? On peut justifier a contrario l’utilitarisme en faisant remarquer qu’il est difficile
d’imaginer une action qui serait moralement justifiée alors que celui qui la
commet sait qu’elle tend à diminuer le bonheur global.
L’approche
utilitariste choque souvent parce qu’elle s’oppose à deux aspects profondément
ancrés dans notre réaction spontanée face aux problèmes éthiques : l’une,
c’est le respect des morales traditionnelles, obéissance à l’autorité, à la
communauté, à l’État ou aux préceptes religieux ; pour un utilitariste,
toutes ces traditions doivent être critiquées et évaluées à l’aune de la
maximisation du bonheur total. L’autre aspect, sont toutes les volontés de vengeance
ou de punition. D’un point de vue utilitariste, toute sanction doit être
justifiée uniquement en fonction du bonheur global et non pas par un désir de
punir les méchants. En particulier, l’utilitarisme met entre parenthèse le
problème de la responsabilité et du libre arbitre ; il n’a pas besoin de
nier le libre arbitre ; simplement, il ne se préoccupe pas de savoir si
les actions humaines sont « vraiment » libres et en quel sens, ce qui
est probablement la position philosophique la plus prudente. Finalement, pour
un utilitariste, il existe des progrès en éthique, comme en sciences, et l’on y
arrive également par l’observation et le raisonnement. On peut, en comprenant
mieux la nature humaine, découvrir, par exemple, que l’esclavage est mauvais et
que l’avortement ne l’est pas. En fin de compte, non seulement une religion
dont on aurait évacué tous les jugements de fait se vide de tout contenu, mais
la façon religieuse d’aborder les problèmes éthiques s’oppose radicalement à
l’approche basée sur une conception rationnelle du monde.
CROIRE POUR SE SENTIR
BIEN.
« Je pourrais
être plus heureux, et j’aurais sans doute de meilleures manières, si je croyais
être descendant des empereurs de Chine, mais tous les efforts de volonté que je
pourrais faire en ce sens ne parviendraient pas à m’en persuader, pas plus que
je ne peux empêcher mon cœur de battre. » Steven Weinberg[xxvi]
Il existe
une tradition de « révolte contre la raison », dont on trouve des
accents chez des auteurs aussi différents que Pascal et Nietzsche, et qui
rejette toute la discussion précédente en admettant volontiers qu’il n’y a pas
d’arguments rationnels en faveur de la religion, et qu’en fin de compte il
s’agit uniquement d’un choix personnel. On peut croire, même si c’est absurde,
surtout si c’est absurde. Ou bien, il s’agit d’un engagement, d’un style de vie
— on fait les « gestes de la foi » , prier et implorer, et on finit
par croire. Ce genre d’attitude est devenu de plus en plus populaire avec la
montée du « postmodernisme » et, plus généralement, de l’idée que ce
qui est important n’est pas de savoir si ce qu’on dit est vrai ou faux, ou
peut-être même que la distinction entre vrai et faux n’a pas de sens. Ce qui
compte, ce sont les effets pratiques d’une croyance ou le rôle social qu’elle
joue dans un groupe donné.
Dans la
variante postmoderne la plus extrême de cette tradition, le problème de la
contradiction entre différentes croyances religieuses ne se pose pas. On a
recourt à la doctrine des vérités multiples, c’est-à-dire que des idées mutuellement
contradictoires peuvent être simultanément vraies. L’un croit au ciel et à
l’enfer, l’autre à la réincarnation, un troisième pratique le New Age et un
quatrième pense avoir des extra-terrestres parmi ses ancêtres. Toutes ces vues
sont « également vraies » mais avec un qualificatif du genre,
« pour le sujet qui y croit » ou « à l’intérieur de sa
culture » . Je ne peux que partager le sentiment d’étonnement que
ressentent beaucoup de croyants orthodoxes face à cette multiplication des
ontologies.
Comme il
est inutile d’attaquer ce genre de positions au moyen d’arguments rationnels,
je vais me contenter de faire deux remarques à caractère moral[xxvii].
Premièrement, cette position n’est pas sincère et cela se remarque dans les
choix de la vie courante : lorsqu’il faut choisir une maison, acheter une
voiture, confier son sort à une thérapeutique, même les subjectivistes les plus
acharnés comparent différentes possibilités et tentent d’effectuer des choix
rationnels[xxviii].
Ce n’est que lorsqu’on se tourne vers des questions « métaphysiques »
, qui n’ont pas de conséquences pratiques immédiates, que tout devient une
question de désir et de choix subjectifs. Ensuite, cette position est
dangereuse, parce qu’elle sous-estime l’importance de la notion de vérité
objective, indépendante de nos désirs et de nos choix : lorsque aucun
critère objectif n’est disponible pour départager des opinions contradictoires,
il ne reste que la force et la violence pour régler les différends. En
particulier, sur le plan politique, la vérité est une arme que les faibles ont
face aux puissants, pas l’inverse.
Finalement,
Steven Weinberg fait une remarque perspicace à propos du subjectivisme
religieux : «Il est très étrange que
l’existence de Dieu, la grâce, le péché, l’enfer et le paradis n’aient aucune
importance ! Je suis tenté de penser que, si les gens adoptent une
telle attitude vis-à-vis des questions théologiques, c’est parce qu’ils ne
peuvent se résoudre à admettre qu’ils n’y croient pas du tout. »[xxix]
ACTUALITÉ DE
L’ATHÉISME.
« L’abolition de
la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est une exigence de son
bonheur réel. Exiger que le peuple renonce à ses illusions sur sa condition,
c’est exiger qu’il abandonne une condition qui a besoin d’illusions. La
critique de la religion est donc virtuellement la critique de la vallée de
larmes dont la religion est l’auréole. »
Karl Marx[xxx]
Tout
d’abord, il faut lever une ambiguïté de terminologie : l’attitude défendue
ici, qui s’appuie sur les limites des connaissances (fiables) auxquelles
l’humanité a accès est souvent considérée comme une forme d’agnosticisme plutôt
que d’athéisme[xxxi].
Mais il s’agit là d’une confusion : par exemple, le pape ne se dira pas
« agnostique » au sujet des dieux de l’Olympe. Par rapport à eux, il
est en réalité, comme tout le monde, athée. Idem pour toutes les religions
africaines, polynésiennes etc. En fait, les théologiens les plus orthodoxes et
moi-même sommes probablement d’accord (je n’ai pas fait de calculs exacts) sur
99% des religions existantes ou ayant existé. Personne n’a jamais prouvé
qu’Aphrodite n’existait pas.
En
réalité, il y a deux sortes d’agnostiques : d’une part, ceux qui
constatent qu’il n’y a aucune raison valable de croire en une divinité
quelconque et qui utilisent ce mot pour désigner leur position, laquelle n’est
pas réellement différente de l’athéisme. Aucun athée ne pense avoir des
arguments prouvant l’inexistence des divinités. Ils constatent simplement, face
à la multiplicité des croyances et des opinions, qu’il faut bien faire un tri
(à moins d’accepter le pluralisme ontologique des subjectivistes) et que dire
qu’il n’y a aucune raison de croire en l’existence d’un être revient à nier son
existence. Mais d’autres personnes qui se déclarent agnostiques pensent que les
arguments en faveur du déisme ne sont pas totalement convaincants mais sont
peut-être valides, ou font une distinction entre les religions de l’antiquité
et une religion contemporaine, et cette attitude est effectivement très
différente de l’athéisme.
Remarquons
aussi que le phénomène de la croyance en tant que tel est pratiquement
indépendant des arguments pseudo-rationnels discutés
ci-dessus. L’immense majorité des gens qui embrassent une foi ne le font pas
parce qu’ils sont impressionnés par l’argument anthropique, mais parce qu’ils
respectent les traditions dans lesquelles ils ont été élevés, ont peur de la
mort, ou trouvent plaisant d’imaginer qu’un être tout-puissant veille sur leur
sort. C’est pourquoi même les intellectuels religieux sont souvent « athées »
en ce sens qu’ils rejettent les raisons de croire qu’ont la plupart de leurs
coreligionnaires.
Les idées
développées ici paraissent sans doute aller un peu trop à contre-courant du
consensus mou qui domine la pensée contemporaine. La religion n’est-elle pas
devenue inoffensive ? À quoi bon la critiquer ? On peut grosso modo
classer les attitudes religieuses selon un axe orthodoxe-libéral ;
lorsqu’on se déplace le long de cet axe, on passe d’une croyance dogmatique et
littérale en certains textes sacrés à des positions de plus en plus vagues et
défendues avec de moins en moins de vigueur. Les torts causés par ces variantes
de la religion sont évidemment différents. C’est la variante dogmatique qui
fait le plus grand tort, qui impose des morales barbares, fonctionne comme
opium du peuple et, opposant les vrais croyants aux impies, encourage divers
conflits. C’est elle qui domine dans le Tiers Monde, mais pas seulement là[xxxii].
En ce qui
concerne les variantes libérales de la religion (qui ont tendance à être répandues
plutôt parmi les intellectuels), elles pêchent de deux façons : l’une est
de fournir indirectement une pseudo-justification aux
variantes les plus naïves et les plus dogmatiques de la religion. Les
théologiens, surtout les plus sophistiqués, donnent un bagage intellectuel aux
prêtres qui eux-mêmes entretiennent la foi des fidèles. Qu’on le veuille ou
non, il existe une continuité d’idées qui relie les ailes apparemment les plus
opposées de l’Église. L’autre, est d’encourager une certaine confusion intellectuelle.
Pour reprendre ce que Bertrand Russell disait dans un
autre contexte[xxxiii],
l’attitude religieuse moderne « prospère grâce aux erreurs et aux
confusions de l’intellect. Par conséquent, elle tend à préférer les mauvais
raisonnements aux bons, à déclarer insoluble chaque difficulté momentanée, et à
considérer chaque erreur idiote comme révélant la faillite de l’intellect et le
triomphe de l’intuition . »[xxxiv]
L’attitude
des laïcs face à l’évolution de la religion est également surprenante : au
fur et à mesure que la religion devenait floue et vague, l’opposition laïque
devenait floue et vague. Au nom d’une volonté de dialogue et de respect, on en
vient à ne plus affirmer ce que l’on pense. Mais le véritable respect part
d’une affirmation claire des positions des uns et des autres, et le dialogue ne
peut pas se baser sur un vague consensus humaniste qui occulte, en
bioéthique par exemple, les profondes différences qui opposent des morales
basées sur l’utilitarisme et sur la révélation.
Avec
l’effondrement du marxisme, la critique politique de la religion s’est aussi
considérablement affaiblie. En partie parce que le marxisme lui-même a édifié
un certain nombre de dogmes. Mais il ne faut jamais oublier que ce qui est
important dans l’athéisme, c’est l’attitude sceptique sur laquelle il est basé.
Et que la critique politique de la religion doit aller bien au-delà de la
critique du soutien apporté par les Églises aux pouvoirs en place. Il faut
remettre à l’ordre du jour la critique de la religion comme aliénation. Et
l’attitude critique vis-à-vis des vérités soi-disant révélées peut et doit
s’étendre petit à petit à toutes les « abstractions » qui sont en
réalité des constructions humaines mais qui, une fois réifiées, s’imposent aux
hommes comme des fatalités extérieures qui les empêchent de devenir réellement
maîtres de leur sort : Dieu, l’État, la Patrie, ou, de façon plus moderne,
l’Europe ou le Marché. En tout cas, la critique de la religion reste une étape
irremplaçable dans la transformation de cette « vallée de larmes » en
un monde véritablement humain, débarrassé à la fois de ses dieux et de ses
maîtres.
[i]HUME (David), Enquête sur l'entendement
humain, traduit par BARANGER
(Philippe) et SALTEL (Philippe), Paris, GF-Flammarion,
1983 [1748], 247p. Cette phrase, la dernière du livre, peut sembler un peu
brutale mais il ne faut pas oublier qu’à l’époque de Hume c’étaient en général
les théologiens qui allumaient les bûchers.
[ii]HUME (David), Enquête sur l'entendement
humain, traduit par BARANGER
(Philippe) et SALTEL (Philippe), Paris, GF-Flammarion,
1983 [1748], 247p. Cette phrase, la dernière du livre, peut sembler un peu
brutale mais il ne faut pas oublier qu’à l’époque de Hume c’étaient en général
les théologiens qui allumaient les bûchers.
[iii] Opposant le prix Nobel de physique
Steven Weinberg à John Polkinghorne, physicien et
pasteur anglican.
[iv] Qui n’est pas réellement une
université, mais une association qui organise des conférences et édite une
revue, Convergences. Dans le conseil
scientifique de l’UIP, on trouve, entre autres, Olivier Costa de Beauregard,
Jean Staune, Anne Dambricourt-Malassé,
Rémy Chauvin, Michaël Denton, Bernard d’Espagnat, John Eccles, Ilya
Prigogine, Jean-Pierre Luminet, Trinh
Xuan Thuan.
[v]
Voir GOULD (Steven Jay), Rocks of Ages : Science and Religion in the Fullness of Life, Ballantine Books, 224p.
[vi] Pour de bonnes critiques de la
religion, d’un point de vue scientifique, voir : RUSSELL (Bertrand),
« Pourquoi je ne suis pas chrétien » , in RUSSELL (Bertrand) Le
mariage et la morale, Paris, Éditions 10/18, 1997, 350p. ; RUSSELL
(Bertrand), Religion and
Science, Oxford, Oxford University Press, 1961, 256p. ; et WEINBERG (Steven), Le rêve d’une théorie ultime, Paris, O.
Jacob, 1997, 279p., surtout le chapitre XI.
[vii]
RUSSELL (Bertrand), Religion and Science,
[viii] Fortement encouragé par des
organisations comme l’UIP et la fondation Templeton.
[ix] A une époque où il est de bon ton
de dénoncer le « politiquement correct » et la soi-disant
politisation des universités américaines par la gauche académique, il n’est
peut-être pas inutile de signaler les élans d’enthousiasme que l’argument
anthropique suscite chez certains commentateurs de droite ; par exemple,
Patrick Glynn, ancien expert de l’administration
Reagan, consacre un ouvrage à cette idée qui, d’après lui, offre un
« argument puissant et presque incontestable » en faveur de l’existence
« de l’âme, de la vie après la mort et de Dieu » . Cet argument
permet de combattre « les conséquences néfastes des politiques et de
l’expérimentation sociales inspirées par l’athéisme » , telles que les
atrocités soviétiques et la révolution sexuelle américaine. Un éditorialiste de
droite renommé, George Will, ironise en disant que
les laïcs devront « porter plainte contre la NASA parce que le télescope
Hubble apporte un soutien anticonstitutionnel à ceux qui sont enclins à
croire » . Robert Bork, autre intellectuel de
droite, se réjouit de ce que cet argument détruit les bases intellectuelles de
l’athéisme parce que « la croyance religieuse est probablement essentielle
si l’on veut que l’avenir soit civilisé ». Voir :
SILBER (Kenneth), Is God in the details ?, Reason, Juillet 1999 (disponible
sur
http ://www.reasonmag.com/9907/fe.ks.is.html.).
[x] Voir par exemple WEINBERG
(Steven), op.cit.,
p. 224, pour une bonne présentation de ce genre d’arguments.
[xi] En fait, le plus remarquable dans
la religion n’est sans doute pas tant le discours sur Dieu, mais la place que
celle-ci attribue à l’homme. On trouve cependant des exemples
d’anthropocentrisme aigu chez certains auteurs « matérialistes », par
exemple : « ... nous avons la certitude que, dans toutes ses
transformations, la matière reste éternellement la même, qu’aucun de ses
attributs ne peut jamais se perdre et que, par conséquent, si elle doit sur
terre exterminer un jour, avec une nécessité d’airain, sa floraison suprême,
l’esprit pensant, il faut avec la même nécessité que quelque part ailleurs et à
une autre heure elle le reproduise. » ENGELS (Friedrich), Dialectique de
la nature, Paris, Éditions Sociales, 1968, 364p. (p.46). Premièrement, qu’en
sait-il ? Deuxièmement, s’ils connaissaient la dialectique, les éléphants
considéreraient peut-être leurs trompes comme la « floraison
suprême » .
[xii] Par exemple : pourquoi il y
a-t-il de l’être plutôt que rien ?
[xiii] Comme l’a correctement fait remarquer
Einstein, le plus mystérieux dans l’univers, c’est qu’il soit compréhensible.
Mais il ne l’est que partiellement.
[xiv] HAWKING (Stephen), Une brève histoire du temps. Du Big Bang aux trous noirs, Paris, Flammarion, 1989. On
trouve une confusion bien plus grande encore chez Claude Allègre qui considère
que « le Big Bang établit la supériorité des
religions du Livre sur toutes les autres croyances du monde » ALLÈGRE
(Claude), Dieu face à la science, Paris,
Fayard, 1997 (p.94). Cité (p.146) dans LAMBERT (Dominique), Science et théologie ; Les figures d’un
dialogue, Bruxelles, Éditions Lessius, 1999,
218p.
[xv]
Voir DAWKINS (Richard), The Blind Watchmaker,
[xvi] MONOD (Jacques), Le hasard et la nécessité, Paris, Le
Seuil, 1971, 197p.
[xvii] Remarquons que cette idée était
parfaitement claire aux yeux de certains scientifiques « mécanistes »
du 18e siècle ; par exemple, Laplace écrivait, à
propos des « événements » : « Dans l’ignorance des liens
qui les unissent au système entier de l’univers, on les a fait dépendre des
causes finales ou du hasard, suivant qu’ils arrivaient et se succédaient avec
régularité ou sans ordre apparent ; mais ces causes imaginaires ont été
successivement reculées avec les bornes de nos connaissances, et disparaissent
entièrement devant la saine philosophie, qui ne voit en elles que l’expression
de l’ignorance où nous sommes des véritables causes ».
LAPLACE
(Pierre Simon), Essai philosophique sur les probabilités, 5è édition, Paris, Christian Bourgeois 1986
[1825] (p.32).
[xviii] Documentation catholique, n° 2062,
1992 (n° 5), p. 1070. Cité (p.65) dans : LAMBERT (Dominique), op.cit.
[xix] Lesquels ne se sont pas opposés seulement à Galilée, mais
également à l’idée que les comètes n’étaient pas des objets sublunaires, que le
soleil avait des taches, ainsi qu’à l’émergence de la géologie, à la théorie de
l’évolution, à l’approche scientifique en psychologie et à de nombreux
traitements médicaux ; pour plus de détails historiques, voir RUSSELL
(Bertrand), Religion and
Science, Oxford, Oxford University Press, 1961, 256p.
[xx]
RUSSELL (Bertrand), Religion and Science,
[xxi] Pour une bonne critique du
concordisme, d’un point de vue catholique, voir LAMBERT (Dominique), op.cit., ainsi que LAMBERT (Dominique) « Le `réenchantement’ des sciences : obscurantisme,
illusion ? » Revue des
Questions Scientifiques, n°166, 1995, p. 287-291.
[xxii] Ce qui est plus ou moins l’attitude
du physicien-pasteur Polkinghorne
qui considère la conscience comme un signe intrinsèque d’un créateur ;
notons aussi que le pape admet l’évolution pour ce qui est du corps, mais
considère qu’il y a un saut ontologique lorsqu’on passe à l’esprit humain.
[xxiii]
HUME (David), op.cit. p. 46.
[xxiv]
RUSSELL (Bertrand), Religion and Science,
[xxv] Qui, dans son récent livre (GOULD,
op.cit.), suggère l’expression « non-overlapping magisteria
(NOMA) ».
[xxvi]
WEINBERG (Steven), op.cit. p. 230.
[xxvii] Pour une critique générale du
pragmatisme, en particulier lorsqu’il est utilisé pour défendre la religion,
voir les chapitres 29 et 30, consacrés à William James et à John Dewey de
RUSSELL (Bertrand), Histoire de la
philosophie occidentale, traduit de l'anglais par KERN (Hélène), Paris,
Gallimard, 1952.
[xxviii] Encore que, en ce qui concerne les
thérapeutiques, leurs choix soient parfois bizarres.
[xxix]
WEINBERG (Steven), op.cit. p. 229.
[xxx] RUBEL (Maximilien), Pages de Karl Marx. Pour une éthique
socialiste. 1. Sociologie critique, Paris, Payot, 1970, 302p. (p.105).
[xxxi] Bertrand Russell
raconte que, lorsqu’il fut mis en prison pour son opposition à la première
guerre mondiale, le garde lui demanda qu’elle était sa religion et il répondit
qu’il était agnostique. Le garde le regarda en disant : « bon, de
toute façon, nous croyons tous dans le même Dieu ». Plus sérieusement, Russell explique que lorsqu’on lui posait ce genre de
questions, il hésitait entre répondre « agnostique », ce qui
caractérisait sa position philosophique au sens strict (on n’a pas de preuves
de l’inexistence de Dieu) et « athée », ce qui exprimait le fait
qu’il ne pouvait pas non plus prouver que les dieux de l’Olympe n’existaient
pas et qu’il mettait ceux-ci sur le même pied que le Dieu des chrétiens.
[xxxii] Francisco Ayala,
ex-prêtre dominicain et professeur de biologie en Californie explique que
« le premier jour de mon cours, il y a toujours une file d’étudiants qui
se plaignent : `Professeur Ayala, je suis votre
cours pour devenir médecin — je ne peux pas accepter l’évolution parce que je
suis catholique’ ». (New York Times, 27 avril 1999). Notons que cela se
passe dans un État qui est supposé être à l’avant-garde d’un pays qui est
régulièrement présenté comme un modèle au reste du monde. Par ailleurs, des
sondages montrent que 40% des Américains considèrent leur relation avec Dieu
comme ce qu’il y a de plus important dans leur vie, contre 29% pour « une
bonne santé », 21% pour « un mariage heureux » et 5% pour
« un travail satisfaisant ». Comme le remarque Noam
Chomsky, qui cite ces chiffres, « Que ce monde puisse offrir certain
aspects de base d’une vie véritablement humaine n’est pas envisagé. Ce sont les
résultat qu’on s’attendrait à trouver dans une société paysanne détruite. Ce
genre de vues est particulièrement répandu parmi les Noirs ; ce qui n’est
pas étonnant lorsque le New England Journal of Medicine
nous apprend que `les hommes noirs à Harlem ont moins de chances d’atteindre
l’âge de 65 ans que les hommes au Bangladesh’. »
[xxxiii] Il s’agissait de sa critique de
Bergson, voir RUSSELL (Bertrand), Histoire
de la philosophie occidentale, traduit de l'anglais par KERN (Hélène),
Paris, Gallimard, 1952 (p.762).
[xxxiv] Considérons par exemple les théologiens de la libération : on ne peut qu’admirer le courage de ces gens qui doivent se battre sur deux fronts, à la fois contre le pouvoir temporel et contre la hiérarchie réactionnaire de l’Église. Mais leur démarche intellectuelle est très difficile à suivre. Ils ont tendance à mettre de côté l’approche théologique classique et à se concentrer sur une lecture des Évangiles. Admettons, pour simplifier la discussion, que leur interprétation des Évangiles soit correcte. Mais comment, sans faire appel à des arguments métaphysiques, défendre l’idée que l’enseignement de quelqu’un qui a habité en Palestine il y a 2000 ans est pertinente pour résoudre les problèmes contemporains de l’Amérique Latine ?