anais     

le bulletin de l'  information scientifique

de l’ association nantes atlantique pour l’ information scientifique (anaisafis)

PERIODIQUE A PERIODICITE VARIABLE                                                                  N° 18 –  OCTOBRE – NOVEMBRE 2005

 

numéro spécial « Science et Religion »

 

sommaire

 

éditorial

 

«La séparation des pouvoirs entre les Religions et les Etats

constitue à la fois la garantie, pour les chercheurs et enseignants des sciences,

de pouvoir faire leur travail à l’abri des pressions des religieux et idéologues,

et, la garantie, pour les confessions et convictions,

de la liberté d’exercice des cultes et de leur expression … »

 

chronique d’une conférence au muséum

 

 

 

l’Association Nantes Atlantique pour l’Information Scientifique (ANAIS),

la section départementale de l’Union Rationaliste et

le groupe de Nantes de la Libre Pensée ont invité à Nantes,

dans le cadre de la semaine de la science :

 

Guillaume Lecointre, chercheur,

Professeur au Muséum National d'Histoire Naturelle,

spécialiste de la classification phylogénétique du vivant.

 

le néo-créationnisme s’invite en prime time

 

 

à propos du documentaire « Homo Sapiens » diffusé le 29 Octobre 2005 sur ARTE

 

les courriers électroniques et communiqués de presse émis par ANAIS

 

le communiqué envoyé en réponse par la chaîne de service public ARTE

 

le communiqué de presse émis par l’ AFIS

 « Science Spirituellement Modifiée – ARTE complète sa programmation »

 

« Un film soupçonné de néo-créationnisme fait débat »

un article du Monde daté du 30 octobre 2005

 

complément d’enquête suite à l’article du Monde

les relais scientifiques du néo-créationnisme

 

le créationnisme expliqué par des créationnistes

 

un exposé « archéo-créationniste »

Evolution ou création ? Examen à la lumière de la science et de la Bible

Jean-Pierre SCHNEIDER

 

un exposé « néo-créationniste »

A la redécouverte du Dieu Créateur

Frank HORTON

 

les objectifs du mouvement de l’Intelligent Design

 

Centimètre par centimètre …

Par Mark Hartwig

 

Université Interdisciplinaire de Paris … décryptage …

 

L' Université Interdisciplinaire de Paris.

une mise au point commune de l’Association Française pour l’Information Scientifique

La Libre Pensée, L’Union Rationaliste, et l’International Humanist and Ethical Union

 

L’Université Interdisciplinaire de Paris

Science et pseudo-sciences N°244 [ 2001 ] - par Guillaume Lecointre

 

Assistance à enseignants en difficulté

 

dix questions suggérées par les créationnistes

pour que les élèves mettent en difficulté

leurs enseignants de sciences naturelles

Puisées dans le dossier « évolution » mis en ligne par le CNRS et le Muséum National d’Histoire Naturelle,

les dix questions pièges suggérées par l’ouvrage néo-créationniste de J. Wells, « les icônes de l’évolution »,

et les réponses qu’y apporte Guillaume Lecointre, du Muséum.

 

 

Actualité

 

Une pétition internationale des brights 

l’Intelligent Design n’est pas de la science et n’a rien faire,

dans les programmes de sciences des écoles publiques

 

Une nouvelle offensive du créationnisme.

une déclaration du bureau de l’union rationaliste (22 octobre 2005)

 

Le Dalaï-lama ouvrira la conférence annuelle

de la Société américaine de neurosciences

un article du nouvel observateur du 19 octobre 2005

 

Evangelical Scientists Refute Gravity With New 'Intelligent Falling' Theory

Des scientifiques évangéliques réfutent la gravitation universelle

avec la nouvelle théorie de la « gravitation intelligente »

un article du journal satirique The Onion du 17 Août 2005

 

Dieu avance masqué derrière les manchots

le succès sans précédent du documentaire La Marche de l’empereur aux USA

un article de Lutte Ouvrière n°1941 du 14 octobre 2005

 

Une classification alternative des éléments

un article du n° 268 de Science et pseudo-sciences

 

Salman Rushdie blasts intelligent design
Formerly fatwaed author decries emergence of religion in public life

Salman Rushdie dénonce l’ID et la place de la religion dans la sphère publique

un article du © 2005 WorldNetDaily.com

 

En Pennsylvanie, Charles Darwin devant le tribunal

huit familles de Dover (Pennsylvanie) portent plainte contre l’enseignement de l’Intelligent Design

à l’école publique en invoquant la clause de séparation du 1er amendement de la Constitution

un article du Monde de l’édition du 30 octobre 2005

 

néo-créationnisme: le «monstre de spaghetti volant» contre le «dessein» intelligent

Le Devoir, Agence Science-Presse, Pauline Gravel , Édition du mercredi 7 septembre 2005

 

si la théorie de la création intelligente est enseignée aux élèves,

alors il est impératif que les programmes contiennent également

des éléments d'informations sur notre théorie de la création du monde

extrait du site français de l’Eglise du Monstre en Spaghettis Volant.

 

« Intelligent design » : LATOUR dénonce le fondamentalisme … scientifique

Latour affirme qu’il s’agit d’un « débat entre deux fondamentalismes,

le fondamentalisme religieux et le fondamentalisme scientifique »

 

Nous devons reconnaître que la théorie de l’évolution n’est pas complète …

estime la ministre chrétienne-démocrate de l’Education néerlandaise ,

qui veut organiser un débat entre les « défenseurs de l’évolution »

et les partisans du créationnisme et de « l’intelligence supérieure »

 

Si le design intelligent est une théorie scientifique …

alors l'astrologie l'est aussi et les écoles devraient donc se mettre à

enseigner l'astrologie sur un pied d'égalité avec l'astronomie!

(en direct du procès de Harrisburg, Pennsylvanie)

 

La théorie du design intelligent déchire les Etats-Unis d’Amérique …

Une synthèse par l’agence québécoise Agence Science-Presse

 

« Science et Religion » sélection de textes

 

Teilhard de Chardin

par Ernest Kahane,

Professeur à l’Université de Montpellier, secrétaire général de l’Union Rationaliste

Préface de Jean Orcel,

Professeur au Muséum, Vice-président de l’Union Rationaliste

Publications de l’Union Rationaliste, 1960

 

Science et religion : quelle convergence ?
par le professeur Richard Dawkins

du réseau international des brights

« La convergence ? Uniquement quand cela les arrange.

Pour quelqu'un qui juge honnêtement les choses,

ce soi-disant mariage entre la religion et la science

est une imposture médiocre, vide et habilement enjolivée. »

 

Science et religion : l’irréductible antagonisme.

par le professeur Jean Bricmont

président de l’Association Française pour l’Information Scientifique

 

« Si nous prenons en main un volume quelconque,

de théologie ou de métaphysique scolastique, par exemple, demandons-nous :

Contient-il des raisonnements abstraits sur la quantité ou le nombre ? Non.

Contient-il des raisonnements expérimentaux sur des questions de fait et d’existence ? Non.

Alors, mettez-le au feu, car il ne contient que sophismes et illusions. »

David Hume[i]

 

 

 

POUR le progrès scientifique et technique CONTRE les marchands de fausses sciences

rejoignez l’  association française pour l’information scientifique  AFIS

adhérer : OUI, je souhaite adhérer à l’association française pour l’information scientifique

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abonnement à la revue Science et pseudo-sciences : 22,00 euros ( un an = 5 numéros )

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siège :14, rue de l’école polytechnique, 75005 Paris, site internet national : http://www.pseudo-sciences.org

 

anais association nantes atlantique pour l’information scientifique

comité régional de l’ouest atlantique (de bordeaux à la bretagne) de l’AFIS ; adresser toute correspondance à :

ouest management, domaine d’activités Nantes Atlantique, rue rené fonck, 44860 Saint Aignan de Grand Lieu,

site internet du comité régional ouest atlantique : http://afis44.free.fr/index.htm

coordinateur : Michel NAUD, ingénieur, adresse électronique : afis44@free.fr

 

éditorial

 

« la séparation des pouvoirs entre les Religions et les Etats

constitue à la fois la garantie, pour les chercheurs et enseignants des sciences,

de pouvoir faire leur travail à l’abri des pressions des religieux et idéologues,

et, la garantie, pour les confessions et convictions,

de la liberté d’exercice des cultes et de leur expression … »

 

Lorsque, l’an dernier, tirant les leçons de la conférence 2004 que nous avions organisée au Muséum (consacrée au réchauffement climatique), nous décidions d’organiser la conférence 2005 sur le thème des intrusions spiritualistes dans les sciences, nous ne pensions pas à quel point, en cet octobre 2005, la question serait autant d’actualité.

 

Un article du Chicago Tribune, daté du 30 octobre 2005, dresse un bilan assez impressionnant de dix ans de travail de titan, méthodique (avec une planification quinquennale), avec des moyens financiers colossaux (pas moins que 4 millions de dollars de budget pour le seul Discovery Institute de Seattle) récoltés auprès des donateurs (chrétiens conservateurs pour la plupart) ou des organismes publics par le statut d’Organisation Non Gouvernementale à but non lucratif.

 

S’intéressant à tous les domaines aux frontières de la connaissance scientifique, les promoteurs de l’Intelligent Design (« dessein intelligent » ou « création intelligente » en français) concentrent néanmoins préférentiellement leurs attaques sur la théorie de l’évolution, et les thèses, popularisées par Darwin depuis 1859, suivant laquelle l’évolution des espèces résulte de mutations aléatoires et de la sélection naturelle.

 

L’objectif de ces propagandistes n’est pas (encore) de faire enseigner l’Intelligent Design en tant que tel mais d’introduire dans l’enseignement des sciences que l’évolution des espèces n’est qu’une théorie parmi d’autres. En réalité, la stratégie du mouvement de l’Intelligent Design, ainsi que la commentent les observateurs, est une stratégie de contournement de la séparation constitutionnelle entre les religions et l’Etat, là ou elle existe.

 

C’est en effet un arrêt de la cour suprême des Etats-Unis de 1987 qui avait banni la théorie créationniste (la création du monde suivant la version littérale de la Bible) des écoles publiques au titre de la séparation des religions et de l’Etat (introduite aux Etats-Unis par le 1er amendement à la constitution) ; en ayant « laïcisé » leur approche, les prédicateurs chrétiens entendent retourner la constitution américaine à leur profit en prétextant désormais que les théories darwiniennes et néo-darwiniennes de l’évolution sont controversées par d’autres théories « scientifiques » , que ces théories présentent donc un « biais athéiste » et qu’il s’agit en conséquence d’une violation du principe constitutionnel de la séparation des religions et de l’Etat que de ne pas enseigner aux enfants que la théorie de l’évolution n’est qu’une théorie parmi d’autres.

 

A cet égard, le procès courageusement intenté par huit parents d’élèves en Pennsylvanie, premier état américain à avoir introduit l’Intelligent design dans les programmes scolaires, est d’un enjeu de premier ordre et ce pas seulement pour les Etats-Unis. (lire dans la partie « actualités » du bulletin)

 

Une réaction française fréquente est de considérer ces questions avec le même dédain souvent rencontré pour tout ce qui vient d’outre-atlantique : c’est amusant de voir ces « infantiles d’américains » avec leur bigoterie d’un autre âge … c’est certes un peu inquiétant quand on regarde cela à travers le filtre de la puissance économique, politique et militaire que les USA représentent … néanmoins, tout bien pesé, nous, en France, si ce n’est en Europe, nous sommes à l’abri …

 

Bien sûr « il n’y a pas le feu au lac » ; l’affaire du documentaire spiritualiste diffusé samedi 29 octobre en prime time sur Arte illustre bien que certains courants minoritaires (l’école teilhardienne de paléontologie, l’université interdisciplinaire de Paris, quelques scientifiques bien connus) perdurent et ont, fort heureusement, le droit d’exprimer leurs croyances ; mais cette même affaire révèle aussi, qu’une fois alertée qu’il y avait dans ce film confusion possible entre la dimension scientifique (réelle) du reportage et le biais spiritualiste si ce n’est religieux (subtil mais évident pour l’oreille avertie) dans l’interprétation des faits et leur mise en perspective, la chaîne publique a immédiatement mis en place un dispositif d’alerte des téléspectateurs ainsi qu’un court mais clair débriefing par des scientifiques non suspects d’interprétation biaisée.

 

Néanmoins, même si c’est encore à une autre échelle, l’accélération de la pression religieuse sur la sphère publique, celle que le Chicago Tribune pointait pour la dernière décennie, est également bien visible en France et en Europe ; sans entrer dans les détails, et sans pointer particulièrement les débats relatifs au traité constitutionnel européen ou le communautarisme d’un ministre de l’intérieur en mal d’ambitions présidentielles, nous pourrions citer en vrac, la volonté de la ministre hollandaise de l’éducation d’organiser un débat entre les « défenseurs de l’évolution » (théorie réputée « incomplète »), les créationnistes et les partisans de « l’intelligence supérieure » (mai 2005) ; la conférence européenne à Bruxelles de l’United Religions Initiative (Initiative des religions unies) qui, sous couvert, de combattre les violences interreligieuses en Europe (?) entendait examiner le rôle spécifique renforcé que pourraient jouer les églises (unies pour l’occasion) dans les institutions européennes  (septembre 2005) ; la première conférence européenne de l’Intelligent Design réunissant à Prague plusieurs centaines d’intervenants et d’auditeurs (octobre 2005) … 

 

Ce bulletin, s’inscrivant dans la continuité de la conférence organisée au Muséum d’Histoire Naturelle de Nantes, en même temps que dans l’actualité tout court, donne matière à toutes et tous pour se construire sa propre idée ; chacun et chacune se forgera sa propre idée au regard des approches « laïcisées » et beaucoup plus subtiles des tenants du « supernaturalisme » (approche amenant désormais le plus souvent les scientifiques en position défensive sur leur propre discipline …, alors qu’il fut un temps ou les progrès de la connaissance scientifique ont pu faire penser aux rationalistes scientifiques et libres penseurs que les pensées religieuses n’étaient plus que scories d’un monde ancien) ; chacune et chacun se fera une idée de la responsabilité importante de la qualité de l’instruction publique (formation des enseignants, programmes nationaux, qualité des manuels, etc.) et de la vulgarisation scientifique ; chacune et chacun, se fera une idée, the last but not the least, sur l’importance de la séparation entre les idéologies en général et les religions en particulier et les Etats ; pour reprendre les mots du compte-rendu de notre conférence du 11 octobre, « cette séparation des pouvoirs constitue à la fois la garantie, pour les chercheurs et enseignants des sciences, de pouvoir faire leur travail à l’abri des pressions des religieux et idéologues, et, la garantie, pour les confessions et convictions, de la liberté d’exercice des cultes et de leur expression. ». A à peine plus d’un mois de la date anniversaire du centenaire de la loi de séparation de 1905 que d’aucuns voudraient «toiletter » , ce message ne pouvait mieux tomber …

 

conclusion personnelle de l’éditorialiste : la conclusion personnelle que je tire de cet éditorial,  c’est que je suis vous incite, chacun et chacune d’entre vous, à vous rapprocher des associations avec lesquelles nous avons coutume de co-organiser nos conférences (la libre pensée, l’union rationaliste), ou l’une des multiples associations qui se sont associées à cet appel, afin de participer nombreux à la manifestation nationale organisée à Paris le samedi 10 décembre à 15h00 de la Place de la République en direction de l’Assemblée Nationale pour la défense et la promotion de la loi de 1905. Signataire de l’appel aux laïques depuis octobre 2004, j’y serai !

 

lire l’appel aux laïques :

http://librepenseefrance.ouvaton.org/actions/appel_laiques.htm

http://www.union-rationaliste.org/Laicite_1905.html#manif

 

 

Michel Naud,

coordinateur de l’association Nantes-Atlantique pour l’Information Scientifique (ANAIS, un comité de l’AFIS)

vice-président de l’association française pour l’Information Scientifique (AFIS)

 

chronique d’une conférence au muséum

 

 

l’association Nantes atlantique pour l’information scientifique,

la section départementale de l’union rationaliste et

le groupe de Nantes de la Libre Pensée ont invité à Nantes,

dans le cadre de la semaine de la science :

 

Guillaume Lecointre, chercheur,

Professeur au Muséum National d'Histoire Naturelle,

spécialiste de la classification phylogénétique du vivant.

 

la science dit « oui » à la loi de séparation du 9 décembre 2005

 

Invité à l’initiative de l’association nantes-atlantique pour l’information scientifique (ANAIS pour les intimes), de la libre pensée nantaise, et de l’union rationaliste, pour évoquer les intrusions spiritualistes dans les sciences, Guillaume Lecointre, venu ce mardi 11 octobre à la rencontre des nantaises et des nantais à l’occasion de la semaine de la science, a rencontré un réel succès.

 

Son parcours de vulgarisateur de la science et de démystificateur des passagers clandestins qu’elle véhicule quelquefois à son insu l’emmenait tout d’abord en fin d’après-midi à la FNAC. Devant un forum bien rempli, et commentant ses différents ouvrages, il se faisait tour à tour le professeur et chercheur du muséum national d’histoire naturelle qu’il est, « professionnel de l’évolution » décryptant pour un public attentif la révolution copernicienne de la nouvelle classification phylogénétique du vivant,  le vulgarisateur infatigable de la chronique scientifique de Charlie Hebdo, et le militant déterminé du matérialisme de la science qui dénonce les intrusions spiritualistes qu’elle subit.

 

Ce dernier aspect était le thème central de la conférence suivie d’un débat que prononçait en début de soirée Guillaume Lecointre, presque de retour « chez lui » devant un amphithéâtre plein du muséum, municipal cette fois, d’histoire naturelle. Ainsi ces intrusions dans les sciences étaient caractérisées autant par des tentatives d’emprise idéologique sur la science du siècle dernier (comme l’anthropologie nazie dans l’Allemagne hitlérienne ou le lyssenkisme en URSS) que par celles, actuelles, plus spécifiquement religieuses : le créationnisme des fondamentalistes protestants aux Etats-Unis (mais aussi en Europe), les promoteurs de l’« intelligent design », l’université interdisciplinaire de Paris – UIP – , la fondation Templeton, etc.

 

En bon spécialiste de la systématique, Guillaume Lecointre commençait ainsi, pour bien monter ce qu’elle n’est pas, par définir la science pour ce qu’elle est : une démarche réaliste (l’univers existe, indépendamment de l’observateur), rationnelle (en mobilisant des opérateurs logiques universels) et matérialiste (se préoccupant d’entités matérielles et de leurs effets) d’explication du monde réel. C’est cette démarche qui fait de la science un facteur d’émancipation et d’ « enchantement du monde » en repoussant toujours plus avant les limites des connaissances.

 

Ce n’est ainsi pas la science qui est responsable de son détournement pour des objectifs charlatanesques (à l’image de produits aux qualités publicitairement « démontrées scientifiquement ») voire malfaisants (à l’évocation des armes nucléaires, chimiques ou bactériologiques) mais des considérations politiques et mercantiles qui instrumentalisent l’état d’avancement des connaissances et de la maîtrise des techniques.

 

De la même façon, autant la science n’a pas vocation à apporter de réponse à ce qui est par définition en dehors de son champ (des agents surnaturels) autant les théologiens et autres idéologues ne sont d’aucun secours, au contraire, à la démarche scientifique. Ainsi le théologien (ou idéologue), le citoyen et l’homme de science sont appelés à rester « chacun chez soi », même si chaque individu concret peut-être scientifique dans son labo, citoyen dans sa réunion de quartier, et faire de la métaphysique quand il est de retour à la maison.

 

C’est donc sans étonner les organisateurs rationalistes et libres penseurs de cette initiative, que Guillaume Lecointre se félicitait que la France puisse s’appuyer sur une tradition républicaine de laïcité établissant clairement la séparation entre les religions et l’Etat ; en effet, expliquait-il, cette séparation des pouvoirs constitue à la fois la garantie, pour les chercheurs et enseignants des sciences, de pouvoir faire leur travail à l’abri des pressions des religieux et idéologues, et, la garantie, pour les confessions et convictions, de la liberté d’exercice des cultes et de leur expression. Ce plaidoyer conclusif en faveur de la laïcité institutionnelle et scolaire tissait ainsi un lien inattendu entre cette semaine de la science et le centenaire qui se rapproche de la loi du 9 décembre 1905.

 

Indiscrétion : une légende urbaine rapporte enfin que Guillaume Lecointre, fidèle à l’image de Charlie, a terminé son parcours nantais en démontrant tardivement un solide appétit devant une choucroute bien garnie ... Comme quoi la soif de connaissance doit pouvoir s’appuyer sur de solides bases matérielles … Décidemment le matérialisme de Guillaume Lecointre nous est bien sympathique.

 

compte-rendu réalisé par Michel Naud, le 12 octobre 2005

 

ouvrages de Guillaume Lecointre :

Classification phylogénétique du vivant (2001)

Intrusions spiritualistes et impostures intellectuelles en sciences  (2001)

Les matérialismes (et leurs détracteurs)  (2004)

Comprendre et enseigner la classification du vivant (2004)

Charlie ramène sa science (2005) 

 

 

 

le néo-créationnisme s’invite en prime time à ARTE

 

 

La perspective de la diffusion le 29 octobre 2005, un samedi soir à 20h40, et sans mise en garde préalable des téléspectateurs, d’un documentaire de paléontologie véhiculant en « passagers clandestins » des thèses finalistes de la tradition du père jésuite et néanmoins paléontologue Teilhard de Chardin suscite l’émotion au sein de la communauté scientifique. Chronique d’une mobilisation pour l’information scientifique.

 

les courriers électroniques et communiqués de presse émis par ANAIS

le communiqué envoyé en réponse par la chaîne de service public ARTE

 

----- Original Message -----

From: ANAIS, un comité de l'AFIS

To: xxxxxxx @artefrance.fr [rendu anonyme par anais]

Sent: Tuesday, October 25, 2005 9:04 AM

Subject: documentaire "Homo Sapiens : une nouvelle histoire de l'homme"

 

à l'attention des unités "découverte et connaissance" et "documentaire"

 

Bonjour à vous,

 

Je viens de lire sur votre site la présentation que vous réalisez du documentaire que vous allez diffusez samedi soir à 20h30 « Homo Sapiens : une nouvelle histoire de l’homme ».

 

« Ce documentaire lumineux, dans le contexte d'une science en pleine ébullition, propose de suivre une hypothèse qui révolutionne notre vision de l'évolution. (…) Homo sapiens, notre père direct, serait né voici 160 000 ans d'une cinquième flexion du sphénoïde, obéissant à une évolution inscrite dans nos gènes et transmise par l'ADN : c'est l'Inside story, l'hypothèse d'une mutation interne programmée de l'espèce. Une orthodontiste française, Marie-Josèphe Deshayes, en tentant de comprendre pourquoi les enfants d'aujourd'hui présentent de plus en plus de déformations de la mâchoire, a rejoint les conclusions d'Anne Dambricourt. Une nouvelle mutation d'Homo sapiens, avancent les deux chercheuses, serait en préparation, à une échelle de temps encore inconnue. »

 

Dit comme cela on pourrait penser, et je pense que vous le pensez vous-même, qu’une hypothèse scientifique séduisante émerge, alternative aux modèles « dominants », puisque « Inside story » fait écho à l'« East Side Story » de la vallée du rift et aux hypothèses darwiniennes et néo-darwiniennes en matière d’évolution des espèces (= basé sur les phénomènes de variation – sélection ).

 

Un lecteur du programme, insuffisamment informé, pourrait penser que la rédaction de cette présentation, obéissant à une loi du genre journalistique, est un peu "sensationnaliste" (la rédaction fleure bon le « finalisme » qui est une hypothèse de nature « métaphysique » extérieure à la science) mais que le documentaire « corrigera le tir ».

 

Malheureusement cela ne sera pas le cas car Anne Dambricourt-Malassé est bien connue. Elle est secrétaire générale de la Fondation Teilhard de Chardin. Le biais métaphysique dans ses études est particulièrement clair et je vous invite à vous faire vous-même une idée en lisant par exemple l’entretien qu’elle a donné à Nouvelles Clés : « L’évolution du vivant obéit à une logique d’organisation supérieure et non au seul pur hasard : thèse paléontologique qui est fondée scientifiquement et qui rejoint les idées visionnaires de Teilhard de Chardin » http://www.nouvellescles.com/Entretien/Dambricourt/Dambricourt.htm

 

Suspectant donc que, sans même que vous le sachiez, vous vous étiez fait prendre dans les filets des associations de la promotion de la religion dans les sciences, j’ai tiré les fils usuels que l’on commence à connaître si on s’intéresse un peu aux sciences de la vie, et j’ai évidemment trouvé immédiatement confirmation que  Jean Staune, secrétaire général de l’Université Interdisciplinaire de Paris assure la promotion « des travaux de Anne Dambricourt Malassé, dont les lecteurs de Nouvelles Clés avaient pu prendre connaissance en avant-première, et qui montrent que l’apparition de l’homme s’inscrit dans un processus se déroulant sur soixante millions d’années, processus insensible aux mutations aléatoires, aux changements du climat et de la végétation. Ce qui fragilise quelque peu la position de ceux qui affirment que notre existence ne saurait avoir la moindre signification » http://www.staune.fr/Esprit-es-tu-la.html

 

Il ne faut pas se méprendre sur l’Université Interdisciplinaire de Paris qui n’est pas, contrairement à ce que son nom semble indiquer, une université. Il s’agit d’une organisation financée par la fondation Templeton. La fondation Templeton, cherche en effet « à développer la recherche et l’enseignement interdisciplinaires sur les rapports entre sciences de la nature et religions ». Histoire de « boucler la boucle » je suis allé chercher sur le site de l’Université Interdisciplinaire de Paris ce que j’étais déjà sûr de trouver, à savoir qu’en page d’acceuil de leur association ils assurent la promotion de la diffusion du documentaire que vous allez diffuser : « L'UIP vous recommande tout particulièrement l'émission Homos Sapiens une nouvelle histoire de l'homme sur Arte le Samedi 29 octobre à 20h45. A travers les témoignages de plusieurs scientifiques tels que Phillip Tobias, Anne Dambricourt, Marie-Josèphe Deshayes ou Jean Chaline, cette émission vous introduira de façon particulièrement claire et accessible aux grands débats actuels sur les origines de l'homme et, au-delà, sur l'évolution elle-même. Ce phénomène est-il purement contingent ou obéit-il à une logique, quelle qu'elle soit ? (…) Une occasion remarquable de mieux comprendre des faits et une théorie que l'UIP a été, il y a 10 ans, parmi les tous premiers à faire connaître au public français. » http://www.uip.edu/fr/ 

 

Ce n’est absolument pas un souci dès lors que l’on est averti par avance que les objectifs poursuivis n’ont rien de scientifique mais tout du métaphysique ou religieux : les sciences, ou en tous cas un discours à connotation scientifique, sont mobilisés au profit du progrès de visées spiritualistes. Je crains que vous n’en ayez pas pris toute la mesure. Je ne saurais donc trop vous encourager, d’abord de vérifier par vous-même que ce que je vous suggère est fondé (après tout, vous ne pouvez pas savoir si ce n’est pas moi qui vous « ballade ») avec les liens internet que je vous ai donné, et ensuite, après validation de mes propos et si votre objectif, comme je le suppose, est d’informer tout autant qu’intéresser les téléspectateurs, de réaliser une mise en garde appropriée des spectateurs.

 

Les hypothèses émises en science sont bien évidemment soumises à évaluation, réfutation, validation mais « le grand débat actuel » qu’évoque Jean Staune et son Université Interdisciplinaire de Paris, et qu’entend illustrer ce documentaire, lui, est bien un débat extérieur à la science, comme l’est celui de l’Intelligent Design qui défraie la chronique aux Etats-Unis d’Amérique ou aux Pays Bas.

 

Espérant avoir contribué à clarifier cette question et évité ainsi que votre chaîne, fort intéressante, ne soit pas involontairement prise aux pièges d’une polémique (en plein débat sur la laïcité !),

 

Veuillez accepter mes salutations les meilleures et néanmoins respectueuses,

 

Michel Naud

coordinateur de l’association Nantes-Atlantique pour l’Information Scientifique (ANAIS) http://afis44.free.fr/

vice-président de l’association française pour l’information scientifique

 

 

 

----- Original Message -----

From: ANAIS, un comité de l'AFIS

To: xxxxxxx @artefrance.fr [rendu anonyme par anais]

Sent: Wednesday, October 26, 2005 9:38 AM

Subject: communiqué de presse sur le documentaire "Homo Sapiens : une nouvelle histoire de l'homme"

 

Bonjour,

 

Suite à mon message d'hier matin, je me permets, par souci de transparence, de vous faire part que nous avons décidé d'émettre ce matin un communiqué de presse.

 

Vous pouvez d'ores et déjà le consulter à  

http://www.communique-de-presse.com/content/view/3749/2/ 

 

Confiant dans une réaction positive de votre chaîne,

je vous prie de bien vouloir accepter nos salutations les plus cordiales et néanmoins respectueuses,

 

Michel Naud

coordinateur de l’association Nantes-Atlantique pour l’Information Scientifique (ANAIS) http://afis44.free.fr/

vice-président de l’association française pour l’information scientifique

 

 

----- Original Message -----

From: xxxxxxx @artefrance.fr [rendu anonyme par anais]

To: ANAIS, un comité de l'AFIS

Sent: Wednesday, October 26, 2005 4:01 PM

Subject: RE communiqué de presse sur le documentaire "Homo Sapiens : une nouvelle histoire de l'homme"



Communiqué de presse 28/10/2005

SAMEDI 29 OCTOBRE à 20h40
ARTE COMPLETE SA  PROGRAMMATION
_______________________________________________________

Dans le souci d’améliorer l'information du public et dans une volonté d'objectivité scientifique, ARTE complète sa programmation en soumettant à un débat l'hypothèse sur l'évolution de l'homme présentée dans le documentaire HOMO SAPIENS, une nouvelle histoire de l’homme ?

Ce débat animé par Michel Alberganti, journaliste au Monde réunira :

Pierre-Henri Gouyon :             Spécialiste de la théorie de l’évolution
                                               Museum National d’Histoire Naturelle -
                                               Ecole Polytechnique

Michel Morange :                     Biologiste, historien des sciences –

Unité de génétique moléculaire –

Ecole Normale Supérieure

 

----- Original Message -----

From: ANAIS, un comité de l'AFIS

To: xxxxxxx @artefrance.fr [rendu anonyme par anais]

Sent: Wednesday, October 26, 2005 4:40 PM

Subject: Re: RE communiqué de presse sur le documentaire "Homo Sapiens : une nouvelle histoire de l'homme"

 

Bonsoir,

 

merci beaucoup de cette prise en compte,

je vais me préoccuper dès maintenant de faire connaître votre décision le plus largement possible afin de calmer la légitime (à notre sens) émotion qui se développait dans les milieux scientifiques,

cordialement,

michel naud

 

----- Original Message -----

From: ANAIS, un comité de l'AFIS

To: To: xxxxxxx @artefrance.fr [rendu anonyme par anais]

Sent: Thursday, October 27, 2005 10:45 AM

Subject: documentaire "Homo Sapiens : une nouvelle histoire de l'homme"

 

Bonjour à vous,

 

comme je vous l'annonçais hier soir, nous avons diffusé votre information sur les réseaux internet et avons publié ce matin un communiqué de presse. Vous trouverez ci-dessous le texte intégral de ce communiqué de Presse. Vous y constaterez notamment que nous faisons référence à votre propre communiqué d'hier en indiquant :

_____________________________________

 

Par un communiqué qu’elle nous a adressé le 26 octobre, la chaîne ARTE nous a fait part que « dans le souci d’améliorer l'information du public et dans une volonté d'objectivité scientifique » elle a  complété sa programmation « en soumettant à un débat l'hypothèse sur l'évolution de l'homme présentée dans le documentaire HOMO SAPIENS, une nouvelle histoire de l’homme ?. »

 

Nous ne pouvons que féliciter la chaîne de service public ARTE pour sa réactivité et le respect du téléspectateur dont elle témoigne en réalisant ce complément de programme, à l’image de la qualité de la diffusion auquel elle s’attache conformément à son « Vivons curieux ! Plus de découverte, Plus de culture, Plus d'information, de décryptage ».

______________________________________

 

Ce communiqué peut être lu directement par le lien :

 

http://www.communique-de-presse.com/content/view/3784/2/

 

Vous remerciant une nouvelle fois pour l'attention que vous avez bien voulu accorder à notre message d'alerte et vous souhaitant une pleine réussite dans les projets de votre chaîne,

 

Cordialement,

pour l'association française pour l'information scientifique,

son vice-président, Michel Naud

 

 

TEXTE DU COMMUNIQUE DE L’AFIS

 Science Spirituellement Modifiée – ARTE complète sa programmation

 

Selon les thèses d’un reportage diffusé sur ARTE le 29 octobre, Homo Sapiens serait né d’une « mutation interne programmée de l’espèce » « obéissant à une évolution inscrite dans nos gènes et transmise par l'ADN » . Plus fort : « Une nouvelle mutation d'Homo sapiens, (…) serait en préparation, à une échelle de temps encore inconnue. »

Nous nageons bien sûr en pleine pseudoscience : aucun mécanisme n'est connu ni même imaginable qui permette à l'ADN de
« programmer par avance » des mutations qui interviendront dans le futur. Le processus bien identifié est le suivant : des mutations interviennent au hasard ; certaines « marchent », d’autres pas ; puis enfin la sélection naturelle « fait le tri » entre celles qui « marchent » : il n’y a aucune place pour une « pré-sélection » de ce qui n'existe pas encore …

La paléontologue Anne Dambricourt-Malassé, secrétaire générale de la Fondation Teilhard de Chardin, au centre de la thèse défendue dans ce documentaire, a défendu ses vues métaphysiques dans un entretien accordé à Nouvelles Clés :
« l’évolution du vivant obéit à une logique d’organisation supérieure et non au seul pur hasard : thèse paléontologique qui est fondée scientifiquement et qui rejoint les idées visionnaires de Teilhard de Chardin ».
 
Elle rencontre dans son entreprise le soutien de l’Université Interdisciplinaire de Paris et de son secrétaire général Jean Staune pour lequel ces thèses argumentent un «processus insensible aux mutations aléatoires, aux changements du climat et de la végétation », et entrent ainsi en contradiction avec « la position de ceux qui affirment que notre existence ne saurait avoir la moindre signification ».

N’oublions pas que l’Université Interdisciplinaire de Paris n’est pas, contrairement à ce que son nom semble indiquer, une université. Il s’agit d’une organisation financée par la fondation Templeton, fondation cherchant « à développer la recherche et l’enseignement interdisciplinaires sur les rapports entre sciences de la nature et religions ».

 

L’Association Française pour l’Information Scientifique, par son vice-président, a alerté la chaîne publique du risque de confusion pour des téléspectateurs mal informés de la diffusion d’un tel documentaire  sans mise en garde préalable de la présence de « passagers clandestins » . Le 26 octobre un communiqué a été adressé à la Presse afin d’alerter sur les risques de la propagation en plein champ télévisuel de Science Spirituellement Modifiée sans étiquetage signalétique à l’attention du public.

 

Par un communiqué qu’elle nous a adressé le 26 octobre, la chaîne ARTE nous a fait part que « dans le souci d’améliorer l'information du public et dans une volonté d'objectivité scientifique » elle a  complété sa programmation « en soumettant à un débat l'hypothèse sur l'évolution de l'homme présentée dans le documentaire HOMO SAPIENS, une nouvelle histoire de l’homme ?. » (*)

 

Nous ne pouvons que féliciter la chaîne de service public ARTE pour sa réactivité et le respect du téléspectateur dont elle témoigne en réalisant ce complément de programme, à l’image de la qualité de la diffusion auquel elle s’attache conformément à son « Vivons curieux ! Plus de découverte, Plus de culture, Plus d'information, de décryptage ».

 

Nous nous devons, de notre côté, de renouveler notre mise en garde des téléspectateurs sur le fait que le documentaire HOMO SAPIENS, une nouvelle histoire de l’homme ? caractérise une tentative d’intrusion spiritualiste dans les sciences, défendant des thèses qui ne sont pas sans rappeler celles des créationnistes et des avocats de l’Intelligent Design. Il convient donc de garder son esprit critique en éveil durant la diffusion de ce documentaire, et de ne pas zapper avant le débriefing de décryptage qui lui succédera.

 

association française pour l’information scientifique

(communiqué transmis le 27 octobre 2005 par son vice-président, Michel Naud)

 

(*) Ce débat animé par Michel Alberganti , journaliste au Monde réunira :

Pierre-Henri Gouyon, spécialiste de la théorie de l’évolution, est
directeur du laboratoire d'Ecologie, Systématique et Evolution  à Paris-XI ORSAY, chargé de cours à l'INRA et maître de conférences à l'École Polytechnique.

Michel Morange, est professeur de biologie à l'université Paris-VI et à l'École Normale Supérieure. Il enseigne l'histoire des sciences à l'université Paris-VII et dirige le Centre Cavaillès d'histoire et de philosophie des sciences de l'ENS.

 

 

 

Un film soupçonné de néo-créationnisme fait débat

LE MONDE | 29.10.05 | 11h17  •  Mis à jour le 29.10.05 | 14h51


La programmation sur Arte, samedi 29 octobre à 20 h 40, d'un documentaire intitulé Homo sapiens, une nouvelle histoire de l'homme suscite des remous dans la communauté scientifique. Cette levée de boucliers a poussé les responsables de la chaîne à organiser, en dernière minute, un débat contradictoire à l'issue du documentaire, "dans une volonté d'objectivité scientifique" .

Pourquoi un tel tollé ? Réalisé par Thomas Johnson, le film présente les travaux d'Anne Dambricourt-Malassé ­ chercheuse au CNRS, rattachée au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) ­ comme une "nouvelle théorie de l'évolution" , sans préciser qu'elle est au centre d'une violente controverse depuis de nombreuses années.

 

Pour une large part des paléoanthropologues français et étrangers, ses travaux ne suivent pas une démarche scientifique. Ils s'inspirent de la théorie dite du "dessein intelligent" (Intelligent Design, en anglais), qui postule un Univers conçu pour l'homme selon une intention divine. Le nom de Mme Dambricourt apparaît d'ailleurs sur une pétition diffusée par le Discovery Institute ­ fer de lance des néocréationnistes américains dans leur lutte contre le darwinisme.

 

Les travaux de Mme Dambricourt s'inscrivent dans une "vieille tradition française de défiance vis-à-vis du darwinisme", explique Jean-Jacques Hublin, directeur du département de l'évolution humaine au Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology, à Leipzig (Allemagne). "Sans doute, poursuit M. Hublin, parce qu'il y a eu une implication forte des religieux dans l'histoire de l'évolution en France, depuis l'abbé Breuil jusqu'à Teilhard de Chardin." Jugement confirmé par Pascal Picq, maître de conférences au Collège de France : "Ce courant de pensée est très présent en paléoanthropologie, et il est soutenu par des organisations efficaces dont les importants moyens financiers viennent parfois d'outre-Atlantique."

 

PRINCIPE CARDINAL

 

Que dit le film ? D'abord, il jette aux orties la théorie d'Yves Coppens (dite de l'East Side Story). Celle-ci explique que des grands singes se sont redressés pour s'adapter à la savane, à l'est du rift africain. Plus que l'East Side Story ­ déjà mise à mal par la découverte de Toumaï (Sahelanthropus tchadensis ), un hominidé vieux de 7 millions d'années, loin à l'ouest du rift ­, la thèse de Mme Dambricourt remet en question un principe cardinal de la théorie de Darwin : l'adaptation à l'environnement n'est pas, à en croire le film, "la cause principale de l'évolution humaine" . Le principal moteur de l'évolution humaine serait l'inflexion du sphénoïde, un os en forme de papillon situé à la base du crâne.

 

Cet os, selon Mme Dambricourt, s'est infléchi à cinq reprises au cours des derniers 60 millions d'années. Ce qui a conduit à chaque fois à l'émergence de nouvelles espèces : singes, grands singes, australopithèques, puis représentants du genre Homo . Avec, en bout de course, l'homme moderne (Homo sapiens ). Ces inflexions successives seraient ainsi "un fil rouge qui semble traverser toute l'histoire de l'évolution depuis les primates jusqu'à l'homme" . La conclusion est que "le moteur de l'évolution n'est donc pas à l'extérieur, mais à l'intérieur de chacun de nous" .

Pour étayer ses thèses, Mme Dambricourt "a longuement étudié le développement, depuis l'embryon jusqu'à l'âge adulte, de différents primates" , dit le paléoanthropologue (CNRS) Fernando Ramirez-Rozzi. "L'idée est très bonne , estime-t-il. Car c'est un aspect quelque peu mis de côté par la théorie néodarwinienne de l'évolution." En revanche, les conclusions qu'en tire Mme Dambricourt "relèvent du délire" , ajoute aussitôt le chercheur.

 

M. Picq, reconnaît à Mme Dambricourt "le mérite d'avoir mis en évidence la flexion du sphénoïde chez les hominidés". "Cet os est un carrefour important , poursuit-il. C'est là que se rencontrent les zones associées au développement du cerveau, de la face et de la locomotion." Mme Dambricourt, ajoute M. Picq, "bute sur l'interprétation" . "Pour une raison absolument mystérieuse , précise de son côté M. Ramirez-Rozzi, elle a voulu faire de cet os la pièce centrale de toute l'anatomie humaine. Or on sait depuis longtemps que définir l'homme à partir d'un seul caractère est absurde."

 

Christoph Zollikofer, professeur d'anthropologie à l'université de Zurich, auteur de la reconstitution virtuelle du crâne de Toumaï, considère que " l'argument du sphénoïde est limité, car on rencontre la flexion du sphénoïde chez certains mammifères, et même des poissons, sans en connaître la cause". Le chercheur suisse estime qu'" on ne peut pas perdre de vue l'adaptation comme force de la sélection" et que, "lorsqu'on fait de la science, on ne commence pas par les réponses, mais par les questions " .

 

ÉVOLUTION DISCONTINUE

 

Marc Godinot, spécialiste de l'évolution des primates à l'Ecole pratique des hautes études (EPHE), confirme que "plus personne" , à l'étranger, ne croit à la théorie d'Yves Coppens sur le redressement des grands singes dans la savane. Mais il conteste, en revanche, l'évolution humaine par paliers présentée dans le film car, dit-il, "rien ne permet d'affirmer qu'il y a eu des sauts évolutifs de cette ampleur" . Il n'admet pas, non plus, la séparation entre facteurs internes et externes présentée dans le documentaire. Car, en réalité, " ils interagissent en permanence et de façon inextricable ".

 

Pour certains chercheurs, la thèse de Mme Dambricourt ne mérite même pas le débat scientifique. Jean-Jacques Jaeger, professeur de paléontologie des vertébrés à l'université Montpellier-II, ne mâche pas ses mots : " C'est la description d'un phénomène évolutif, formulée par quelqu'un qui n'a jamais entendu parler de science. Ce qui est présenté n'a aucun sens quand on connaît la complexité des mécanismes de développement, ajoute-t-il. Des travaux de ce genre doivent être validés au plan international par des revues dotées de comités de lecture. Cela n'a jamais été le cas."

 

Pour Guillaume Lecointre, professeur au MNHN et spécialiste de systématique, " le film présente la théorie de Mme Dambricourt comme une idée révolutionnaire. Ce n'est pas le cas, car les contraintes architecturales de l'évolution sont intégrées dans le darwinisme, précise-t-il. Ce documentaire est de la théologie déguisée en science, et le public est trompé." Plus rude encore, André Langaney, directeur du laboratoire d'anthropologie biologique du Musée de l'homme (MNHN) et professeur à l'université de Genève, ajoute que Mme Dambricourt " fait du finalisme pour faire plaisir aux intégristes. Ce qu'elle écrit relève de la falsification".

 

 Stéphane Foucart et Christiane Galus

Article paru dans l'édition du 30.10.05

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3244,36-704663@51-699613,0.html

 

 

complément d’enquête suite à l’article du Monde

les relais scientifiques du néo-créationnisme

 

L’article paru dans l’édition du 30 octobre 2005 du Monde fait état que « le nom de Mme Dambricourt apparaît d'ailleurs sur une pétition diffusée par le Discovery Institute », institut de Seattle qui est effectivement le fer de lance des promoteurs de l’Intelligent Design. Nous sommes ainsi allés vérifier cette information en interrogeant sur Google « Dambricourt Discovery Institute » comme tout un chacun peut le faire.

 

Tout d’abord, le Monde a raison : Anne Dambricourt-Malassé est bien signataire d’un appel lancé à l’initiative du Discovery Institute.

 

A SCIENTIFIC DISSENT FROM DARWINISM

“We are skeptical of claims for the ability of random mutation and natural selection to account for the complexity of life.

Careful examination of the evidence for Darwinian theory should be encouraged.”

 

(une dissidence scientifique du darwinisme : nous sommes sceptiques devant la prétention de rendre compte de la complexité de la vie par des mutations aléatoires et la sélection naturelle. Une investigation approfondie de la validité de la théorie darwinienne devrait être encouragée.)

 

La liste des signataires (treize pages de signatures soit de l’ordre de 400 scientifiques) semble n’indiquer qu’un seul scientifique français, en l’occurrence Madame Anne Dambricourt-Malassé, dans la liste à jour au mois de juillet 2005 :

liste des signataires au format .pdf http://www.discovery.org/scripts/viewDB/filesDB-download.php?command=download&id=443

 

La suite des liens proposés nous amenait sur le compte-rendu d’un séminaire :

« Science et Religion : rapports entre Foi et Raison, Tradition et Modernité »,

séminaire ayant regroupé, sous l’animation de jean Staune, de l’université interdisciplinaire de Paris  « un exposé sur les perspectives ouvertes aujourd’hui par l’approche transdisciplinaire (Basarab Nicolescu), une démonstration des convergences et des divergences pouvant exister entre la science et une tradition, ici le bouddhisme (Trinh Xuan Thuan), une analyse montrant que l’évolution humaine ne semble pas être liée uniquement au hasard et que cela génère une responsabilité particulière pour notre civilisation (Anne Dambricourt) , une réflexion sur les valeurs spécifiques de la tradition musulmane permettant le dialogue avec la modernité (Abd Al Haqq Guiderdoni), et une synthèse des rapports entre science et religion aujourd’hui et de l’importance pour les décideurs économiques et politiques des développements en cours dans ce domaine (Jean Staune). » http://www.crd.co.ma/crd__programme_31mai2002.asp

 

L’abstract de l’intervention d’Anne DAMBRICOURT permet de bien cerner la perspective interprétative qui est la sienne :

 

Anne DAMBRICOURT : « Le phénomène de la Révélation et la Théorie de l'Evolution »

« L’humanité est née de l’évolution, mais comment ? Qui est l’Homme, qu’attendons-nous de nous-mêmes et que sait-on du sens des grandes crises spirituelles qui structurent nos civilisations contemporaines ? Le géologue français, Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), mondialement connu pour sa vision de l’évolution fondée sur une synthèse scientifique et son témoignage chrétien, présageait de phénomènes sociaux, culturels et conscientiels tels que nous les incarnons au l’aube du XXIème siècle. Le développement des sciences et des techniques allait rapprocher les peuples, les cultures, les traditions et réduire la circonférence conscientielle de la planète qu’il nommait “noosphère ”, engendrant des phases critiques avec l’apparition de plus en plus sensible de la conscience de soi mais aussi et surtout, de l’autre. Visionnaire de génie pour un Occident éclaté entre les retombées du Siècle des Lumières et la Révélation judéo-chrétienne, Teilhard de Chardin s’inscrit parmi les grands esprits du XXème siècle qui, comme Gandhi ou Sri Aurobindo ont donné une espérance à des millions d’êtres humains. Le témoignage d’une pacification intérieure transmise par une parole donnée, et qui ne se dit pas naître d’elle-même, m’apparaît de plus en plus significatif face à un Occident scientiste qui entend établir le contrôle des règles de l’évolution, du gène à la conscience de soi. Grâce à mon libre-arbitre et avec humilité, j’ai découvert la confiance en cette Présence qui me guide et j’ai rencontré dans l’essence de la Révélation, en tant que scientifique la source de la pacification et de ma liberté d’expression. En tant qu’être humain j’en ressens les fondements de mes valeurs universelles. »

 

Plus « amusant » encore, cette recherche élémentaire nous amenait sur le CTSN, « Center for Theology and Natural Sciences », centre dont la vocation, ainsi que l’illustre sa bannière, est de réaliser un pont entre la théologie et les sciences naturelles, et qui s’est associé avec l’observatoire du Vatican pour publier une collection de livres. Nous arrêterons donc là cette recherche en nous contentant de mettre en avant quels sont les scientifiques français qui font partie des comités scientifiques de centre :

 

    

 

The mission of CTNS is to promote the creative mutual interaction

between theology and the natural sciences.

 

Science and the Spiritual Quest Investigators

Philip Clayton
Claremont School
of Theology and Claremont Graduate University
Principal Investigator, Science and the Spiritual Quest

W. Mark Richardson
General Theological Seminary
Co-Investigator, Science and the Spiritual Quest

Jim Schaal
Program Director, Science and the Spiritual Quest

 

SSQ Scientists (SSQI and SSQII Combined) [extrait des scientifiques français]

Physique et Cosmologie

Bernard d'Espagnat, Université de Paris XI
Bruno Guiderdoni, Institut d'Astrophysique de Paris
Thierry Magnin, Ecoles des Mines de Saint Etienne
Basarab Nicolescu, Université de Paris VI et Centre International de Recherches et Etudes Transdisciplinaires (CIRET)
 

Biologie

Anne Dambricourt Malassé, Muséum National d'Histoire Naturelle

Sciences humaines

Francisco Varela, Centre National de la Recherche Scientifique (Décédé)
 

Informatique et technologies de l’information

Pierre Perrier, Académie des Sciences
Jacques Vauthier, Université Pierre et Marie Curie
 

Autres intervenants

Munawar Anees, Université Interdisciplinaire de Paris
Hubert Reeves, Centre National de la Recherche Scientifique
René Samuel Sirat, Consistoire central israélite de France
Jean Staune, Université Interdisciplinaire de Paris
 

pour lire la liste intégrale : http://www.ctns.org/ssq/people.html

 

 

 

le créationnisme expliqué par des créationnistes

 

Bible Ouverte est un site évangélique suisse animé par des membres et pasteurs de lAction Biblique Suisse, fondée par l’évangéliste écossais Hugh Edward Alexander (1884 - 1957), formé à l’Institut Biblique de Glasgow puis venu s’établir à Cologny, près de Genève, en 1907. Ce site et cette église n’enseignent rien de bien extraordinaire dans l’univers protestant évangélique, mais ils présentent un avantage pratique pour des francophones … à savoir qu’ils expriment leurs idées de façon claire et détaillée … en français. Bien sûr, la compétence scientifique des contributeurs de ce site n’est pas à la hauteur de celles d’un paléontologue de la lignée du Père Teilhard de Chardin, mais c’est celle, usuelle, rencontrée chez la plupart des adeptes religieux de nos pays comme dans les conseils d’école de l’Amérique profonde.

 

La page d’accueil du site est http://www.bible-ouverte.ch/abs.htm alors que la déclaration de foi qui cimente l’ensemble des animateurs de l’Action Biblique est explicitée à la page http://www.bible-ouverte.ch/foi.htm

 

Nous avons repris de ce site des extraits d’articles, en sélectionnant, avec le souci de l’honnêteté intellectuelle, les parties et phrases qui illustraient notre perspective, en enlevant les références inutiles à notre propos. Pour chaque article, un lien est donné à côté du nom de l’auteur et permet d’accéder, sur le site suisse, aux versions originales et complètes de l’article.

 

Le premier article adopte une posture que nous pouvons qualifier d’ « archéo-créationniste » autrement dit « créationniste » au sens classique, puisque le membre de l’Action Biblique qui l’expose , Jean-Pierre Schneider, défend l’idée de la validité littérale des écrits bibliques : « a) Dieu a créé le monde (ciel, terre, toute vie biologique), quelque méthode qu'il ait pu employer. b) Le récit de Genèse 1 est entièrement vrai et non seulement symbolique. »

 

Le second texte dont nous proposons des extraits, défendu par un autre membre de cette église, Frank Horton, considère que « La doctrine biblique de la création ne doit pas être confondue avec une quelconque hypothèse scientifique des origines, car son but est éthique et religieux, tout en étant présentée comme une réalité historique » défend un point de vue qui fait explicitement référence à l’ « intelligent design » et au « principe anthropique » et que nous qualifierons par opposition de « néo-créationniste » . Dans chaque cas le lien permet d’accéder, sur le site suisse, aux versions originales et complètes de l’article.

 

un exposé « archéo-créationniste »

Evolution ou création ?

Examen à la lumière de la science et de la Bible

Jean-Pierre SCHNEIDER, http://www.bible-ouverte.ch/evolution.htm

 

Nous vous laissons le soin de découvrir les arguments de « réfutation » théorique à prétention scientifique (par exemple en s’appuyant sur les principes de la thermodynamique) et qui traduisent essentiellement une incompréhension des principes évoqués ; le paragraphe « scientifique » le plus étayé est celui relatif à la paléontologie, terre de prédilection, comme la cosmologie, de ceux qui veulent introduire la spiritualité dans la question des origines ; l’argument utilisé partout sur la planète, et évoqué lors de notre conférence au muséum est relatif aux fossiles :

 

« On a trouvé de grandes quantités de fossiles, mais pas une seule forme intermédiaire entre deux espèces. Mais «cela doit exister», puisque l'évolutionnisme est vrai. Seulement voilà : cela n'existe pas, donc l'évolutionnisme est faux. »

 

L’objet n’étant pas de ces publications n’étant pas réfuter mais d‘illustrer nous ne commenterons pas. Suivent un certain nombre d’arguments que Dawkins appelle d’ « incrédulité personnelle », autrement dit « je n’y crois pas, comment est-ce possible ? ». La fin de la partie « analyse-réfutation » conclut :

 

« Je ne m'arrêterai pas à la fiction du «big-bang» (= immense explosion) qui serait à l'origine de l'univers. Depuis quand une explosion a-t-elle jamais produit autre chose que destruction et désordre ? Et puis : explosion de quoi ? (…) La création de l'univers par un Dieu omnipotent en est la seule explication logique. Conclusion inéluctable : L'évolutionnisme est une idéologie, voire une religion, et non une science. »

 

Donc après la réfutation, vient l’affirmation positive :

 

(Extraits de la conclusion)

 

« Dieu a créé le monde. C'est une révélation. Elle ne peut être prouvée par la science mathématique, chimique, biologique, etc. Pourtant, la création est un fait évident, comme le dit Romains 1.18-23, qui évoque «les perfections invisibles de Dieu qui se voient fort bien depuis la création du monde» en révélant «sa puissance éternelle et sa divinité», de sorte que ceux qui ne veulent pas se rendre à cette évidence «retiennent injustement la vérité captive». Aussi sont-ils «inexcusables, puisque, ayant connu Dieu» (en considérant la création), ils ne l'ont pas honoré comme tel, «mais se sont égarés dans de vains raisonnements» (tels que l'évolutionnisme). Résultat : «Leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres». Qui saurait mieux dire ?

 

« Personne ne peut prouver ni l'évolutionnisme ni la création par Dieu. C'est une question de foi : on croit l'un ou l'autre. Hébreux 11.3 : «C'est par la foi que nous comprenons que le monde a été formé par la parole de Dieu» (comme le dit bien Genèse 1), «de sorte que ce qu'on voit ne provient pas de ce qui est visible». Toute autre explication taxe notre crédulité et se base sur un tissu d'improbabilités flagrantes.

 

« Le récit de Genèse 1, qui a pour but de révéler que Dieu a tout créé, n'est pas un simple symbole. Il relate l'histoire de la création; c'est le début de l'histoire de la terre et de l'humanité. Car comment croire qu'un enseignement biblique juste résulterait de données fausses ? Si les faits présentés par la Bible dans leur déroulement temporel sont faux (des mythes ou des légendes), alors l'enseignement qu'on en tire est faux. aussi ! Et de toute façon, pourquoi le Dieu-Créateur nous donnerait-il une fausse impression par le récit de la création ? Comment Moïse pouvait-il écrire le récit de la création dans l'ordre correct, si Dieu ne le lui avait pas révélé ? »

Ce que le chrétien peut et doit donc affirmer avec certitude, c'est que la Bible dit vrai :
a) Dieu a créé le monde (ciel, terre, toute vie biologique), quelque méthode qu'il ait pu employer.
b) Le récit de Genèse 1 est entièrement vrai et non seulement symbolique.
c) L'homme est une création spéciale de Dieu, même s'il a été créé de matériaux déjà existants (Genèse 2).

 

(Texte tiré de la revue Promesses No. 139, janvier-mars 2002)

 

un exposé « néo-créationniste »

A la redécouverte du Dieu Créateur

Frank HORTON http://www.bible-ouverte.ch/jean316/createur.htm

 

Le sujet est tellement vaste que nous serons obligés de limiter le cadre de nos réflexions à quelques problèmes soulevés par le Darwinisme, et de poser des jalons qui pourraient stimuler des recherches plus poussées de la part de nos lecteurs dans les domaines qui les intéressent.

 

Une question d'a priori

 

Dieu existe-t-il ? La science, limitée par définition et par compétence à l'examen des faits observables, et conduisant à l'élaboration d'hypothèses puis de théories, ne peut fournir des «preuves» de son existence, ni, d'ailleurs, la «disprouver» ! On a bien dit que «Dieu ne se prouve pas» (ce à quoi les chrétiens pourraient répondre : «C'est vrai, mais il s'éprouve»). Car la question appartient au domaine extra-scientifique, métaphysique, et doit être classée dans la catégorie des a priori (ou présuppositions), c'est-à-dire de ce qui est axiomatique, à des notions premières admises sans démonstration ou antérieures à toute expérience. Qu'on le reconnaisse ou non, tout raisonnement, tout débat, toute recherche, partent nécessairement d'un choix, peut-être inconscient, d'a priori.

 

Nous verrons ci-après que l'existence de Dieu – du Dieu Créateur – est le point de départ sine qua non de la foi chrétienne. Cependant, nous maintenons que l'idée de la «non-existence de Dieu» est aussi un acte de foi (ou de non-foi si l'on préfère) qui n'a rien de scientifique.

 

Tester nos a priori

 

Puisque les a priori ne peuvent être prouvés, comment savoir si nous avons fait le bon choix ? Dans la suite de [cet extrait] nous proposons de les soumettre [au test] : Qu'est-ce qui a motivé notre choix ?

 

1. Choix motivés

 

1.1. Parlant de l'attraction qu'exerce l'évolution sur l'homme naturel, Rick Lanser dit que «celui-ci cherche constamment un chemin de détour autour de ce Dieu qui gène avec ses exigences morales (...)»; et de conclure : «L'évolutionnisme darwinien n'est, enfin, qu'une philosophie fondée sur [des a priori] religieux qui essaie, sans grand succès, d'interpréter les données à partir de prémisses purement naturalistes. Il est populaire, non pas en tant que bonne science, mais parce que, selon les mots de l'ultra-évolutionniste Richard Dawkins, il fournit les moyens d'être un «athée intellectuellement comblé».

 

La science a longtemps été définie comme une investigation objective qui découvre et teste les faits. Cependant une autre définition, implicite dans l'establishment scientifique, englobe une philosophie matérialiste qui limite les tentatives d'explication de tout ce que nous observons à des causes naturelles, et s'oppose d'emblée à toute mise en question de l'évolution naturaliste. La présupposition en est que seules les forces naturelles rendent possible le développement de toute vie sur la terre, et que notre tâche se réduit à discerner les détails du mécanisme. (Tandis que la science véritable part du principe du libre examen, ne se limite pas arbitrairement à des théories naturalistes, mais reste ouverte à toute explication rationnelle et suit les indices où qu'ils conduisent.)

 

1.2. Qu'est-ce qui motive le choix du croyant en faveur de l'existence d'un Dieu Créateur, en l'absence de «preuves scientifiques» ? S'agit-il d'un élan irrationnel de ceux qui, selon Ludwig Feuerbach, projettent et objectifient la nature humaine pour en faire un être divin ?

Nous répondrons que cette foi intuitive, profondément ancrée dans le cœur de l'homme et quasi-universelle dans le temps et l'espace, fait appel à des témoignages éloquents, adéquats pour les uns mais jamais assez convaincants pour les autres... selon leurs a priori. Nous en développerons deux :

·                     Témoignage de la création (appelée «révélation générale» par les théologiens). (1.2,1.)

·                     Témoignage de l'Ecriture («révélation spéciale»). (1.2.2.)

 

1.2.1. Témoignage de la création

 

Nous utilisons délibérément le mot «création», dans son sens le plus large, plutôt qu'«univers» ou «nature». Depuis quelques années un grand débat se poursuit à l'intérieur des milieux scientifiques autour d'un concept présenté par l'auteur William Dembski, entre autres, dans son livre Intelligent Design. Un philosophe d'autrefois avait dit qu'une horloge ne pouvait exister sans horloger ! Cet argument est repris à la lumière de découvertes récentes, surtout dans le domaine de la biologie moléculaire. Celle-ci reconnaît que la cellule vivante est une véritable usine en miniature, infiniment plus complexe que ce que Darwin pouvait imaginer. Les systèmes innombrables, variés mais synchronisés de la cellule agissent ensemble en harmonie comme autant de moteurs, pompes, ressorts, communicateurs et transporteurs, de telle manière qu'ils doivent tous être complets et en place avant de fonctionner. De plus, ils ne peuvent pas évoluer et fonctionner à travers d'innombrables stages intermédiaires, étape après étape, comme l'exige le Darwinisme. Cette structure incroyablement complexe, conforme à un modèle préconçu, est la marque du dessin intelligent.

 

De même, l'apparition de la théorie de l'information jette une lumière sur le code génétique, l'«ADN» : celle-ci a la même structure qu'un langage. L'origine de la vie doit, donc, être expliquée en termes d'information biologique, information qui ne saurait être créée par des forces matérielles, aveugles ! Darwin lui-même, à son époque, a reconnu l'évidence en faveur du dessin, mais l'a écartée [a priori !] en espérant montrer que les êtres vivants avaient seulement l'apparence du dessin, tout en étant le résultat du hasard et de la sélection naturelle, (Nancy Pearson, art. cit. in Christianity Today; p. 46), son but était d'exclure Dieu comme explication du dessin évident des organismes.

 

Ce témoignage de la création comporte d'autres aspects que nous devons nous contenter de mentionner brièvement :

 

Le dessein (avec un «e») intelligent, ou la notion de finalité. En d'autres termes : pourquoi la création ? A quoi sert-elle? «Devant la vision de l'unité et de l'harmonie de la création qui s'impose à eux, de nombreux savants en viennent à remettre en honneur la notion de finalité longtemps abandonnée sous l'influence du rationalisme et du scientisme; la finalité leur apparaît non seulement comme une finalité interne immanente, une finalité de fait du domaine directe de la biologie, mais aussi comme une finalité externe à l'être vivant et à la création tout entière, une finalité transcendante qui, pour être essentiellement d'essence métaphysique, n'en correspond pas moins à une réalité. Or, la finalité, quels qu'en soient le niveau et la perspective, exclut l'idée de hasard et implique l'existence d'un Dieu qui a conçu et créé, et qui continue à diriger et à gouverner»

 

Le «principe anthropique» de la cosmologie nous dit que l'univers tout entier, avec les milliers d'éléments qui le composent, est très exactement ajusté dans tous ses détails pour rendre la vie possible et la soutenir.

 

1.2.2. Témoignage de l'Ecriture

 

Importance

 

Citons un extrait de l'ouvrage de J. M. Nicole : «Le schéma classique de la destinée humaine d'après la Bible se résume en trois mots : création, chute, rédemption. Avec raison, nous avons tendance à majorer le troisième, qui constitue le centre de l'Evangile. Mais nous avons tort de ne pas prêter attention autant que nous le devrions au premier.

 

«Si nous ouvrons l'Ecriture, dès le début nous sommes mis en présence, et cela majestueusement, du Dieu créateur. On aurait pu imaginer une autre entrée en matière. C'est celle-là que le Saint-Esprit a choisie pour notre édification. Tout au long de l'Ancien Testament, les prophètes et les psalmistes reviennent sur ce thème.

 

«Lorsque les apôtres évangélisaient les païens, ils ne se bornaient pas à parler du péché et du salut, ils prenaient soin aussi de poser à la base de leur enseignement le fait de la création (...). Dans les moments difficiles qu'ils traversaient, les premiers chrétiens trouvaient force et consolation à la pensée qu'ils s'adressaient au Créateur de l'univers, et c'est lui qu'exaltent les cantiques célestes de l'Apocalypse (...) ».

 

Bref survol biblique

 

La doctrine biblique de la création ne doit pas être confondue avec une quelconque hypothèse scientifique des origines, car son but est éthique et religieux, tout en étant présentée comme une réalité historique.

 

Loin d'être confinée aux premiers chapitres de la Genèse, cette doctrine est invoquée dans un nombre étonnant de textes, tant dans l'Ancien Testament que dans le Nouveau. En voici quelques exemples, à titre indicatif: Néh 9.6; Job 38.4ss; Ps 8; 19.1-7; 33.6-9; 90.2; 102.26-28; 104; Es 40.26,28; 42.5; 45.18; Jér 10.12-16; Amos 4.13; Mat 18.4; Jean 1.1ss; Act 17.24; Rom 1.20,25; 4.17; 2 Cor 4.6; Col 1.16-17; Héb 2; 11.3; 1 Pi 4.19; Apoc 4.11; 10.6; 14.6-7.

 

Héb 11.3 fournit un bon point de départ pour considérer la doctrine : «C'est par la foi que nous comprenons que le monde a été formé par la parole de Dieu, de sorte que ce qu'on voit ne provient pas de ce qui est visible.» Cela veut dire que, à l'instar de l'auteur de la Genèse – et de Jésus-Christ (Mat 18.4) ! – nous partons de l'a priori, non seulement que Dieu existe, mais qu'il a créé toutes choses ex nihilo. En d'autres termes, la doctrine biblique de la création est fondée sur la révélation divine, tout comme le mystère de la rédemption, et ne peut être saisie et acceptée que par la foi.

 

De plus, l'œuvre de la création est attribuée tour à tour aux trois personnes de la Trinité : au Père (Gen 1.1; Ps 33.6; Es 44.24), au Fils (Jean 1.3; Col 1.16), et au Saint-Esprit (Gen 1.2; Job 26.13), en tant qu'œuvre une et indivisible du Dieu trinitaire. Loin d'être un acte nécessaire ou inévitable, la création doit être comprise comme le fruit d'une initiative libre de Dieu, déterminée par sa volonté souveraine. Ainsi Dieu peut être à la fois le Seigneur transcendant, distinct de sa création, et immanent, Dieu de la providence dont dépend la création pour son existence continue. Le rôle de cette création est de manifester la gloire de la puissance éternelle, de la sagesse et de la bonté du Créateur, bref d'être, comme le dit Calvin, «le théâtre de sa gloire». 

 

 

 

les objectifs du mouvement de l’Intelligent Design

 

L’Association de Science Créationniste du Québec se donne pour objectifs de :

·                     Promouvoir l’enseignement de la création;

·                     Établir un lien entre la Bible chrétienne et les sciences, l’éducation et l’industrie;

·                     Promouvoir la recherche scientifique de type créationniste;

·                     Encourager chaque personne à établir un lien personnel avec le Créateur de l’univers.

 

http://www.creationnisme.ca/index.jsp

 

Centimètre par centimètre …

Par Mark Hartwig

(extraits de l’introduction et de la conclusion de « Qu'est-ce que la théorie de la création intelligente ? » )


Selon le mathématicien et philosophe William Dembski, de l’université Baylor, « Dès le quatrième ou cinquième siècle après Jésus-Christ, l’élite intellectuelle du bassin méditerranéen était composée de chrétiens ». Et le christianisme est demeuré une force intellectuelle vitale jusqu’à la fin du 19e siècle, lorsque les penseurs païens, aidés en partie par la théorie de l’évolution de Darwin, ont pris le dessus.

Depuis, les choses se sont corsées pour les chrétiens. Dembski affirme : « Depuis 100 ou 150 ans, plus longtemps peut-être, les chrétiens qui ont conservé une position chrétienne orthodoxe ont été vraiment malmenés. Et nous n’avons pas réussi à détrôner certaines idéologies qui vont à l’encontre de la foi chrétienne, des idéologies qui minent et renient cette foi.»

CENTIMÈTRE PAR CENTIMÈTRE

L’un des principaux objectifs des tenants de la création intelligente est de faire de cette théorie un sujet de discussion légitime dans les principaux cercles intellectuels et dans la culture en général. Johnson affirme : « Je crois que l’étape la plus importante est de faire ressortir les bonnes questions de façon objective. Une fois cela accompli, il sera impossible de continuer à nier que le darwinisme est basé sur une philosophie naturaliste plutôt que sur des expériences scientifiques, et qu’une évaluation objective des preuves scientifiques conduit à l’existence de causes intelligentes en biologie. »

Les nouvelles transmises par les médias du pays témoignent de l’ampleur des progrès accomplis par les tenants de la création intelligente. De nombreux journalistes tombent encore dans les stéréotypes de la science traditionnelle contre la religion fondamentaliste, mais d’autres pour qui ces arguments sont peu convaincants commencent à chercher plus loin.

Résultat : davantage d’articles mieux équilibrés, dont deux articles remarquables parus cette année en première page du Los Angeles Times et du New York Times. Selon Johnson, ces articles démontrent que la création intelligente a finalement « établi une tête de plage (une percée) » dans la culture populaire. La création intelligente gagne aussi du terrain auprès des intellectuels.

En avril 2000, un groupe d’éminents scientifiques et philosophes d’Europe et des Etats-Unis s’est réuni à l’université Baylor. Ce groupe comprenait deux prix Nobel et plusieurs membres du National Academy of Sciences. Ils étaient là pour participer, en compagnie de plusieurs théoriciens de la création intelligente, à une conférence sur la création intelligente.

Bien qu’aucun d’entre eux ne soit reparti en croyant à la création intelligente, il est clair que cette conférence a donné matière à réflexion à un bon nombre. Et presque tous les participants ont trouvé les échanges constructifs et valables. Même que lors d’un dîner pour les conférenciers, l’un des lauréats du prix Nobel a porté un toast à la conférence, soulignant que malgré les opinions fort divergentes des conférenciers, les discussions avaient été menées avec patience, humour et même avec « création intelligente ».

Comme l’a fait ressortir l’un des théoriciens de la création intelligente, la conférence a clairement démontré que la création intelligente gagnait du terrain en tant que concept scientifique sérieux, un concept qui mérite même l’attention des plus grands esprits de notre monde. Un courriel qu’il a envoyé à plusieurs collègues résumait bien les sentiments de nombreux participants : « Nous entrons dans une nouvelle ère, chers amis. Tenez-vous prêts. »

VIVE LA RÉVOLUTION

Évidemment, la création intelligente a encore beaucoup de chemin à faire avant d’être généralement reconnue, et il se peut même qu’elle ne le soit pas. Mais si elle l’est, les tenants de la création intelligente disent que les conséquences pourraient être révolutionnaires. Le philosophe des sciences Paul Nelson, agrégé supérieur de recherches au Discovery Institute de Seattle et une personnalité marquante du mouvement de création intelligente, affirme : « À une certaine époque, la rationalité... du théisme était tenue pour acquis. Le monde était ainsi. Puis, pour diverses raisons, les choses ont changé. »

Les choses ont évolué au point que même ceux qui voulaient confirmer la valeur historique des écritures ont eu tendance à voir leur foi comme subjective et ont accepté la dichotomie culturelle entre « foi » et « connaissance ». Nelson ajoute : « La création intelligente remet en question cette dichotomie. Elle soutient que nous pouvons savoir objectivement, scientifiquement, qu’il existe une intelligence à l’origine de la vie. »

Johnson acquiesce : « La société laïque, et surtout les établissements scolaires, a considéré tout au long du 20e siècle que la religion chrétienne était simplement le vestige d’époques superstitieuses. Par contre, avec le succès que connaît la création intelligente, nous comprendrons que, en dépit des détails, les chrétiens ont eu toujours eu raison, du moins en ce qui concerne les principaux éléments de l’histoire, comme la création divine. Et je crois que ce fait changera la façon dont la société voit la connaissance et les éléments qui méritent d’être connus. » Selon Johnson, il ne sera plus plausible d’argumenter que les « idées chrétiennes n’ont pas leur place dans l’éducation publique, dans les assemblées législatives et dans les débats publics en général ».

Cette possibilité redonne déjà de la vigueur à de nombreux chrétiens. Johnson affirme : « Le 20e siècle a été l’époque du matérialisme scientifique. Avec l’avènement du 21e siècle, le matérialisme scientifique craque sous la pression. Ses opinions scientifiques ne tiennent plus la route et il est prouvé qu’elles sont néfastes pour la société. Je trouve excitant de constater que nous avions peut-être une meilleure compréhension de la vérité lorsque nous étions un pays chrétien que durant les décennies où les vérités chrétiennes ont été rejetées. »

Évidemment, nous avons encore beaucoup de pain sur la planche. Mais un vent de changement a commencé à souffler. Et si vous êtes l’un de ces chrétiens « superstitieux », vous vivez dans une magnifique époque.

le texte intégral : http://www.creationnisme.ca/publication/articles/crea_intel.jsp?section=publication&p=1

 

 

 … décryptage …

 

 

L' Université Interdisciplinaire de Paris.

une mise au point commune de l’Association Française pour l’Information Scientifique

La Libre Pensée, L’Union Rationaliste, et l’International Humanist and Ethical Union

 

La Libre Pensée, 10-12 rue des fossés Saint-Jacques, 75005 Paris

L’Association Française pour l’Information Scientifique 14 rue de l’École Polytechnique, 75005 Paris

L’Union Rationaliste 14 rue de l’École Polytechnique, 75005 Paris

L’ International Humanist and Ethical Union (IHEU) 1 Gower Street, London WC1E 6HD, United Kingdom

 

Vous informent de la véritable nature de L’UNIVERSITE INTERDISCIPLINAIRE DE PARIS, qui n’a d’université que le nom, et sur ses véritables prétentions. Cette démarche concertée tient à ce que nos quatre associations réaffirment leur défense de la raison et des méthodes rationnelles et de libre examen, contre l’UIP qui, elle, diffuse une fausse symétrie entre science et religion et veut stimuler le progrès des religions dans les sciences. De l’avis des organisations signataires de ce document, il s’agit là d’une véritable imposture dont il faut que vous preniez la mesure.

 

QUI SONT ILS ?

 

L’inspirateur, secrétaire et principal acteur, Jean Staune, personnage éclectique, éditeur chez Fayard, anime depuis 1995 l’Université Interdisciplinaire de Paris, aux côtés de scientifiques assidus dont la valeur est très hétérogène, et qui servent d’alibis pour l’opération de récupération religieuse, tels Bernard d’Espagnat, Christian de Duve, Jean-Pierre Luminet, Ilya Prigogine, Anne Dambricourt-Malassé, Trinh Xuan Thuan, Jean-Marie Pelt, Jean François Lambert, Rémy Chauvin. L’organisation est financée par la fondation Templeton « pour le progrès de la religion », et soutenue par le Haut Conseil Pontifical de la Culture, c’est-à-dire par le Vatican. Ni les diplômes que l’UIP délivre, ni son statut d’université ne sont reconnus en France par l’Etat. Leur journal : « Convergences » paraît à peu près deux fois par an.

L’UIP est une reprise en mains de l’ « Université Européenne de Paris », elle-même anciennement « Université Populaire de Paris » qui organisait il y a plus de vingt ans des conférences publiques favorables au paranormal, à la parapsychologie, à l’astrologie, à l’ésotérisme, etc. L’UIP a reçu des financements notamment d’Air France, Assystem, Auchan, France Telecom, Nature et Découvertes, Boutet, Salustro Reydel (Audit et Conseil) et a bénéficié de certains appuis dans les media. Plusieurs scientifiques, parfois éminents, signent des articles dans le journal d’ésotérisme Nouvelles clés de Patrice Van Eersel et Marc de Smedt, des spécialistes d’ésotérisme anciens collaborateurs de la revue Planète de Jacques Bergier et Louis Pauwels, dont de nombreux scientifiques avaient jadis dénoncé les méfaits (« Le Crépuscule des Magiciens, NER, Paris).

 

QUE VEUT L’UIP ?

 

L’UIP prétend promouvoir un nouvel humanisme dans les sciences et dans la gestion des entreprises ;

En fait, leurs véritables objectifs sont :

1. Utiliser l’activité de conseil en management « humaniste » pour infiltrer les entreprises publiques ou privées, de manière à obtenir de celles-ci caution et soutiens financiers pour leurs colloques ;
2. Organiser des colloques destinés à créer une nouvelle alliance entre science et religion, le « nouveau paradigme du XXIème siècle » (la fondation Templeton « pour le progrès de la Religion » ne s’y est pas trompée), et dont on peut montrer qu’il sape les bases de l’activité scientifique ;
3. Lutter contre le matérialisme dans toutes les sciences, contre ce qu’ils nomment « le carcan réductionniste, mécaniste et déterministe », lutter contre le darwinisme ;
4. Développer une nouvelle discipline « Science et Religion » (Convergences, numéro Spécial « Science et Religion », Printemps 2000, p.4).

 

QUE FAIT L’UIP ?

 

L’UIP organise plusieurs congrès et séminaires par an, parfois à l’UNESCO et avec son soutien. Ils invitent des Prix Nobel souvent américains qui, quelle que soit leur discipline scientifique d’origine, « révéleraient» de nouveaux rapports entre science et religion (l’UIP est le principal partenaire du Center for theology and natural sciences à Berkeley, Californie). Les scientifiques français sont invités, mis en confiance par l’apparence académique de l’organisation et les titres ce certains contributeurs. Pris au piège sur la photo de famille, ils serviront au crédit du colloque suivant. Dernièrement, ils organisent de plus en plus leurs colloques à l’étranger.

Ils délivrent des diplômes depuis 1998, comme le font les institutions privées créationnistes aux État Unis, ou les écoles (privées) d’astrologie de par le monde.

 

QUELQUES CITATIONS

 

« Nous chercherions à faire croire que la science mène à Dieu. C’est faux ! Nous prétendons qu’elle n’interdit pas de le chercher ». (l’UIP dans Convergences n°5, p.28)

« Il y a donc un trou, quelque chose qui, dans le réel, échappe à l’Homme. (…) Mais attention, il ne faut pas mettre Dieu dans ce trou car Dieu ne serait alors qu’un Dieu bouche-trou ! Néanmoins, au bord de ce trou, des démarches différentes peuvent se joindre et dialoguer. Ainsi, la notion centrale du christianisme selon laquelle le Christ est « vrai homme et vrai Dieu, a toujours paru paradoxale » (l’UIP dans Convergences n°5, p.4).

« The Templeton Award is not for good works. It is an award for progress in religion». (The Templeton Prize).

“Grâce au soutien de la Fondation Templeton (L’UIP fut la première organisation dans le monde francophone à remporter l’une des 100 bourses de 10000 dollars attribuées chaque année à des universités pour soutenir la réalisation d’un cours sur le thème « science et religion ») (…) la première « promotion UIP » a reçu son diplôme en juin 1998 ». (l’UIP dans Convergences n°7, p. 8).

 

POUR EN SAVOIR PLUS

 

Vous pouvez choisir de soutenir l’UIP, mais il faut que ce soit en connaissance de cause. Les scientifiques et les citoyens que nous sommes considérons que l’activité de l’UIP repose sur des bases erronées aux conséquences profondément anti-scientifiques. Pour plus de renseignements, il est possible de consulter le site Internet de l’UIP : http://www.uip.edu./fr/ Pour une analyse indépendante des contenus et de la position de l’UIP par rapport à la Science, on pourra lire l’ouvrage collectif suivant coordonné par Jean Dubessy et Guillaume Lecointre : « Intrusions spiritualistes et impostures intellectuelles en sciences », aux éditions Syllepse, 2001.

 

http://perso.wanadoo.fr/union.rationaliste44/Cadres%20Dossiers%20en%20Ligne/Dossiers_en_ligne/Sciences%20Pseudo-Sciences/intrusions%20spiritualistes%20uip.htm

 

 

L’Université Interdisciplinaire de Paris

Science et pseudo-sciences N°244 - par Guillaume Lecointre

 

La communauté scientifique nationale montre bien peu de vigilance face aux offensives spiritualistes d’allure respectable. Pour un réarmement intellectuel, les chercheurs scientifiques devraient retourner aux racines épistémologiques de leur métier.

 

Beaucoup de sectes rejettent la démarche rationnelle de la découverte du monde pour revendiquer des solutions spirituelles à tous nos problèmes scientifiques, sociaux, économiques et politiques. Un mariage science-religion serait garant de l’accroissement d’humanisme et de morale dont aurait besoin une gestion froidement rationnelle de nos sociétés. Comme si la religion avait le monopole de l’humanisme et de la morale ! Comme si notre économie libérale était rationnelle ! Cette erreur très courante résulte simplement de la confusion bien entretenue entre, d’une part, la science comprise comme démarche rationnelle et matérialiste de l’explication du monde, et, d’autre part, la science vue à travers ses applications directes (la technoscience), donc une science distordue par de multiples pressions politiques et économiques. Un véritable engagement politique digne des Lumières consisterait à s’emparer de la raison pour se battre sur le terrain politique et économique afin de trouver des solutions à nos problèmes, y compris pour injecter davantage d’humanisme et de morale dans nos rapports sociaux, économiques, et dans la vie publique. L’autre engagement, qui semble en vogue depuis qu’on parle de dépolitisation des masses, est d’attribuer la responsabilité de toutes les misères du monde à la démarche rationnelle de la découverte de ce monde. Pour sauver le monde, il faudrait que les scientifiques (et les décideurs qui les consultent) laissent un peu leur froide rationalité de côté pour s’ouvrir aux sagesses de la spiritualité, à l’inconnu, voire pour laisser parler leur foi. Un doigt de spiritualité dans la démarche scientifique résoudrait nos problèmes scientifiques et socio-économiques. C’est le degré zéro de l’épistémologie.

 

"Réconcilier" science et religion"

 

Sans que notre communauté scientifique ne s’en émeuve, une organisation grassement financée par des fonds privés, l’Université Interdisciplinaire de Paris (UIP), se fait championne de ce discours avec l’appui de scientifiques renommés et prix Nobel (la renommée ne garantit pas la vigilance épistémologique). Sous l’impulsion de Jean-François Lambert et de Jean Staune, l’UIP a organisé depuis 1995 une dizaine de colloques, dont le dernier s’est tenu en Mars 2000 sur le thème "les limites de la sélection naturelle". Cette organisation milite en fait pour un "nouveau paradigme", celui d’une réintroduction de la spiritualité dans le champ de la découverte scientifique. L’UIP est donc fondamentalement anti-matérialiste (normal, pour une organisation ayant reçu une bourse de 10 000 dollars de la fondation Templeton "pour le progrès de la Religion"), et donc anti-darwinienne. Mais pas créationniste : elle se veut évolutionniste, mais d’un évolutionnisme compatible avec la foi religieuse, où l’homme reviendrait au centre d’un Univers ayant évolué vers lui, et dont il est le dessein, ce qui permettrait "d’approcher rationnellement la croyance". Pour que la "quête de sens" aboutisse, il faudrait réintroduire la spiritualité comme objet d’étude et comme outil permettant l’explication évolutionniste du monde. Dans ces conditions, l’ennemi à abattre, c’est Darwin et son matérialisme scientifique.

 

La fin de la mauvaise science

Mae Wan Ho, conférencière vedette cette année [ 2000 ] à l’UIP :

"Le paradigme mécaniste a dominé les sciences durant des siècles. Il a projeté une vision darwinienne à travers laquelle des entités égoïstes et isolées se bousculent et se concurrencent les unes les autres pour un combat pour la survie du plus fort. En donnant de mauvaises indications à des responsables politiques, il a créé et renforcé un régime social dysfonctionnel qui détruit notre planète et échoue à servir les besoins physiques et spirituels de la plus grande partie de l’humanité. Le débat autour du génie génétique a mis en lumière les dangers d’un courant scientifique dégénéré et discrédité qui est devenu l’instrument d’un système corporatiste. Une révolution organique est sur le point de mettre un terme à la mauvaise science et aux intérêts économiques qu’elle génère, et de restaurer les modes de vie holistiques qui peuvent régénérer notre planète et revitaliser l’esprit humain".

 

L’UIP entretient donc un amalgame classique qui consiste à attribuer à Darwin les élucubrations sociologiques de l’évolutionnisme philosophique d’Herbert Spencer (voir le livre de Patrick Tort, 1996*), et donc de dénoncer le "darwinisme social" (qui n’est pas un darwinisme ! Voir Patrick Tort, 1999) pour recruter des adhérents sur une base humaniste. Qui irait contre plus d’humanisme ? Le plus drôle, c’est que les dysfonctionnements sociaux engendrés par le libéralisme économique sont attribués par l’UIP au darwinisme qui, selon elle, imprégnerait nos sociétés (voir l’encadré "La fin de la mauvaise science"), alors que, bien au contraire, Darwin avait pensé l’émergence, par voie de sélection naturelle, des mécanismes anti-sélectifs d’entraide au sein même des sociétés humaines, et par là posé les origines matérialistes de la morale (Darwin, La filiation de l’Homme et la sélection liée au sexe, 1871, traduction française 1999, ainsi que les livres de Patrick Tort). La "survie du plus apte" bêtement transposée au sein de nos économies et dans la société, ce n’est pas l’œuvre de Darwin, comme essaie de le faire croire l’UIP, mais l’œuvre de Spencer. Et c’est le libéralisme économique dans lequel évolue Staune dans ses activités de consulting et de conseil auprès des "managers" qui cause les dégâts sociaux dénoncés par l’UIP.

 

Un autre amalgame entretenu est de faire passer le matérialisme méthodologique qui est depuis la Renaissance la condition méthodologique de la science pour le matérialisme dialectique qui accompagne le marxisme. La ficelle est un peu grosse et surtout archi usée, mais elle permet au juriste américain Philipp Johnson de faire passer le darwinisme contemporain comme le pur produit d’une idéologie.

 

Parler biologie aux physiciens et physique quantique aux biologistes

 

On peut se demander si ces amalgames sont calculés ou s’ils résultent d’une ignorance pure et simple des questions historiques, scientifiques et épistémologiques traitées.

 

Il suffit à n’importe quel évolutionniste professionnel de lire le dossier de Jean Staune et Yves Christen sur l’évolution (Figaro Magazine du 26 Octobre 1991, voir l’encadré "Le Coelacanthe contre Darwin"), ou le livre de Michael Denton (L’Evolution, une théorie en crise, Flammarion), celui de Rosine Chandebois (qui veut "en finir" avec le darwinisme !), ou encore les publications d’Anne Dambricourt-Malassé (voir plus loin) ou de Philipp Johnson, pour s’apercevoir que la majorité des auteurs sont dans le second cas. Par contre, la biologie de Christen et Staune atteint de tels sommets qu’on se demande si le contenu ne serait pas calculé, comme semblent l’être les amalgames de Johnson entre matérialisme scientifique et idéologie.

 

Le Coelacanthe contre Darwin ?

 

Prenons l’exemple risible du Coelacanthe qui réfuterait Darwin parce qu’il aurait cessé d’évoluer. Dans le dossier de Jean Staune du Figaro-Magazine intitulé "L’évolution condamne Darwin" du 26 Octobre 1991, au dessus d’une photo de coelacanthe, on lit : "Le coelacanthe : en 1938, la première mauvaise nouvelle pour les darwiniens. C’était l’ancêtre de tous les vertébrés. On le croyait disparu depuis des millions d’années. On l’a retrouvé voici cinquante ans, bien vivant, au large des Comores. Il n’avait donc pas évolué depuis ses très lointains ancêtres : contrairement à ce qu’aurait voulu la théorie".

 

Plusieurs stupidités se superposent ici :

 

1. Le coelacanthe n’est pas l’ancêtre de quelque chose puisque c’est une espèce actuelle. Il ne peut être que groupe-frère de quelque chose. Les évolutionnistes ont cessé depuis longtemps d’utiliser le mot "ancêtre" à propos d’un animal identifié, ils utilisent le mot "groupe-frère de..." pour situer un animal dans l’arbre des êtres vivants. Le terme d’ "ancêtre" est réservé à un animal abstrait.

 

2. Le coelacanthe n’est pas l’ancêtre des vertébrés, mais le groupe-frère d’un groupe comprenant les animaux à quatre pattes (les tétrapodes) et les poissons pulmonés appelés dipneustes. Les vertébrés sont apparus bien avant la lignée du coelacanthe.

 

3. La morphologie du coelacanthe actuel est presque identique à celle de fossiles du Crétacé. Si les cinq pour cent des gènes du génome qui contrôlent la morphologie restent stables sur de grandes périodes de temps, le reste peut très bien continuer à évoluer car le génome comprend une multitude de gènes aux fonctions très diverses dont les vitesses d’évolution sont très inégales. Le coelacanthe n’a donc pas cessé d’évoluer. Et même si l’on ne s’intéresse qu’à la stabilité morphologique, le néodarwinisme a incorporé les stases, périodes de relative stabilité évolutive.

 

4. La "théorie" n’a jamais "voulu" qu’un animal évolue à tout prix, ou même cesse d’évoluer. La théorie n’impose rien là dessus. Une partie des gènes peut rester stable un certain temps, tandis qu’une autre partie peut accélérer sa vitesse d’évolution. Ceci est connu sous le nom d’hétérobathmie des caractères.

 

Une foule de naïvetés et de données mal digérées, de critiques vaines ont été également véhiculées dans le livre de Michael Denton (L’évolution, une théorie en crise, Flammarion) que nous n’avons pas la place de reprendre ici. Pour une mise au point de ce que comprend Denton en évolution biologique, on se reportera à la section III du livre intitulé Pour Darwin (Sous la direction de Patrick Tort, PUF, 1997).

 

Mais il en va de même sur le terrain de la physique quantique, l’autre terrain de chasse des anti-matérialistes. Staune parle de physique quantique aux biologistes et de biologie aux physiciens. Mais les physiciens conscients ne s’y trompent pas. Voici ce que nous écrit Jean Staune dans Convergences, feuille de chou de l’UIP :

"Il y a un niveau de réalité qui échappe au temps, à l’espace, à l’énergie et à la matière, mais qui pourtant peut avoir dans certaines expériences une influence causale sur notre niveau de réalité. Cela ne constitue pas une preuve de la validité d’une vision "spiritualiste" du monde mais cela lui donne une crédibilité nouvelle tout en rendant le matérialisme plus difficile à penser. Le matérialisme est encore possible, mais il doit se transformer en matérialisme de Science-fiction, capable d’intégrer la déchosification de la matière".

 

La physique quantique est donc lourdement mise à contribution pour servir le nouveau paradigme. C’est la stratégie des églises et des sectes : utiliser les frontières actuelles de la science, les difficultés temporaires et locales du front d’émergence des connaissances où tests et réfutations s’opèrent, pour proclamer la mort du matérialisme, du déterminisme et la naissance d’une nouvelle "science" spirituelle où une autre dimension jusque là imperceptible aux scientifiques (Dieu ?) aurait sa place. Le prêtre catholique Thierry Magnin nous explique d’ailleurs dans Convergences n°5 (p. 4) qu’il y a des trous dans nos connaissances et qu’au bord, il y a le Christ. Pour finir, Michael Denton dans une interview qu’il donne à Nouvelles Clés, journal d’ésotérisme, à l’occasion de la traduction de son livre chez Fayard, L’évolution a-t-elle un sens ? regrette le moyen-âge, époque harmonieuse où l’homme était au centre de toute la cosmologie et la science soumise au pouvoir théologique. Et dans son dernier livre, il défend franchement la pensée téléologiste selon laquelle le but ultime de toute l’évolution cosmique et biologique, l’homme, était inscrit dès le départ. Cette évolution réaliserait un dessein.

 

L’Université Interdisciplinaire de Paris

 

L’UIP laisse de plus en plus entrevoir son paradigme. Des séries de conférences constituent des "modules" dont les titres pour l’année 2000 sont édifiants : "Science et religion, une discipline émergente ?", où, entre autres, un moine thibétain cause du "Big Bang à l’éveil : science et bouddhisme". Une table ronde s’intitule "Physique quantique et valeurs humaines". Le module "science et société", au titre passe-partout, fait intervenir scientifiques, philosophes et théologiens pour servir le nouveau paradigme. En 1999, les intitulés étaient d’un ton plus pastel. Un programme de conférences s’intitulait "Science, conscience et sens" (on ratisse large), où intervenaient sept membres de l’Académie des sciences dans les locaux de l’Eglise Réformée de France et ceux de la Sorbonne. Sous le haut patronage de Jacques Chirac et sous la présidence de Federico Mayor, Directeur général de l’UNESCO, le congrès de 1999 s’intitulait "Un siècle de Prix Nobel : science et humanisme". Un titre passe-partout bien banal, pour qui n’a pas connaissance du passé et des écrits des membres de l’UIP.

 

En fait, l’UIP est une reprise en mains de l’Université Européenne de Paris, elle-même anciennement Université Populaire de Paris qui organisait il y a plus de vingt ans en des lieux luxueux des conférences publiques sur le paranormal, la parapsychologie, l’astrologie, l’ésotérisme, etc. (Lecointre, 1997). L’UIP est actuellement financée - entre autres - par Assystem, Auchan, Nature et Découverte, France Télécom, Salustro Reydel (Audit et Conseil) et a bénéficié de certains appuis dans les media. Libération, sous l’action de la journaliste Dominique Leglu, a longtemps fait de la publicité pour les colloques de l’UIP jusqu’au printemps 1999 où le journal mit un terme à son partenariat. La Recherche, sous l’impulsion d’Olivier Postel-Vinay, directeur de la rédaction, a publié depuis 1995 un nombre impressionnant d’articles portant sur les chercheurs membres permanents de l’UIP ou sur leurs recherches (Bernard d’Espagnat, Christian de Duve, Marcel-Paul Schutzenberger, Ilya Prigogine, Anne Dambricourt-Malassé, Trinh Xuan Thuan, Jean-Marie Pelt...). Plusieurs de ces personnes signent des articles dans le journal d’ésotérisme Nouvelles clés de Patrice Van Eersel et Marc de Smedt, des spécialistes d’ésotérisme anciens compagnons de route du Planète de Louis Pauwels (voir encadré). La Recherche, en offrant ses pages au relativisme cognitif et aux membres de l’UIP, est maintenant très loin du rôle qu’il tenait jadis auprès des professeurs de la République. Pour finir, Staune répand la bonne parole dans les entreprises en donnant des conférences ou des articles intitulés "Les fondements scientifiques du changement dans l’entreprise. A la recherche d’un lien inattendu entre l’astrophysique et l’entreprise", "Manager dans la complexité", "Sens et management : comprendre la quête de sens des consommateurs et des salariés pour mieux y répondre". A l’aide de l’astrophysique, Staune arrivera-t-il à donner au capitalisme un visage humain ?

 

L’UIP enrôle en douceur. Staune va chercher aux USA des professeurs d’universités et des Nobels ayant des choses à révéler sur Dieu (l’UIP est le principal partenaire du Center for theology and natural sciences à Berkeley, Californie). On imagine mal à quel point ils sont nombreux, dans un pays où le fondamentalisme protestant est un des plus puissants au monde et où son militantisme est actif jusqu’au coeur des universités. Staune prend pour un signe des temps les errements de l’association américaine pour l’avancement des sciences (celle qui édite le journal Science) qui organise des colloques sur les "questions cosmiques" et fait ses unes sur le "réchauffement science-religion". S’est-il seulement demandé s’il fallait importer en France les conséquences sociales d’une Amérique non laïcisée ? Fort de l’argument d’autorité du grand-frère américain, et accompagné d’une brochette de Nobels, Staune ira inviter les scientifiques vedettes de notre hexagone, pour causer humanisme. On vous flatte, et vous vous trouvez pris au piège sur la "photo de famille". Votre nom servira au crédit que d’autres porteront au prochain colloque. En 1992, André Adoutte et Pierre-Henri Gouyon, tous deux alors Professeurs à l’Université de Paris XI, se sont fait piéger en allant contre-argumenter les propositions de l’UIP au Sénat. Ils ne sont pas particulièrement enchantés de voir figurer leur nom sur la cassette vidéo. La formule semble bien fonctionner. Le colloque du mois d’avril 1999 était honoré de la présence de nouvelles personnalités comme le Directeur du Muséum National d’Histoire Naturelle de l’époque, Henry de Lumley, et la série de conférences "Science, conscience et sens" de Jean-Didier Vincent, Antoine Danchin et Jean-Marc Lévy-Leblond.

 

Parmi ceux-ci, les deux derniers ont témoigné de leur surprise lorsqu’un article (Lecointre, 1999a) relata leur participation, et dirent s’être fait piéger. L’UIP piège donc, mais certainement pas tout le monde. Les nouveaux-venus ou les occasionnels côtoient ainsi les scientifiques permanents de l’organisation, Bernard d’Espagnat, Christian de Duve, Jean-Pierre Luminet, Ilya Prigogine, Anne Dambricourt-Malassé, Trinh Xuan Thuan, Jean-Marie Pelt... Les nouveaux scientifiques (ou assimilés comme tels) français du cru 2000 sont Jacques Vauthier, Bruno Guiderdoni, Dominique Laplane, Philippe Pignarre, Basarab Nicolescu, Antoine Andremont, Tobie Nathan, Philippe Queau. Dans le milieu de la philosophie et des sciences humaines, l’UIP va ratisser dans le camp opposé à celui de Alan Sokal et Jean Bricmont. En philosophie, elle importe ce qu’il y a de plus médiatique, Luc Ferry et André Comte-Sponville (pour plus de détails, voir le livre récent de Jean-François Raguet : De la pourriture, Ed. L’insomniaque). Bruno Latour viendra porter la lumière relativiste sur tout ça. Dans une société où s’épanouissent les sectarismes religieux, un relativisme absurde en philosophie et en sciences sociales et les rayons d’ésotérisme à la FNAC (laquelle vend aussi l’abondante avalanche de livres des membres de l’UIP), fallait-il que la science soit contaminée ? Les repères épistémologiques s’étiolent y compris chez les scientifiques. L’Académie des sciences a perdu toute vigilance (Lécuyer, 2000). Elle publie les travaux de A. Dambricourt, dont "l’attracteur harmonique" n’est formalisé dans aucune de ses publications (voir encadré page 10), et de J. Chaline dont le programme de recherche complètement téléologiste (Lecointre, 1999b) est soutenu par les académiciens Dorst et Dercourt (Dorst qui participait en 1991 au dossier de Staune). Le secrétaire perpétuel de l’Académie, François Gros, présida même à l’automne 1997 une rencontre à Houlgate réunissant tout le gratin de l’UIP !

 

Lorsque la pertinence des propos se mesurent à la cote médiatique, où le vrai et le faux est affaire d’opinion personnelle et où réfuter une thèse est une atteinte à la liberté de penser, il est normal que l’intrusion spiritualiste rencontre peu d’obstacles. La conscience et le courage des scientifiques sont souvent limités par les nécessités de carrière (publications et visibilité). La conscience et le courage éditoriaux des journaux se déterminent bien plus en fonction de ce qu’écrivent les collatéraux et en fonction de la rentabilité et de l’image qu’ils se font de leurs lecteurs qu’en fonction de réelles convictions. Il est donc peu surprenant que Staune ait pignon sur rue, tant il est passé maître dans l’art de communiquer et sait, par la contamination qu’il produit, se donner des allures respectabilité.

 

 http://www.pseudo-sciences.org/article.php3?id_article=61

 

 

 

  

 

 dix questions suggérées par les créationnistes

pour que les élèves mettent en difficulté

leurs enseignants de sciences naturelles

 

Comme nous l’a appris Guillaume LECOINTRE lors de la conférence réalisée au Muséum, une des stratégies du mouvement de l’Intelligent Design consiste à exploiter les imperfections difficiles à éviter des manuels scolaires. Ainsi, dans un livre devenu célèbre (voir sur le site du Discovery Institute) J. Wells utilise des petites histoires, appelées les « icônes de l’évolution », et incite les élèves à poser dix questions (embarassantes) à leur professeur de sciences naturelles.

 

Voici, puisées dans le dossier « évolution » mis en ligne par le CNRS et le Muséum National d’Histoire Naturelle, les dix questions suggérées par Wells et les réponses qu’y apporte Guillaume Lecointre.

 


Les origines de la vie

 

Pourquoi les manuels affirment-ils que l’expérience de 1953 d’Urey-Miller montre comment les constituants de la vie avaient pu apparaître sur Terre, lorsque les conditions de la Terre primitive sont connues aujourd’hui pour avoir été différentes de celles de l’expérience, et que l’origine de la vie reste un mystère ?


C’est un problème de mise à jour des manuels. Les origines des constituants chimiques du vivant ne sont pas plus un mystère aujourd’hui qu’hier. D’autres modèles d’évolution pré-biotique sont aujourd’hui disponibles. Marie-Christine Maurel («Les origines de la vie», Syros, 1994) parle même de « profusion expérimentale » de ces dernières années (voir aussi «L’évolution chimique et les origines de la vie» d’André Brack et François Raulin, Masson, 1991).

L’arbre de la vie de Darwin (sic !)

 

Pourquoi les manuels ne discutent-ils pas de l’explosion cambrienne, dans laquelle tous les groupes majeurs animaux apparaissent ensemble dans le registre fossile, pleinement formés, au lieu de se brancher sur un ancêtre commun, et donc contredisant l’arbre de la vie ?


Il s’agit typiquement d’une fausse objection. Il y a incompréhension totale du sens des arbres phylogénétiques. Ce n’est pas parce que les groupes apparaissent subitement, simultanément et «pleinement formés» que cela récuse la notion d’ancêtre commun. Ce foisonnement soudain se traduit dans les arbres phylogénétiques par un cas de résolution difficile où toutes les branches se réunissent en un même point. De tels points de multifurcation ne nient pas l’ancêtre commun, mais signifient juste que pour l’instant on ne sait pas «qui est plus proche de qui». La phylogénétique moderne offre une image du déroulement de l’arbre de la vie où certaines zones de l’arbre offrent des apparentements bien résolus, suivis de zones irrésolues, puis suivies à nouveau de zones résolues. Il n’y a pas de raison particulière de se focaliser sur l’explosion cambrienne, une époque de diversification majeure des lignées animales. Il y avait de la vie avant, avec des relations de parenté résolues en amont de cette «explosion», et d’autres résolues en aval. Il n’y a donc pas de contradiction.

L’homologie

 

Pourquoi les manuels définissent-ils l’homologie comme une similarité due à une ascendance commune, puis déclarent que les homologies sont les preuves de l’ascendance commune, un argument circulaire déguisé comme une preuve scientifique ?


Chez Wells il y a incompréhension totale (ou travestissement) de la façon dont les scientifiques utilisent la notion d’homologie (voir plus haut, voir aussi «L’arbre à remonter le temps» de Pascal Tassy, Christian Bourgois, 1991 ; «Classification phylogénétique du Vivant», de Guillaume Lecointre et Hervé Le Guyader, Belin, 2001 ; «Graines de Sciences» n°4, dernier chapitre de G. Lecointre, Le Pommier, 2002). Une hypothèse d’homologie est un pari. Initialement, à partir de structures qui se ressemblent, on fait le pari qu’elles sont héritées d’un ancêtre commun (homologie primaire), mais on peut perdre ce pari. On fait ce pari sur des dizaines, voire des centaines de caractères. L’exercice décisif, c’est la construction de l’arbre qui va maximiser la cohérence entre ces multiples caractères. L’arbre le plus cohérent va montrer que pour certains caractères, on a gagné le pari ; tandis que pour d’autres, on l’a perdu. Dans le premier cas, l’homologie sera dite confirmée (homologie secondaire). Ces homologies deviennent alors des arguments en faveur de l’apparentement exclusif des espèces qui les portent. Par exemple, dans tel arbre qui comporte un échantillon de quatre oiseaux, le bréchet est acquis une seule fois sur la branche réunissant le canard, le poulet, le colibri et l’autruche : il est un argument en faveur de leur apparentement exclusif. Dans le second cas, l’homologie est dite infirmée, on parle alors d’homoplasie (ressemblance non acquise par ascendance commune). Dans ce même arbre, il y avait aussi deux espèces de chauves-souris. Elles sont placées avec les mammifères sur la base d’autres homologies présentes dans nos données (pavillon de l’oreille, poils, mamelles, mandibule constituée du seul os dentaire…). On constate que le membre antérieur réalisant une aile n’est pas acquis une seule fois mais deux fois indépendamment : une fois sur la branche propre aux quatre oiseaux, une autre fois sur la branche propre aux chauve-souris. Le pari sur l’homologie des ailes est perdu.

En confondant l’homologie comme pari et l’homologie comme résultat ; et donc en occultant le pari, Wells fait de ce concept un usage circulaire. Mais comme on peut perdre le pari, il n’y a pas circularité.

Les embryons des vertébrés

 

Pourquoi les manuels utilisent-ils des dessins montrant la ressemblance des embryons de vertébrés comme une preuve de leur ascendance commune, même si les biologistes savent depuis un siècle qu’ils ne se ressemblent pas plus à ces stades embryonnaires qu’au stade adulte, et que les dessins ont été truqués ?

Ici Wells utilise un accident de l’histoire des sciences. Haeckel a produit des dessins d’embryons pas tout à fait conformes à la réalité. Les livres scolaires pourraient simplement montrer d’autres exemples de plus grande similitude embryonnaire à des étapes précoces qu’à des stades adultes, car il est un fait que ces embryons se ressemblent plus que ne se ressemblent les adultes. Mais les livres pourraient également exploiter le fait que certaines structures de notre propre embryogenèse sont des traits généraux montrant notre rattachement phylogénétique, comme par exemple l’apparition transitoire de fentes branchiales, ou la présence transitoire d’une queue. Pour illustrer le rapport entre embryogenèse et déroulement évolutif, on pourrait encore se borner à montrer une colinéarité relative du temps embryologique et du temps phylogénétique. Nous avons une cavité buccale avant d’avoir les ébauches du crâne, les ébauches du crâne avant d’avoir des doigts, et nous avons des doigts avant le pouce opposable. On doit notre bouche à celle des deutérostomiens apparus voici 580 millions d’années, notre crâne aux premiers craniates d’il y a 500 millions d’années, nos doigts aux premiers tétrapodes d’il y a 370 millions d’années, et notre pouce opposable aux premiers primates d’il y a 65 millions d’années. Enfin, on peut se contenter d’illustrer les gènes maîtres communs. Le gène initiateur de la cascade ontogénétique de la formation de l’œil chez la souris, s’il est exprimé expérimentalement chez une mouche drosophile en des segments atypiques, peut provoquer chez cette mouche drosophile la formation d’yeux de mouche surnuméraires. Il y a donc une sorte de langue commune des gènes reconnue à des stades précoces que l’on soit souris ou bien mouche drosophile. Cette architecture de l’expression génétique précoce commune est suivie dans le développement par des différenciations accrues jusqu’au stade adulte (l’ordre donné est un ordre de souris mais les yeux surnuméraire sont bien des yeux de mouche). Ces faits expérimentaux illustrent bien l’idée qu’il y avait dans les embryons de Haeckel : les embryons ont en commun (ici des modalités d’expression génétique) des traits anciens qui les font se ressembler plus que les adultes entre eux, qui sont plus différenciés.

Archaeopteryx

 

Pourquoi les manuels présentent-ils ce fossile comme le chaînon manquant entre les dinosaures et les oiseaux modernes, même si les oiseaux modernes ne descendent pas de lui, et que leurs ancêtres supposés n’apparaîtront pas avant des millions d’années après lui ?

Cette objection est fondée sur un schéma totalement erroné des relations de parenté, d’abord par confusion entre généalogie (qui descend de qui) et phylogénie (qui est plus proche de qui). Wells cherche l’ancêtre dans le cadre d’une philosophie essentialiste. Archaeopteryx est groupe-frère des oiseaux modernes ; il n’en est pas l’ancêtre pour des raisons méthodologiques : la phylogénie n’identifie pas des ancêtres, mais seulement des degrés d’apparentement. La phylogénie ne dit pas qu’Archaeopteryx est l’ancêtre des oiseaux modernes, elle dit qu’il est plus proche des oiseaux modernes qu’il ne l’est des dinosaures. Le fait qu’il ne soit pas un ancêtre n’est donc pas une objection valide. Et le fait qu’il soit groupe-frère des oiseaux modernes n’empêche pas au premier de ceux-ci d’apparaître beaucoup plus tard.

La phalène du bouleau

 

Pourquoi les manuels scolaires utilisent-ils les photographies de phalènes des bouleaux camouflées sur des troncs d’arbres comme preuve de la sélection naturelle lorsque les biologistes savent depuis les années 1980 que normalement les phalènes ne résident pas sur les troncs, et que toutes les photographies ont été truquées ?

Les photographies ne constituent pas les données scientifiques de base relatives à cette question. Les travaux décisifs de l’équipe de B. Kettlewell ont été réalisés bien après qu’on ait remarqué que les formes noires de ce papillon avaient déjà une fréquence de 98% dans les régions industrielles de l’Angleterre (et ceci dès 1898), tandis que les formes blanches typiques demeuraient à une fréquence de 100% en zone rurale non polluée. Dans les années 1950, l’équipe de B. Kettlewell travailla sur de nombreux marquages et re-captures de formes claires et foncées de phalènes du bouleau, relâchées tantôt dans des bois sombres, tantôt dans des bois clairs. Les statistiques faites sur les re-captures montrèrent une très nette survie en faveur des formes foncées dans les bois pollués, et une nette survie des formes claires dans les bois non pollués. Les résultats de l’expérience ne sont pas à remettre en cause, à moins d’accuser l’équipe de B. Kettlewell de fraude. L’interprétation qui a été faite de ces résultats était à l’époque la seule possible : seule la prédation accrue sur les formes mal camouflées pouvait rendre compte des chiffres, compte tenu des données disponibles et des observations directes de prédation par les oiseaux. Les chercheurs purent constater que les formes claires étaient bien camouflées sur les troncs clairs pourvus de lichens, et les formes foncées indiscernables sur les troncs devenus foncés par disparition du lichen. Quel que soit le moment de la journée ou de la nuit, l’endroit de l’arbre où il se cache le jour, et quel que soit le mécanisme par lequel les formes mal camouflées sont repérées par les prédateurs, l’interprétation reste logiquement valide. En fait, les auteurs qui ont réétudié la question (telle l’équipe de T. Sargent en 1998) pensent qu’il s’agit toujours d’un problème de sélection, mais plus compliqué que ce que l’équipe de Kettlewell était en mesure d’interpréter, d’autres facteurs sélectifs étant à l’œuvre (par exemple, les larves des formes mélaniques montrent une plus grande tolérance aux polluants et aux parasites). Le mélanisme industriel» a touché également entre 80 et 100 autres espèces d’arthropodes. Mais si cet exemple de sélection naturelle devient aujourd’hui d’interprétation plus complexe, et si des photographes pressés ont «collé» des phalènes là où elles ne préféraient pas résider, l’exemple peut être aisément remplacé par d’autres. John Endler, de l’Université de Santa Barbara, recensait déjà au milieu des années 1980 plus de cent études décrivant des mécanismes de sélection naturelle dans des conditions et sur des organismes très variés. J. Wells devrait donc élargir ses recherches bibliographiques ailleurs que dans les livres scolaires.

Les pinsons de Darwin

 

Pourquoi les manuels clament-ils que le changement des becs des pinsons des Galapagos durant les sécheresses peut expliquer l’origine des espèces par la sélection naturelle, même si ces changements sont réversibles après la sécheresse, et qu’aucune évolution n’a eu lieu ?

L’objection est ici de mauvaise foi : le modèle «pinson» illustre l’initiation du changement dans des populations. Les études montrent que l’aspect physique des espèces change avec les modifications de l’environnement, et changent du même coup la survie et le succès reproducteur des espèces, et ceci dans une période de temps plus courte que ce que l’on pensait. La forme du bec n’est pas le seul caractère étudié. L’affirmation selon laquelle aucune évolution n’a eu lieu est fausse et gratuite. Les travaux de Peter Grant (voir par exemple dans «La sélection naturelle et les pinsons de Darwin», dans le dossier Pour La Science intitulé «L’évolution», Hors Série n°14, janvier 1997.) sur les pinsons montrent une sélection oscillante, très réactive et très liée aux aléas climatiques. Par ailleurs, de multiples autres exemples de sélection sont disponibles (notamment dans des livres tels «Speciation and its Consequences», de D. Otte et J.A. Endler, Sinauer Associates, 1989).

Dans plusieurs textes, Wells dénonce l’utilisation qui est faite des pinsons de Darwin comme exemple de diversification des espèces alors que, dit-il, on n’a jamais vu une espèce se créer. Cette affirmation est, une fois de plus, fausse. L’apparition de nouvelles espèces en période historique a été de nombreuses fois documentée, c’est-à-dire, pour reprendre les termes de l’objection, l’évolution d’une espèce en une autre. Par exemple, on a pu observer que des remaniements chromosomiques chez des souris tunisiennes provoquaient des isolements reproducteurs et donc la naissance de nouvelles espèces, l’espèce descendante vivant au même endroit que la parente. L’hybridation naturelle entre deux types de tournesols identifiés comme espèces distinctes produisit une descendance qui ne pouvait plus se croiser avec les tournesols ancestraux, réalisant ainsi une nouvelle espèce. Cette expérience a même pu être reproduite en laboratoire. A partir d’une souche des années 1950, des mouches du vinaigre (drosophiles) ont été reproduites dans des laboratoires durant cinquante ans dans des conditions stables et pures. Pendant ce temps, les descendants restés dans la nature continuèrent à évoluer de leur côté. Lorsqu’il s’est agit de croiser, cinquante ans plus tard, les descendants domestiques restés « purs » et les descendants naturels, ce croisement fut rendu impossible par l’invasion génétique d’éléments génétiques dits « P » dans les populations naturelles. Les populations naturelles avaient tellement changé qu’elles étaient devenues, en quelque sorte, une autre espèce au regard de la souche originelle restée, elle, préservée de ces événements au laboratoire.

Les mouches mutantes

 

Pourquoi les manuels utilisent-ils les drosophiles avec une paire d’ailes supplémentaires comme la preuve que les mutations dans l’ADN peut fournir le carburant de l’évolution, même si ces ailes supplémentaires n’ont pas de muscles et que ces mutants sont incapables de vivre en dehors du laboratoire ?

Le modèle montre juste que de petits changements génétiques peuvent engendrer des modifications spectaculaires du corps. On pourrait changer d’exemple : un seul gène, lorsqu’il est muté, change le sens de l’enroulement des coquilles des escargots, et ces mutants naturels sont parfaitement viables dans leur milieu. Les manuels devraient juste diversifier leurs mutants.

Les origines humaines

 

Pourquoi utilise-t-on les dessins des artistes représentant des humains simiesques pour justifier les déclarations matérialistes selon lesquelles nous ne sommes que des animaux et que notre existence n’est qu’un accident, lorsque les experts de ces fossiles ne s’accordent même pas sur qui sont nos ancêtres et à quoi il ressemblaient ?

Les débats en paléontologie humaine sont des débats sur les relations de parenté des fossiles, entre spécialistes n’utilisant pas les mêmes méthodes d’analyse. Ces débats font partie de la marche normale d’une science. Si l’on désire entrer dans ce débat, il faut être très vigilants à la nomenclature. Le terme «nos ancêtres» est trop flou. Jusqu’où remonte-t-on ? La question telle qu’elle est posée par Wells est trop vague, et permet de présenter la paléontologie humaine comme un vaste désordre. Il y a des accords à certains niveaux de l’arbre phylogénétique des hominidés. Nous l’avons vu, les ancêtres sont des puzzles incomplets dont la structure dépend de la structure de l’arbre reconstruit. Les chercheurs s’accordent sur certaines combinaisons minimales pour certains de ces puzzles, c’est-à-dire pour certains de nos ancêtres. Ces représentations s’en inspirent.

L’évolution, un fait ?

 

Pourquoi nous dit-on que la théorie darwinienne de l’évolution est un fait scientifique, même si beaucoup de ses affirmations sont fondées sur des représentations erronées des faits ?

Ici il y a un flou sous le mot «évolution» et une confusion dans les rapports entre faits et théorie (voir plus haut). Wells joue sur les deux confusions. Certes, l’évolution biologique est un fait, les industries agronomique et pharmaceutique feraient faillite si les êtres vivants dans la Nature étaient immuables. Mais les mécanismes par lesquels la vie évolue sont conçus par nous dans la théorie darwinienne de l’évolution. Dans la seconde partie de la phrase, c’est la théorie qui est visée («les faits» sont ceux de la théorie). Une théorie n’est pas moins noble que les faits, cette opposition est inepte, nous avons déjà développé cela plus haut. En présentant une théorie élevée au rang de fait, Wells établit une hiérarchie qualitative entre les deux en même temps qu’il suggère l’abus. L’accusation de représentation erronée des faits fait référence aux icônes de l’évolution.

 

 http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosevol/decouv/articles/chap1/lecointre1.html

 

 

actualité

 

Une pétition internationale des brights 

l’Intelligent Design n’est pas de la science et n’a rien faire,

ans les programmes de sciences des écoles publiques

 

Les brights constituent un réseau international d'individus qui partagent une vision du monde naturaliste, c'est à dire exempte d'éléments surnaturels ; le nom de "brights" , faisant écho aux Lumières du dix-huitième siècle, se veut donc commun, à une échelle mondiale, à tous ceux qui, dans leur diversité (athées, agnostiques, libre-penseurs, rationalistes scientifiques, etc...), partagent une telle vision du monde.

 

Une autre caractéristique, forte, du réseau des brights, est que les brights s'interdisent de parler de façon collective au nom du réseau en entier : le réseau des brights est un réseau international d'individus et chaque individu participant au réseau ne peut parler qu'en son nom.

 

Après des discussions sur le forum central mondial du mouvement des brights, un texte court - en anglais - a été élaboré par plusieurs brights, texte reprenant l'idée simple : l'intelligent design n'est pas de la science et n'a donc rien à faire dans des programmes de science des écoles publiques, et cela n'importe où dans le monde.

 

Un lien internet est donné; ce lien débouche une question offrant deux choix :

 

"je suis un bright et je suis d'accord avec la déclaration", (le premier choix)

"je suis un bright et je ne suis pas d'accord avec la déclaration" (le deuxième choix)

 

  http://the-brights.net/polls/phpQJr/poll.php?pid=17 

 

au 31 octobre 3739 signatures avaient été récoltées sur cette pétition.

 

----- Original Message -----

From: The Brights' Net


Go to  http://the-brights.net/   and voice your opinion of the following:

===== Statement on Intelligent Design =====

Various school boards and communities in the United States are trying to introduce Intelligent Design (ID) into public school science classes. ID advocates may, by and large, believe ID to be scientifically credible. Then again, perhaps some of the proponents are trying, by essentially surreptitious means, to introduce religious beliefs into science programs. Whatever the impetus, the ID endeavor disregards the definition of science and must be rejected. Intelligent Design has no valid place in a science curriculum.

Simply put, Intelligent Design is not science. Science deals empirically with reality. In fact, central to scientific method is that its ideas about the natural world can be tested, replicated, and verified. Unlike science's account of the evolution of life on earth, the ID explanation postulates ideas that can not be observed or validated. By looking upon a designer as necessary to account for the origin and development of life, ID breaches science as a discipline.

The scientific process, with its rigorous methods of confirmation, is the best means to understanding our world, and no nation can expect to fare well if its citizens are confused about or misinformed in science. The Intelligent Design movement presents an impediment to educating students for our scientifically-oriented world. ID is a grievous threat to the academic integrity of science education.

transmis par Paul Geisert and Mynga Futrell, San Diego (California), Co-Directors of The Brights' Net

 

 

====== Déclaration sur l’ Intelligent Design ========

 

Un certain nombre de conseils scolaires et de communautés, aux Etats-Unis, tentent d'introduire la théorie de l'"intelligent design" (ID) dans les programmes de sciences des écoles publiques. Les promoteurs de l'ID,  croient généralement pouvoir accorder un crédit scientifique à leurs théories. D’autres parmi ces avocats visent plus subrepticement d'ouvrir la route par ce biais à des croyances religieuses au sein des programmes de science. Mais, de toutes façons, quelle qu'en soit la motivation des promoteurs, les théories de l'intelligent design sont en contradiction avec la définition de la science et doivent être rejetées : ces théories n'ont pas leur place dans un cursus scientifique.

 

En l’exprimant de façon simple, l' Intelligent Design n'est pas de la science. La Science entretient un rapport expérimental avec la réalité. Un caractère central de la méthode scientifique est que les hypothèses à propos du monde naturel doivent pouvoir être testées, répliquées, et vérifiées. Contrairement aux acquis scientifiques de la théorie de l'évolution de la vie sur terre, les explications de l'ID postulent des hypothèses qui ne peuvent être ni observées ni validées. Considérant l'existence d'un concepteur comme nécessaire pour rendre compte de l'origine et du développement de la vie, l'Intelligent Design est en infraction avec le cadre d'une discipline scientifique.

 

Il n'y a pas de meilleur outil que la méthode scientifique, avec ses processus rigoureux de confirmation, pour accéder à une compréhension de notre monde, et aucune nation ne peut aspirer à se développer correctement si ses citoyens sont entretenus dans la confusion ou mal informés en matière scientifique. Le mouvement de l’Intelligent Design constitue un obstacle dans la préparation des étudiants à un monde où les sciences occupent une place incontournable. L’Intelligent Design constitue une menace sérieuse contre l’intégrité de l’enseignement des sciences.

 

traduit par Michel Naud, Nantes (France), coordinateur du réseau des brights de France et des environs

 

Une nouvelle offensive du créationnisme.

une déclaration du bureau de l’union rationaliste (22 octobre 2005)

 

Depuis la formulation de la doctrine de l’évolution par Darwin, les fondamentalistes ont essayé d’en interdire l’enseignement parce qu’il contredit les récits de la création du monde que l’on trouve dans la Bible et le Coran. Le mouvement est particulièrement fort dans les pays musulmans, aux USA et en Australie. Le cas des USA  est potentiellement inquiétant car les USA sont le pays qui domine la recherche scientifique. Si l’enseignement y accordait officiellement une place aux récents avatars du créationnisme, il ne manquerait pas de gens en Europe pour en tirer avantage et se prévaloir de ce précédent pour y imposer son enseignement.

 

Aux USA, le choix des programmes dépend des comtés et des états (States). Une première tentative a consisté à interdire dans l’état du Tennessee l’enseignement du darwinisme. Ce fut le sujet en 1925 d’un procès célèbre, un enseignant ayant refusé d’obtempérer. Vint ensuite une tentative, dans plusieurs états américains, d’imposer l’enseignement du créationnisme et du darwinisme sur une base égale. Cette décision fut annulée par la Cour Suprême car le créationnisme est une doctrine manifestement religieuse alors que le darwinisme relève de la science. Les créationnistes comprirent la leçon. Au lieu de nier l’évolution, ils essayèrent de montrer qu’elle implique l’existence d’un « intelligent design », Voltaire aurait-dit : d’un bon horloger. Malgré les protestations des milieux scientifiques, en particulier de l’Académie des Sciences des USA, cet « intelligent design » doit maintenant être enseigné  de pair avec la doctrine classique (néo-darwinienne) de l’évolution dans de nombreux états, dont la Californie. Un procès est en cours en Pennsylvanie. Le Président G. Bush vient de se déclarer en faveur de ce type d’enseignement. Le danger est grand que ce dévoiement s’étende à l’ensemble des USA et de là à l’ensemble du monde.

 

C’est pourquoi les Brights, relayés en France par notre ami Michel Naud, ont lancé sur Internet une pétition à laquelle l’Union Rationaliste s’associe et qu’elle vous appelle à signer.

 

Pour signer la pétition : http://the-brights.net/ (collecte des signatures expirée)

 

Pour savoir qui sont les brights: http://brightsfrance.free.fr

 

le bureau de l'Union Rationaliste, le 22 octobre 2005

http://www.union-rationaliste.org/courrier.html#creationnisme

 

Le Dalaï-lama ouvrira la conférence annuelle

de la Société américaine de neurosciences

un article du nouvel observateur [10 octobre 2005]

 

La personnalité qui ouvrira la conférence annuelle de la Société américaine de neurosciences n’est ni neurologue ni scientifique mais leader religieux. C’est en effet au dalaï-lama qu’incombe la lecture inaugurale de cette importante réunion scientifique, le 12 novembre prochain. Son intervention portera sur la médiation et les neurosciences, un thème devenu très populaire depuis que des moines bouddhistes se sont prêtés à une étude sur l’activité de leur cerveau. Plusieurs centaines de chercheurs ont cependant signé une pétition contre cette intervention.

Signée par plus de 500 spécialistes des neurosciences, ce texte précise que l’intervention du dalaï-lama donne beaucoup d’écho à des travaux qui ne sont que préliminaires –en l’occurrence l’étude publiée en 2004 par Richard Davidson- et qui n’ont pas été reproduits par d’autres. La pétition souligne qu’il est ‘’ironique’’ pour une société de neurosciences d’accorder une telle légitimité à une doctrine religieuse qui repose sur la réincarnation.

Les défenseurs de l’intervention du dalaï-lama, qui font à leur tour circuler une pétition, estiment que ces attaques sont en grande partie le fait de chercheurs chinois ou issus de l’immigration chinoise, motivés par une dissension politique. Ils insistent aussi sur l’intérêt porté par le chef spirituel du bouddhisme tibétain à la connaissance et à la science, notamment via son organisation ‘’Mind and Life’’.

Le Dr Carol Barnes, présidente de la Société de neurosciences, a indiqué qu’elle n’annulerait pas le discours du dalaï-lama le 12 novembre à Washington.

Ce débat intervient dans un contexte sensible aux Etats-Unis, où la majeure partie de la communauté scientifique se bat contre les tenants de l’Intelligent Design, qui estiment que l’évolution humaine ne peut s’expliquer par le hasard. Un procès (lire ci-contre) est en cours entre les deux parties en ce moment en Pennsylvanie. Les débats se poursuivent jusqu’à début novembre.

 

 http://sciences.nouvelobs.com/sci_20051019.OBS2779.html?1524

(avec des liens sur les sites et les textes des pétitions "pour" et "contre")

 

 

Evangelical Scientists Refute Gravity With New 'Intelligent Falling' Theory

Des scientifiques évangéliques réfutent la gravitation universelle

avec la nouvelle théorie de la « gravitation intelligente »

August 17, 2005 | http://www.theonion.com/content/node/39512/print/  

 

 

KANSAS CITY, KS — As the debate over the teaching of evolution in public schools continues, a new controversy over the science curriculum arose Monday in this embattled Midwestern state.

 

Scientists from the Evangelical Center For Faith-Based Reasoning are now asserting that the long-held "theory of gravity" is flawed, and they have responded to it with a new theory of Intelligent Falling.

 

Rev. Gabriel Burdett explains Intelligent Falling.

 

"Things fall not because they are acted upon by some gravitational force, but because a higher intelligence, 'God' if you will, is pushing them down," said Gabriel Burdett, who holds degrees in education, applied Scripture, and physics from Oral Roberts University.

 

Burdett added: "Gravity—which is taught to our children as a law—is founded on great gaps in understanding. The laws predict the mutual force between all bodies of mass, but they cannot explain that force. Isaac Newton himself said, 'I suspect that my theories may all depend upon a force for which philosophers have searched all of nature in vain.' Of course, he is alluding to a higher power."

 

Founded in 1987, the ECFR is the world's leading institution of evangelical physics, a branch of physics based on literal interpretation of the Bible.

 

According to the ECFR paper published simultaneously this week in the International Journal Of Science and the adolescent magazine God's Word For Teens!, there are many phenomena that cannot be explained by secular gravity alone, including such mysteries as how angels fly, how Jesus ascended into Heaven, and how Satan fell when cast out of Paradise.

 

The ECFR, in conjunction with the Christian Coalition and other Christian conservative action groups, is calling for public-school curriculums to give equal time to the Intelligent Falling theory. They insist they are not asking that the theory of gravity be banned from schools, but only that students be offered both sides of the issue "so they can make an informed decision."

"We just want the best possible education for Kansas' kids," Burdett said.

 

Proponents of Intelligent Falling assert that the different theories used by secular physicists to explain gravity are not internally consistent. Even critics of Intelligent Falling admit that Einstein's ideas about gravity are mathematically irreconcilable with quantum mechanics. This fact, Intelligent Falling proponents say, proves that gravity is a theory in crisis.

 

"Let's take a look at the evidence," said ECFR senior fellow Gregory Lunsden."In Matthew 15:14, Jesus says, 'And if the blind lead the blind, both shall fall into the ditch.' He says nothing about some gravity making them fall—just that they will fall. Then, in Job 5:7, we read, 'But mankind is born to trouble, as surely as sparks fly upwards.' If gravity is pulling everything down, why do the sparks fly upwards with great surety? This clearly indicates that a conscious intelligence governs all falling."

 

Critics of Intelligent Falling point out that gravity is a provable law based on empirical observations of natural phenomena. Evangelical physicists, however, insist that there is no conflict between Newton's mathematics and Holy Scripture.

 

"Closed-minded gravitists cannot find a way to make Einstein's general relativity match up with the subatomic quantum world," said Dr. Ellen Carson, a leading Intelligent Falling expert known for her work with the Kansan Youth Ministry. "They've been trying to do it for the better part of a century now, and despite all their empirical observation and carefully compiled data, they still don't know how."

 

"Traditional scientists admit that they cannot explain how gravitation is supposed to work," Carson said. "What the gravity-agenda scientists need to realize is that 'gravity waves' and 'gravitons' are just secular words for 'God can do whatever He wants.'"

 

Some evangelical physicists propose that Intelligent Falling provides an elegant solution to the central problem of modern physics.

 

"Anti-falling physicists have been theorizing for decades about the 'electromagnetic force,' the 'weak nuclear force,' the 'strong nuclear force,' and so-called 'force of gravity,'" Burdett said. "And they tilt their findings toward trying to unite them into one force. But readers of the Bible have already known for millennia what this one, unified force is: His name is Jesus."

 

nos amis états-uniens ne manquent pas d'idées pour répondre à l' ID : il y a le monstre spaghetti volant, la nouvelle classification des éléments, il y a maintenant la gravitation intelligente ...

 

« Les objets ne tombent pas du fait de l’agissement d’une force gravitationnelle mais parce qu’une intelligence supérieure, Dieu si vous voulez, les pousse vers le bas … les lois prédisent l’attraction mutuelle entre des corps dotés de masse mais elles ne peuvent expliquer cette force … les gravitistes à l’esprit borné n’arrivent pas à accommoder  la relativité générale d’Einstein avec le monde quantique subatomique ; cela fait un siècle qu’en dépit de leurs efforts et de leurs observations empiriques ils ne savent toujours pas comment faire … Les scientifiques traditionnels admettent qu’ils ne savent pas expliquer comment la gravitation peut fonctionner ; les « ondes gravitationnelles » ou les « gravitons » ne sont que des expressions laïcisées pour exprimer que « Dieu peut faire ce qu’il veut » … les physiciens opposés à la gravitation intelligente essaient sans succès depuis des décennies de réaliser la fusion en une seule théorie de l’ensemble des forces qu’ils ont mis à jour, mais les lecteurs de la Bible savent depuis des millénaires que cette force unifiée existe : Son nom est Jésus. » Evangelical Center For Faith-Based Reasoning

 

 

Dieu avance masqué derrière les manchots

le succès sans précédent du documentaire La Marche de l’empereur aux USA

 

Aux États-Unis, La Marche de l’empereur, le film documentaire sur les manchots de l’Antarctique, fait un tabac. Il a déjà permis d’engranger près 70 millions de dollars et a ainsi conquis la première place au box office des recettes des films français. Pour ses magnifiques images d’étendues glacées? Pour l’allure rigolote de ces drôles d’oiseaux redressés aux ailes transformées en nageoires? Probablement. Mais aussi parce que les ligues évangéliques ont fait au film une publicité sans pareille auprès de leurs ouailles.

Pour ces intégristes de la chrétienté, les manchots que l’on voit dans le film protéger leur descendance contre les frimas polaires extrêmes seraient un modèle des vertus de la procréation. Les mâles qui couvent, seuls, les œufs pendant deux mois seraient un exemple envoyé par le ciel aux hommes, et l’acharnement à maintenir les petits en vie en serait un pour les femmes qui recourent à l’interruption volontaire de grossesse. Et, pour tous, les manchots seraient donc l’archétype des vertus de la monogamie.

Sauf que, dans la réalité, ces drôles d’oiseaux changent de partenaire à chaque saison. Pire, dans les zoos, les mâles se font entre eux des mamours qui n’ont pas grand-chose à voir avec les nécessités de la reproduction. Et, qui plus est, dans un zoo en Allemagne, il n’y a rien eu à faire pour intéresser un groupe de mâles manchots à quelques superbes femelles qu’on venait d’introduire auprès d’eux.

Il n’empêche. La Marche de l’empereur est aujourd’hui doctement utilisée par les créationnistes américains. Depuis des dizaines d’années, ceux-ci intentent régulièrement des procès pour que, dans les écoles, leurs illuminations bibliques soient présentées au même titre que les faits qui attestent de l’évolution de la vie et des espèces. Aujourd’hui ils continuent, avec pour seule nouveauté qu’ils ne parlent plus d’un dieu mais d’un «dessein intelligent». Pour eux, le film à succès où les manchots «parviennent à se reproduire dans l’hostilité de l’Antarctique est bien la preuve qu’une force supérieure, un dessein intelligent, existe et que tout cela ne peut être le fruit du hasard de l’évolution».

Et d’ailleurs, si les manchots n’ont pas de nœud papillon, c’est sans doute une bonté du dessein intelligent afin que les créationnistes ne puissent les confondre avec des maîtres... d’autel!



Sophie GARGAN

Lutte Ouvrière n°1941 du 14 octobre 2005

http://www.lutte-ouvriere-journal.org/article.php?LO=1941&ARTICLE=20

 

 

Une classification alternative des éléments

un article du n° 268 [ 2005 ] de Science et pseudo-sciences

 

Cette table tourne en dérision les arguments créationnistes contre la théorie de l’évolution en imaginant des critiques analogues sur la table périodique des éléments de Mendeleïev. Les inévitables tâtonnements qui ont abouti à sa forme actuelle sont ironisés et la simplicité et la solidité des quatre éléments lui est opposée.

 

Warning Warning Warning

 

Attention. Attention. Attention.

La périodicité chimique n’est qu’une théorie.

La théorie change en permanence.

La théorie est controversée.

Enseignez des théories alternatives aux enfants.

 

 

Bas du tableau

 

Kansas, aussi bête que vous le pensez.

La table des éléments du Kansas : Terre, Feu, Air, Eau,

La vérité est immuable

 

 http://www.re-discovery.org/.

 

Salman Rushdie blasts intelligent design
Formerly fatwaed author decries emergence of religion in public life

Salman Rushdie dénonce l’ID et la place de la religion dans la sphère publique

un article du © 2005 WorldNetDaily.com

 

Author Salman Rushdie, known to most for having been put under a fatwa by the late Ayatollah Khomeini that called for his death, blasted intelligent design proponents this week at Kansas University, telling his standing-room-only audience "superstition needs to be pushed back in the cupboard where it belongs."

 

Rushdie, speaking at the Lied Center at an event sponsored by the Hall Center for the Humanities, warned against religious extremism and the emergence of religion in matters of public policy, the Lawrence Journal-World reported.

 

"I would really love never to mention that word again: religion," Rushdie said. "But now it seems to be coming right at us all. I don't just mean radical Islam, by the way. I believe we have some problems right here."

 

The Kansas Board of Education is expected to vote later this year on new science standards that, if approved, will expose students to greater criticism of Darwinism. The move, pushed by a conservative majority on the state board, has drawn criticism from groups that endorse evolution and who describe intelligent design as a mere variant of creationism.

 

"I never had any doubts about evolution theory," he said. "I gather there are parts of Kansas where the big bang did not take place."

 

Rushdie's "The Satanic Verses" earned him a death sentence in 1989 from Iran's Ayatollah Khomeini for his depiction of Islam. That fatwa was lifted in 1998. For nine years, Rushdie went into hiding, often protected by bodyguards. At one point, a reward of $2 million was offered for his capture.

 

Rushdie told the Kansas audience he had fought against religion for most of his life, noting that when he was young, he and others thought they had won the battle and, so, quit paying attention.

 

We were "so busy having fun that all the uncool people took over the world," he said.

"It's a pretty bad time for us who don't believe that superstition should rule the world," he said.

 

He recommended "ridicule, argument and battle" to advance the fight against religion and push superstition back in the cupboard where it belongs.

 

 © 2005 WorldNetDaily.com http://worldnetdaily.com/news/article.asp?ARTICLE_ID=46732

 

Salman Rushdie, l’auteur des « versets sataniques », cible d’un appel au meurtre formulé en 1989 l’Ayatollah Khomeini, fatwa levée en 1998, s’en est pris explicitement, devant un auditoire de l’université du Kansas, aux promoteurs de l’Intelligent Design. Lui, qui a du se cacher pendant neuf ans, souvent sous la protection de gardes de corps, et dont la capture éventuelle fut un temps assortie d’une promesse de prime de 2 millions de dollars offerte pour sa capture, a dit qu’il aimerait ne plus jamais à formuler le mot de « Religion », et qu’il ne pensait pas uniquement à l’Islam radical en disant cela. Affirmant qu’il n’avait jamais douté de la validité de la théorie de l’évolution, il a déclaré qu’il avait combattu contre la religion pendant la plus grande partie de sa vie, et même que, quand il était jeune, lui et ses amis pensaient que ce combat était gagné … dénonçant l’émergence de la religion dans la vie publique et estimant que la période était difficile pour ceux qui pensaient que la superstition ne devrait pas gouverner le monde, il a recommandé d’utiliser aussi bien l’ironie que l’argumentation ou la polémique pour se battre contre la religion et repousser la superstition dans les retranchements qu’elle ne devrait pas quitter.

 

En Pennsylvanie, Charles Darwin devant le tribunal

huit familles de Dover (Pennsylvanie) portent plainte contre l’enseignement de l’Intelligent Design

à l’école publique en invoquant la clause de séparation du 1er amendement de la Constitution

LE MONDE | 29.10.05 | 14h51 | NEW YORK de notre correspondant


Le procès sur les théories de l'évolution, qui se tient depuis début octobre au tribunal fédéral de Harrisburg, en Pennsylvanie, pourrait avoir des conséquences importantes sur l'enseignement aux Etats-Unis dans les prochaines années. Il est souvent comparé à celui de 1925 dans le Tennessee, quand le professeur John Scopes avait été accusé d'apprendre illégalement à ses élèves que les hommes descendent d'un organisme unicellulaire et, comble de l'horreur, sont parents du singe. John Scopes avait perdu et payé une amende de 100 dollars.

 

Mais l'affaire avait eu un retentissement considérable dans le pays, et avait finalement abouti à éjecter la religion des cours de science. Quatre-vingts ans plus tard, le combat est le même. Cette fois pourtant, la communauté scientifique fait face à un adversaire plus redoutable qui utilise et retourne contre elle le langage de la science.

 

Le procès a pour point de départ la décision du conseil scolaire de la région de Dover, une zone rurale à l'ouest de Philadelphie, d'enseigner aux élèves lors des cours de biologie une deuxième thèse concurrente de la théorie de l'évolution de Charles Darwin, le "dessein intelligent" (Intelligent Design ).

 

La théorie est présentée comme une alternative, mais dénoncée par les scientifiques comme le dernier avatar du créationnisme. Elle a reçu des renforts de poids. Pour s'attirer les bonnes grâces des conservateurs, George Bush a estimé cet été que les deux "écoles de pensée " devaient être expliquées aux enfants.

 

"IGNORANCE"

 

Mais huit familles de la région de Dover en ont décidé autrement. Elles ont saisi un tribunal fédéral et demandent à la justice de déclarer que le "dessein intelligent" n'est pas une théorie scientifique. Les parents d'élèves invoquent le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis, qui stipule qu'aucune loi ne peut promouvoir une religion. Depuis la fin du mois de septembre, les débats font rage. Plus d'une vingtaine d'Etats attendent la décision du tribunal pour s'attaquer ou non à l'enseignement de la théorie de Charles Darwin.

 

"Le débat sur l'évolution expose une fracture fondamentale de notre société" , souligne Michael Ruse, qui enseigne la philosophie des sciences à l'université de Floride et est l'auteur du livre The Evolution Creation Struggle ("le combat entre l'évolution et la création"). "Il n'y a aucun doute sur le fait que les gens qui défendent le "dessein intelligent" sont déterminés et disposent de moyens considérables" , ajoute-t-il. Pour eux, la vie humaine est trop complexe pour être uniquement le fruit de la sélection naturelle. Dieu serait la source de la création.

 

C'est ce qu'a soutenu devant le tribunal de Harrisburg Michael Behe, professeur de biochimie de l'université de Pennsylvanie, insistant sur les failles et les contradictions de la théorie de l'évolution. "Je suis parvenu aux conclusions du dessein intelligent en me fondant sur des facteurs théologiques, logiques et scientifiques" , a-t-il déclaré. "C'est ce qu'un philosophe décrirait comme l'argument de l'ignorance  , lui a répondu le biologiste Kenneth Miller, de la Brown University.

 

"Parce que nous ne comprenons pas quelque chose, nous assumons que nous ne le comprendrons jamais et, du coup, nous invoquons un créateur surnaturel" , ajoute-t-il.

 

VISION BIBLIQUE

 

Le "dessein intelligent" se garde bien de reprendre les récits de la Genèse pour ne pas se faire l'apôtre d'une seule religion, mais avance l'idée que l'évolution est guidée par un être supérieur. "J'accepte de discuter des limites de la science. Mais le conseil scolaire de Dover présente une croyance religieuse comme solution de rechange" , souligne Alan Leshner, directeur de l'Association américaine pour l'avancement des sciences. "Il s'agit d'une simple adaptation du créationnisme pour le rendre légal" , ajoute-t-il.

 

Avant le "dessein intelligent", l'autre grand rival du darwinisme s'appelait le créationnisme. Mais il a disparu après une décision de la Cour suprême, en 1987, considérant que cette vision biblique ne pouvait pas être enseignée puisqu'elle est religieuse.

 

Pourtant, depuis près de vingt ans, l'opinion publique a beaucoup changé aux Etats-Unis. Une majorité d'Américains penche aujourd'hui du côté des religions et de George Bush plutôt que de celui des scientifiques.

 

Selon un sondage effectué par l'institut de recherche Pew en juillet, près de deux Américains sur trois (64 %) sont favorables à l'enseignement du créationnisme ou du "dessein intelligent" en plus de la théorie de l'évolution.

 

Et pas moins de 38 % des personnes interrogées souhaitent que l'on élimine tout simplement Charles Darwin de l'école pour mettre l'accent sur le rôle de Dieu. La décision du tribunal de Pennsylvanie ne devrait pas être connue avant le mois de décembre.

 

 Eric Leser

Article paru dans l'édition du 30.10.05

 

 

néo-créationnisme: le «monstre de spaghetti volant» contre le «dessein» intelligent

Le Devoir, Agence Science-Presse, Pauline Gravel , Édition du mercredi 7 septembre 2005

 

Si les pirates n'avaient pas déserté les mers, l'ouragan Katrina n'aurait jamais vu le jour... C'est la conclusion à laquelle parviennent les défenseurs de la théorie du «flying spaghetti monster», qui réclament que leur idéologie soit enseignée au même titre que la théorie de l'«intelligent design» dans les classes de sciences aux États-Unis.

 

Selon la théorie du «monstre de spaghetti volant» imaginée par Bobby Henderson, récemment diplômé en physique de l'université de l'Oregon, le réchauffement de la planète, les ouragans, les tremblements de terre et les catastrophes naturelles découlent directement de la disparition graduelle des pirates depuis le XIXe siècle. Graphique à l'appui, le jeune gourou de 25 ans qui invite ses fidèles à s'habiller en pirates affirme qu'il existe une relation inverse et clairement significative entre le nombre de pirates qui ont sillonné les océans au cours des 200 dernières années et les températures moyennes pendant cette même période.

Les prières adressées au monstre de spaghetti volant, représenté par un enchevêtrement de pâtes surmonté de deux globes oculaires et flanqué de deux boulettes de viande, se termine non pas par «amen» mais par «ramen», le nom donné à ces soupes de nouilles japonaises qui se vendent en sachets. Les adeptes de cette nouvelle religion, qui se définissent parfois comme des «pastafaris» -- un calembour avec le mot «rastafaris», ces membres d'une secte messianique d'origine jamaïcaine --, ont des convictions qui se veulent une parodie de celles des tenants du concept de l'«intelligent design» (ID), ou «dessein» intelligent, selon lequel la vie est si complexe et si diversifiée que sa création a nécessairement été guidée par une puissance supérieure. Ainsi, bien que Bobby Henderson se dise persuadé que l'univers a été créé par un invisible et indécelable «monstre de spaghetti volant», il nous avoue ne pas savoir comment celui-ci a procédé exactement, sauf que, ajoute-t-il, «les choses se sont passées d'une manière aussi logique que dans la théorie du "dessein" intelligent».

 

Bobby Henderson nous a affirmé par courriel qu'il a eu la révélation de cette divinité durant une nuit d'insomnie, tout scandalisé qu'il était par la décision du conseil scolaire du Kansas d'intégrer aux programmes de sciences des avenues alternatives à la théorie de l'évolution de Darwin, notamment la thèse néo-créationniste du «dessein» intelligent.

 

Il a alors écrit à ce conseil scolaire pour exiger que la théorie du «monstre de spaghetti volant» reçoive la même attention que celles du «dessein» intelligent et de l'évolution darwinienne dans les écoles du Kansas. Il a réclamé à grands cris qu'on alloue la même durée d'enseignement à son concept, sinon il intenterait des poursuites.

 

Trois membres du conseil scolaire -- dominé par des ultraconservateurs religieux -- qui s'opposent fermement à l'enseignement de l'ID ont répondu à sa missive en lui apportant son soutien. Depuis, le «monstre de spaghetti volant» connaît un succès boeuf. Ce succès s'est notamment amplifié depuis que le président Bush et le sénateur Bill Frist du Tennessee ont récemment donné un coup de pouce au concept de «dessein» intelligent, qu'ils espèrent voir enseigné dans les écoles de leur pays.

Aux dernières nouvelles, plus de 25 millions d'internautes ont visité le portail de l'Église du «monstre de spaghetti volant» (http ://www.venganza.org). Bobby Henderson affirme recevoir environ 400 courriels chaque jour, dont 98 % sont sympathiques à sa créature pourtant peu ragoûtante, parmi lesquels il compte deux douzaines de scientifiques on ne peut plus sérieux. Seulement 2 % des messages qui lui sont adressés sont injurieux et signés par des religieux.

Par ailleurs, Bobby Henderson déclare avoir été contacté par plusieurs avocats. «Quelques-uns m'ont offert leur aide pour la bataille, mais aucun ne s'est porté volontaire pour le faire gratuitement», nous a-t-il confié par courriel.

Ce mois-ci, les médias autant traditionnels que numériques ont pris d'assaut l'Église du «monstre du spaghetti volant», dont la prestigieuse revue The New Scientist, qui y a consacré un entrefilet. Deux encyclopédies en ligne, Unencyclopedia et Wikipedia, ont ajouté un lien portant sur cette parodie de religion. Une recherche sur Google fait apparaître 156 000 références et, sur Yahoo !, 377 000 entrées. La popularité de cette satire en dit long sur l'importance de l'enjeu

 

Le Devoir.com http://www.ledevoir.com/2005/09/07/index.htm

 

 

Si la théorie de la création intelligente est enseignée aux élèves,

alors il est impératif que les programmes contiennent également

des éléments d'informations sur notre théorie de la création du monde

extrait du site français de l’Eglise du Monstre en Spaghettis Volant.

 

Nos Croyances

 

1- Le monde que nous connaissons a été créé par un Monstre en Spaghettis Volant

 

2- Le Monstre a d'abord créé des arbres, une montagne et un nain. Il s'est ensuite occupé du reste.

 

3- Ce que nous appelons "la science" ou "les vérités scientifiques" sont en fait des éléments mis à notre disposition par le Monstre (et qu'il déforme pour nous faire croire ce qu'il veut).

 

4- Le Monstre aime les pirates.

 

5- Le réchauffement planétaire des 200 dernières années est dû à la baisse du nombre de pirates.

 

6- Le vendredi est un jour saint. On ne doit pas travailler le vendredi.

 

7- Chacun de nous doit s'habiller en pirate.

 

 

 

http://site.lesdoigtsbleus.free.fr/monstre_spaghettis

 

 

« Intelligent design » : LATOUR dénonce le fondamentalisme … scientifique

Latour affirme qu’il s’agit d’un « débat entre deux fondamentalismes,

le fondamentalisme religieux et le fondamentalisme scientifique »

 

Interrogé sur France-Culture, sur les procès engagés dans plusieurs États américains à propos de l’enseignement à l’école, contre le darwinisme, de la thèse de l’« intelligent design » (c’est-à-dire de la création divine), Latour affirme qu’il s’agit d’un « débat entre deux fondamentalismes, le fondamentalisme religieux et le fondamentalisme scientifique » et il ajoute qu’on en serait pas là si on n’avait pas opposé de « manière sotte », « le matérialisme et la religion ou la superstition ». Latour est un des penseurs écoutés chez les Verts et dans certaines fractions de la "deuxième gauche". Source : Denis Collin (http://brightsfrance.free.fr/denis.collin.htm ) , 10 juin 2005

 

Bruno Latour avait été déjà brocardé par nos amis Jean Bricmont et Alan Sokal dans Impostures intellectuelles. Dans notre rubrique Souvenirs souvenirs, nous reproduirons pour l’occasion  l’intégralité de la tribune que Jean-François Revel avait confiée au magazine Le Point lors de la sortie de ce livre en 1997 ; en lecture apéritive dégustons-en cette citation :

 

"Bruno Latour nous apprend, pour sa part, que le pauvre Einstein ne s’est pas compris lui-même. Heureusement, Latour vint pour révéler que " la théorie de la relativité est sociale de part en part ". Autrement dit, elles n’est pas scientifique. C’est une représentation sociale, un peu comme la chanson d’Elton John en l’honneur de Diana. Dans sa bonté, Latour rend à Einstein le service posthume de lui apporter la lumière. " Avons-nous appris quelque chose à Einstein ? " se demande-t-il en toute modestie. Oui, car " sans la position de l’énonciateur... l’argument technique d’Einstein lui-même est incompréhensible ". Qu’il le soit pour Latour paraît certain."

 

Bien sûr, Bruno Latour a bien (et doit avoir) le droit, tout comme nous, de penser, tout comme de dire et enseigner ce qu’il veut à qui veut bien l’entendre ; mais il est néanmoins légitime de nous interroger sur la signification politique d’un choix réalisé et confirmé par le ministère de l’industrie, toutes tendances gouvernementales confondues, qui considère de facto que les idées défendues par Bruno Latour sont les plus appropriées pour la formation des futurs ingénieurs de l'école des mines de Paris ... et donc en particulier de tous les futurs X-Mines, censés devenir l’élite de l’élite de notre politique industrielle, puisque c’est à lui qu’y est confié l’enseignement de la sociologie de l'innovation ... http://www.ensmp.fr/Fr/Recherche/Domaine/ScEcoSoc/CSI/CSI-infosGenerales.html 

 

 

Nous devons reconnaître que la théorie de l’évolution n’est pas complète …

estime la ministre chrétienne-démocrate de l’Education néerlandaise ,

qui veut organiser un débat entre les « défenseurs de l’évolution »

et les partisans du créationnisme et de « l’intelligence supérieure »

 

La ministre de l’Education néerlandaise Maria van der Hoeven a suscité la polémique, le samedi 21 mai, alors que l’AFIS était en assemblée générale (mais nous ne l’avons su que le lundi grâce à l’AFP) en affirmant souhaiter un débat sur l’évolution des espèces décrite par Charles Darwin et les théories de la création et de «l’intelligence supérieure » (traduction de l’expression «intelligent design »).

 

La ministre chrétienne-démocrate affirme que «nous devons reconnaître que la théorie de l’évolution n’est pas complète et que nous découvrons encore de nouvelles choses », dans un entretien publié par le quotidien national Volkskrant (centre-gauche).

 

Elle indique vouloir organiser un débat à l’automne entre les défenseurs de l’évolution, qui est généralement enseignée dans les écoles néerlandaises, et les partisans du créationnisme et de «l’intelligence supérieure ».

 

Pour les tenants de cette théorie basée sur des fondements religieux et non scientifiques, la sélection naturelle décrite par Darwin ne peut suffire à expliquer la perfection du code génétique ni l’équilibre naturel de la vie sur Terre. Ils évoquent alors une «force intelligente supérieure » comme étant à l’origine de la création.

 

Les déclarations de la ministre de l’Education ont suscité de très vives critiques, même si Mme van der Hoeven a précisé qu’elle ne veut pas introduire la théorie d’une intelligence supérieure dans l’enseignement.

 

Le professeur néerlandais de génétique Ronald Plaskerk a regretté que la ministre n’ait pas la capacité de séparer ses convictions religieuses et l’Etat.

 

«Avec ces déclarations, la ministre nous ramène en arrière », a affirmé à l’agence de presse néerlandaise ANP la députée centriste Ursie Lambrechts dont le parti appartient à la coalition gouvernementale. «Il y a six ans nous nous sommes mis d’accord pour que la théorie de l’évolution soit enseignée dans toutes les écoles, la ministre donne aujourd’hui l’impression que la théorie de l’intelligence supérieure est tout aussi crédible », a-t-elle regretté.

 

La semaine précédente, les déclarations du recteur d’une école protestante de Groningen (nord) interdisant à ses professeurs de prendre position en faveur de la théorie de l’évolution avaient déjà fait des remous aux Pays-Bas

 

 Source AFP reprise par :

http://www.topchretien.com/topinfo/affiche_info_v2.php?Id=8928

http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-05-23/2005-05-23-634809

 

 

Si le design intelligent est une théorie scientifique …

alors l'astrologie l'est aussi et les écoles devraient donc se mettre à

enseigner l'astrologie sur un pied d'égalité avec l'astronomie!

 

(Agence Science-Presse) - La comparaison est sortie lors du procès qui se déroule actuellement à Harrisburg, Pennsylvanie. Mais elle n'est pas venue de scientifiques désireux de ridiculiser le design intelligent: elle est venue du principal défenseur du design intelligent lui-même.

 

Le biochimiste Michael Behe, auteur de nombreux articles et ouvrages faisant la promotion du design intelligent, avait tout d'abord été appelé à la barre par la défense: il a donc répété sa croyance, à l'effet que le design intelligent est une théorie scientifique valide, et non de la religion. C'est le contre-interrogatoire serré de l'avocat de la partie adverse, Eric Rothschild, qui l'a mis dans l'embarras.

 

Premier point, a souligné l'avocat: selon l'Académie américaine des sciences, une théorie est, "en science, une explication argumentée de certains aspects du monde naturel qui peut incorporer des faits, des lois, des déductions et des hypothèses vérifiées". Deuxième point: le design intelligent a été rejeté par à peu près tous les scientifiques, et n'a jamais passé l'épreuve d'une publication dotée d'un comité de révision. Donc, le design intelligent ne se qualifie pas comme une théorie en vertu de cette définition.

 

Behe a dû admettre que c'était le cas, mais a ajouté du même souffle qu'il avait sa propre définition, "plus large", de ce qu'est une théorie scientifique. Rothschild a alors suggéré que sa définition était justement si large qu'elle pourrait faire de l'astrologie une théorie scientifique valide. Behe a reconnu que Rothschild avait raison.

 

Le procès, qui doit prendre fin le 4 novembre, est le résultat d'une poursuite déposée par 11 familles de l'école voisine de Dover, Pennsylvanie, qui s'opposent à ce que le design intelligent entre dans leur école. Depuis son début (voir ce texte), le mois dernier, il est devenu un symbole, dans les médias américains, de l'ampleur qu'a pris le débat créationnisme vs. évolution.

 

http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/2005/cap3110052.html

 

La théorie du design intelligent déchire les Etats-Unis d’Amérique …

Une synthèse par l’agence québécoise Agence Science-Presse

 

(Agence Science-Presse) - Pendant qu'en Pennsylvanie, un procès attire peu à peu l'attention sur ces étranges Américains qui veulent réintroduire le créationnisme dans les écoles, ailleurs aux États-Unis, les médias cherchent à comprendre le problème, et ils le trouvent jusque dans la famille Bush.

 

Déjà, il y a quelques mois, le président Bush s'était échappé: en entrevue avec la presse, il avait reconnu qu'à son avis, l'écolier devrait être exposé aux "autres théories". Voilà qu'un quotidien de Miami s'est penché vers son frère, le gouverneur de Floride Jeb Bush, et y a découvert un politicien sympathique au créationnisme, mais qui préfère ne pas le dire publiquement. Le concept du design intelligent, cette version déguisée du créationnisme, a-t-elle sa place dans les cours de science, lui a demandé le journaliste? "Je ne sais pas", a hésité le gouverneur.

 

Trois de ses adversaires possibles aux élections de 2006, deux démocrates et un républicain, disent que le design intelligent relève de la religion, et n'a, pour cette raison, pas sa place dans les écoles publiques. Un quatrième, le républicain Tom Gallagher, ne s'oppose pas à ce que évolution et création soient enseignés dans les cours de science sur un pied d'égalité.

 

C'est donc là qu'en est le débat aux Etats-Unis. Au point où, s'étonne le quotidien britannique The Guardian, le Musée d'histoire naturelle de New York, en concevant sa toute dernière exposition sur l'évolution, a dû tenir compte de la controverse qu'elle susciterait et en tenir compte dans a façon de présenter et de vulgariser la biologie.

 

C'est là qu'en est le débat parce qu'avec le temps, les créationnistes se sont raffinés. Désormais, les promoteurs du design intelligent tentent d'en faire une théorie scientifique, dans l'espoir de contourner l'interdit de faire entrer la religion dans les écoles publiques. Et dans le cadre du procès du comté d'Harrisburg, Pennsylvanie (voir ce texte), cette semaine, c'était justement le tour des témoins de la défense.

 

Ce procès, commencé le 26 septembre, est le résultat d'une poursuite déposée par huit familles (11 enfants) de la région, choquée de voir leur commission scolaire céder aux créationnistes et ouvrir toute grande la porte à l'enseignement du design intelligent. Les plaidoiries des avocats doivent suivre en novembre et le jugement pourrait être rendu début décembre.

 

Harrisburg n'est que la partie émergée de l'iceberg: de semblables débats ont lieu dans plus de 20 États, et d'ici quelques années, certains d'entre eux auront peut-être évolué jusqu'à atteindre le stade du procès. En Floride justement, l'État doit entrer l'an prochain dans une phase de révision des normes scolaires: un moment propice à une reprise du débat création vs. évolution.

Or, la Floride offre un exemple patent de ce déchirement auquel font face les Etats-Unis, souligne le journaliste scientifique Carl Zimmer sur son blogue: plus tôt ce mois-ci, le gouverneur Jeb Bush a annoncé que l'Institut de recherche Scripps avait choisi son État pour y construire un vaste campus universitaire. Le gouverneur a mené une dure bataille pour obtenir ce campus chez lui, car l'Institut Scripps n'est pas n'importe quoi: c'est l'une des plus importantes institutions de la planète en matière de recherche biomédicale, de la régénération des cellules nerveuses à la quête d'un médicament contre le sida.

 

Mais cela veut dire des recherches de pointe sur l'évolution du bagage génétique au fil du temps, sur l'évolution des structures et des fonctions des protéines au fil des milliards d'années, sur l'évolution de la résistance des bactéries aux antibiotiques... En d'autres termes, toute la recherche biomédicale de pointe est indissociable du concept d'évolution.

 

C'est donc le même gouverneur qui s'est battu pour faire venir chez lui l'Institut de recherche Scripps et qui, en même temps, semble prêt à ouvrir la porte au créationnisme dans les écoles. Depuis août, son chancelier d'État sur l'éducation, Cheryl Yecke, est une créationniste affichée. Elle avait perdu un emploi similaire au Minnesota pour cette raison, ce qui n'a pas empêché le gouverneur Bush de considérer qu'elle était la meilleure personne pour le poste.

 

http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/2005/cap1710057.html

 

 

« Science et Religion » sélection de textes

 

 

 

Teilhard de Chardin

 

par Ernest Kahane,

Professeur à l’Université de Montpellier, secrétaire général de l’Union Rationaliste

Préface de Jean Orcel,

Professeur au Muséum, Vice-président de l’Union Rationaliste

Publications de l’Union Rationaliste, 1960

 

 

Teilhard et le transformisme (p. 91-101)

 

La reconnaissance de l'Evolution, et son universelle généralisation ne sont pour [TEILHARD] qu'un premier pas dans la voie où il va s'engager allègrement, et qui est destinée à le conduire aux thèses spiritualistes. (…) L'évolution étant constatée, [il s’efforce de] démontrer que l'évo­lution est dirigée. TEILHARD reste sur le terrain de l'observation, il ne s'agit pas d'introduire, ou il ne s'agit pas encore d'introduire une direction person­nalisée, le principe directeur lui-même n'est pas désigné, il nous demande simplement de faire un pas de plus avec lui, et de reconnaître benoîtement que l'Evolution est irréversible, et qu'elle ne se fait pas au hasard.

 

« La Science dans des ascensions, et même... l' Humanité dans sa marche, piétinent en ce moment sur place, parce que les esprits hésitent à reconnaître qu'il y a une orien­tation précise et un axe privilégié d'évolution. » (Le Phénomène humain, 154.)

 

Devons-nous faire ce pas avec lui ? Si nous le faisons, serons-nous fatalement entraînés, comme il le croit, à abandonner notre position matérialiste, et, qui sait ? à admettre avec lui que « l'Evolution est transformation primairement psychique. » (Le Phénomène humain, 183.)

 

[Le spiritualisme de TEILHARD] est finaliste par nature et par destination, alors que BERGSON voyait subti­lement dans le finalisme un mécanisme à rebours. L'Evolution est justifiée pour TEILHARD par un appel vers tout ce que résume le Point Oméga.

 

« L'Evolution n'est point « créatrice », comme la Science a pu le croire un moment.. mais elle est l'expression pour notre expérience, dans le Temps et l'Espace, de la création. » (La place de l'Homme dans l'Univers, 1942.)

 

Pour mieux se défier de ce qui est en germe dans [le] postulat spiritualiste [de TEILHARD], il est prudent de le considérer comme surajouté, ce qui le fait apparaître avec son véritable caractère : il est nécessaire pour la fin apologétique, non pour la synthèse scientifique. En effet, il est aisé de l'écarter, même au niveau de la loi de Complexité­ - Conscience.

 

Là, il est cependant indispensable d'être plus vigilant encore que de coutume, pour n'accepter que ce qui s'impose rationnellement, c'est-à-dire en toute objectivité, à l'écart de tout présupposé métaphysique. « Votre parti - pris matérialiste, nous dira-t-on, est un présupposé comme un autre, et il est métaphysique comme tout présupposé. » Non. La matière, c'est la réalité, et la réalité, c'est la matière. Et notre matérialisme consiste à tout accepter, à tout étudier de la réalité, que nous considérons comme connaissable, et comme existant en dehors de la conscience que nous en prenons. Si notre conception actuelle de la matière est insuf­fisante, et bien sûr qu'elle est insuffisante, nous la réformerons, à mesure que nous en saurons davan­tage sur la réalité, c'est-à-dire sur elle. Que des propriétés insoupçonnées de la matière se découvrent à nos yeux, et bien sûr qu'il s'en découvrira, il n'en résultera pour nous qu'une conception plus riche et plus adéquate de la réalité.

 

Notre matérialisme consiste à refuser d'aller plus vite que la science. Anticipons autant que nous voulons, ou plutôt autant que nous pouvons, dans le système, la théorie, l'hypothèse scientifiques, donnons-nous-en à cœur joie. Mais que nos cons­tructions restent de caractère scientifique! Si elles rassemblent des faits établis pour en faire une synthèse, si elles généralisent des lois démontrées pour en faire un système, que ce soit avec l'ambi­tion légitime de fournir une théorie explicative, fort bien, mais que ce soit aussi, suivant le schéma le plus classique, pour aboutir à la pratique et à l'expérience, par lesquelles la théorie est sommée de fournir la preuve de sa conformité avec le réel. Hors de là, il n'y a que fantaisie, et ce que LAN­GEVIN appelait dévergondage intellectuel.

 

Nous avons trop été leurrés par des constructions qui se disaient scientifiques, parce qu'elles étaient rationnelles, rationnelles parce qu'elles étaient cohé­rentes, cohérentes parce qu'elles étaient logiques. Nous ne voulons plus de ce prétendu rationalisme. Le rationalisme scientifique exige, bien entendu, qu'une construction soit logique et cohérente, mais il lui demande avant tout d'être adéquate. Parfai­tement, avant tout! Car c'est en cherchant à faire adéquat que logique et cohérence se sont imposées à notre esprit comme des moyens de l'adéquation et non comme des données de notre pensée et comme des fins par elles-mêmes.

 

TEILHARD nous amène, bien que ce soit par des chemins où nous nous aventurons parfois avec quelque méfiance, à la loi de Complexité - Cons­cience, qui satisfait incontestablement notre goût de la logique. Il y a bien quelques entorses à la cohérence, quand ce ne serait qu'à cause des micro­organismes, de l'ensemble du règne végétal, ou, dans le règne animal, des arguments que cite BOU­NOURE pour montrer qu'un mollusque peut être parfois supérieur à un poisson, ou de ceux que cite PIÉRON, tirés du niveau élevé de comportement de certains céphalopodes, ou de la richesse d'ins­tinct des hyménoptères. Il ne faut sans doute pas minimiser ces arguments, car la grande divergence de nature et de développement entre les facultés de ces invertébrés et des vertébrés s'oppose, d'après PIÉRON, « à la notion d'une évolution tout entière dirigée vers l'homme, comme l'ont conçue Teilhard de Chardin ou Vandel. »

 

N'importe, nous passerons là-dessus, et nous nous demanderons si, en gros, la loi de Complexité­ - Conscience est adéquate au réel. Je serais tenté de répondre positivement, ou tout au moins de lui faire crédit. Mais il n'y a pas à se le demander, ce n'est pas à nous de répondre à cette question! C'est la nature qui répondra, lorsque nous aurons trouvé la façon de lui poser la question. D'ici là, la loi est en observation. De ma part, avec le préjugé favorable.

 

De ce préjugé favorable pour la loi de Complexité­ - Conscience ne résulte nullement que j'abonde dans le sens du caractère « primairement psychique ») de l'Evolution, ni même dans celui d'une « direction » de l'Evolution. Orientation précise, axe privilégié, oui. Je suis sûr qu'il y a quelque chose à trouver par là, car tout se dresse en mon esprit contre une conception mécaniquement probabiliste de l'évo­lution, qui se ferait au gré du pur hasard. Une solution en s'évaporant donnerait tels cristaux et non tels autres par la loi qui préside à l'évolution des ions ou des molécules dispersés dans le solvant, et la transformation des espèces ne serait régie par aucune loi? Toutes modifications seraient égale­ment possibles, elles seraient toutes au départ éga­lement probables ? Absurde!

 

Dans l'attente de sonder le déterminisme élé­mentaire de ces transformations - dont on approche - il est évidemment permis d'examiner globalement les phénomènes observés et de traduire la courbe que dessine l'évolution. C'est ce que fait TEILHARD, et c'est œuvre scientifique. A la condition d'éviter les pièges de l'anthropomorphisme, de ne pas donner au mot direction un sens qui incline l'esprit à admettre l'intervention d'une volonté, et à plus forte raison d'un caprice, dans la marche de la nature, et surtout de ne pas voir du psychique là où sa présence n'est pas démontrée.

 

Ce n'est pas le parti-pris matérialiste qui nous empêche d'admettre conscience et amour comme attributs universels de la matière : c'est l'absence de tout argument convaincant. Qu'on vienne à nous en fournir, notre matérialisme nous ferait une loi de l'admettre, et il en sortirait enrichi et plus vigoureux que jamais!

 

 

le finalisme de Teilhard (p. 102-110)

 

Comme dans tout système, il y a une méthode dans celui de TEILHARD. La méthode repose essen­tiellement sur « deux options primordiales», c'est lui qui les qualifie de la sorte. Elles montrent bien que l'œuvre de TEILHARD n'est pas spiritualiste parce qu'une logique interne la porte vers une conclusion spiritualiste, mais par principe, au sens plein du terme.

 

« Deux options primordiales... s'ajoutent l'une à l'autre pour supporter et commander tous les développements. La première est le primat accordé au psychique et à la Pensée dans l'Etoffe de l'Univers. Et la seconde est la valeur « biologique » attribuée  au Fait Social autour de nous. » (Le Phénomène humain, 22-23.)

 

A ces deux options explicitées par TEILHARD lui-même, j'en ajouterai volontiers une troisième, qui contribue à mon sens à fausser sa construction dans le sens idéaliste, et qui s'exprime avec clarté dans le passage suivant :

 

« En vertu de la qualité et des propriétés biologiques de la Pensée, nous nous trouvons placés en un point singulier, sur un nœud, qui commande la fraction entière du Cosmos actuellement ouvert à notre expérience. Centre de pers­pective, l'Homme est en même temps centre de construction de l'Univers. » (Le Phénomène humain, 27.)

 

Effectivement, dans sa synthèse philosophique, et sans paraître avoir conscience de la contradiction, TEILHARD se place résolument sur un terrain anthropocentriste, alors que son œuvre scientifique, comme toute œuvre scientifique, s'évade, par approximations successives, de l'anthropocentrisme. N'est-ce pas par cette voie que l'Astronomie est passée de la conception géocentrique à la conception héliocentrique du système solaire ?

 

Cette contradiction n'est pas un accident, elle résulte de l'objet même de l'œuvre philosophique de TEILHARD. On ne le répétera jamais assez, il s'agit d'une tentative de synthèse de la science et de la foi, solidairement unies et totalement inter­pénétrées. Et il n'y a aucune commune mesure entre une telle entreprise et la juxtaposition à laquelle procédaient ses devanciers, qui, en défi­nissant les domaines distincts de l'une et de l'autre, ne faisaient que mieux marquer leur irréductible antinomie. Le terrain consciemment choisi par TEILHARD est celui de la conciliation, et la prodi­gieuse audace d'un tel effort est un des éléments principaux, parmi ceux qui font l'originalité et la grandeur de son œuvre.

 

La tentative de conciliation, née de la contra­diction, mènerait à l'échec, me semble-t-il dans ce cas particulier, si TEILHARD se montrait par­faitement conséquent en tant que chrétien et en tant que savant. L'audace de TEILHARD consiste à se placer sans hésiter dans une position qui lui paraisse acceptable du point de vue de la science comme du point de vue de la religion, et à essayer de justifier celle-ci par celle-là, en restant aussi parfaitement scrupuleux qu'il est possible. Le res­sort de la conciliation qu'il tente est le finalisme, et c'est ainsi qu'il est amené à nous montrer Dieu à l'issue plutôt qu'à l'origine des choses, et même à le renvoyer à l'infini, si j'ose ainsi m'exprimer, car le point Oméga, tout pôle d'une sphère qu'il soit dans l'image géométrique, n'en a pas moins tous les attributs d'une limite dont on approche, mais qu'on n'atteint pas .

 

On en a souvent parlé, et beaucoup en ont été troublés. On s'est posé la question: en marquant le point Oméga comme un aboutissement, en le plaçant en avant de nous, et en assimilant - claire­ment pour lui, obscurément pour nous - cet abou­tissement à une apothéose chrétienne, TEILHARD DE CHARDIN ne dénature-t-il pas décisivement la légende édénique du Paradis perdu? Peu importe, nous n'avons pas à nous préoccuper des concilia­tions sans espoir qui ne nous concernent pas...

 

Il semble bien que TEILHARD soit allé aussi loin qu'il lui paraissait possible dans la voie des libertés à prendre avec la religion établie. Il a été beaucoup plus respectueux de la méthode scientifique, mais n'en a pas moins fait place à ce qui, seul, pouvait le conduire sur le terrain de conciliation; c'est pourquoi le finalisme est constitutif de sa pensée philosophique et n'a nullement la valeur d'un accident sur lequel il aurait trébuché en édifiant son système.

 

[L’oeuvre de Teilhard] s'épanouit en un véritable feu d'artifice spiritualiste, non par la logique interne de son développement, mais parce qu'elle a été conçue à cette fin, et qu'elle n'avait pas d'autre objet que celui-là.

Soyons sûr que s'il n'y avait pas eu de trou à boucher, TEILHARD en aurait creusé lui-même... et il était assez fin, sa construction est assez con­certée, pour que ce ne soit pas à la demande et sur le champ qu'apparaissent ces artifices, mais pour qu'ils soient de longue main préparés et se présentent à point nommé. Pour le lecteur insuf­fisamment circonspect, ils résultent alors de la marche même des choses, la réponse finaliste avec ses amplifications spiritualistes apparaît comme dictée par la nature et non par quelque idée préconçue, au point que le matérialiste lui-même, s'il n'était prévenu, serait ébranlé et se prendrait à douter de la solidité de sa doctrine.

 

Mais si grande que soit notre admiration pour TEILHARD, nous ne devons avoir aucune complai­sance pour sa pensée, lorsqu'elle échappe au con­trôle de la raison telle que nous l'entendons. En voici un dernier exemple :

 

« Sous la pression combinée de la Science et de la Philo­sophie, le Monde s'impose de plus en plus à notre expé­rience et à notre pensée comme un système lié d'activité s'élevant graduellement vers la liberté et la conscience. La seule interprétation satisfaisante de ce processus... est de le regarder comme irréversible et contingent.(…). Ainsi se définit, en avant de nous, un Centre cosmique universel où tout aboutit, où tout s'explique, où tout se sent, où tout se commande. Eh bien, c'est en ce pôle phy­sique de l'universelle évolution qu'il est nécessaire, à mon avis, de se placer et de reconnaître la plénitude du Christ. Car dans nulle autre espèce de Cosmos et à nulle autre place, aucun être, si divin soit-il, ne saurait exercer la fonction d'universelle consolidation et d'universelle ani­mation que le dogme chrétien reconnaît à Jésus. Autrement dit, le Christ a besoin de se trouver au sommet du Monde pour sa consommation comme il a eu besoin de trouver une Femme pour sa conception ». (Comment je crois, Pékin, 1934.)

 

Le finalisme s'épanouit en adoration!

 

Singulière aventure d'un esprit puissant! A quel prix est donc acquis le fragile équilibre dont se targue TEILHARD! Et comme sa conclusion est faite pour rendre rétrospectivement suspecte une bonne partie de l'enchaînement de ses idées!

 

 

Image de Teilhard (p. 117-120)

 

[le Père TEILHARD DE CHARDIN] restera le héros d'un effort surhumain, de la tentative désespérée d'une impossible unité de la Science et de la Religion. Un esprit médiocre peut se leurrer sur les obstacles qu'on y rencontre. Pas TEILHARD. Il a fait tout ce qu'il pouvait, j'oserai dire tout ce qui se pouvait, pour la conciliation.

Notez que pour cela, il n'a rien altéré de la Science, qu'il a épousée dans son ensemble et dans son détail, poussant la superbe jusqu'à aller parfois plus loin que les matérialistes les mieux déclarés parmi ses devanciers. Il lui a fallu par contre, forcer la religion chrétienne jusqu'au voisinage du point de rupture, et il n'a pas hésité à braver la désapprobation des autorités dont il dépendait.

 

Maître de la dialectique, il a tiré à peu près tout ce que pouvait donner l'instrument le plus souple au service de l'intelligence la plus avisée. Il n'est rien, dans l'infini du Temps, en arrière, en avant de nous, dans celui de l'Espace, dans celui de la Matière et de l'Energie, dans celui de la Vie et de la Pensée, dont il n'ait fait usage pour étayer sa synthèse, sa prodigieuse tentative de conciliation du matérialisme et du spiritualisme, de la Science et de la Religion.

 

Le magnifique effort du Père TEILHARD DE CHARDIN se solde par un échec, sur le point qui précisément lui tenait le plus à cœur. De son œuvre passionnée et majestueuse qu'il a voulu héroïque­ment édifier comme un monument solidaire de la science, de la poésie et de la foi chrétienne, nous retenons avec gratitude ce qui est entièrement cohérent avec la science, nous rejetons, après étude, ce qui est du domaine de l'apologétique. Nous constatons qu'il n'est conduit à l'apologétique que parce que cette préoccupation était la sienne dès le départ de son travail. Elle est au terme parce qu'elle se trouvait déjà à la source.

Nous discernons dans son œuvre les minuscules détails par lesquels le spiritualisme s'insinue d'abord dans la synthèse scientifique, se développe ensuite avec elle, pour finir par envahir la pensée et la conduire à un christianisme qui, tout rénové qu'il soit, est une construction dont la nécessité ne s'impose nullement à l'esprit non prévenu

 

 

 

Science et religion : quelle convergence ?
Par le professeur Richard Dawkins

du réseau international des Brights

 

« La convergence ? Uniquement quand cela les arrange.

Pour quelqu'un qui juge honnêtement les choses,

ce soi-disant mariage entre la religion et la science

est une imposture médiocre, vide et habilement enjolivée. »

 

 

La science et la religion convergent-elles ? Non.

Il existe de nos jours des scientifiques dont les écrits semblent religieux mais dont les convictions, quand on les examine de près, se révèlent identiques à celles d'autres scientifiques qui se décrivent comme athées. Le livre lyrique d'Ursula Goodenough, Les Profondeurs Sacrées de la Nature (The Sacred Depths of Nature), est vendu comme un livre religieux, est recommandé par des théologiens sur la quatrième de couverture, et ses chapitres sont profusément truffés de prières et de méditations dévotes.

 

Pourtant, de l'aveu même du livre, Ursula Goodenough ne croit en aucune sorte d'être suprême et ne croit en aucune espèce de vie après la mort. Selon une compréhension normale de la langue anglaise, elle n'est pas plus religieuse que moi. Elle partage avec d'autres scientifiques athées un sentiment d'émerveillement devant la majesté de l'univers et l'extrême complexité de la vie. De fait, le message sur la couverture de son livre – selon lequel la science ne "pointe pas vers une existence morne, vide de sens et sans but" mais au contraire "peut être une source jaillissante de réconfort et d'espoir" – aurait pu tout aussi bien convenir à mon livre Les Mystères de l'Arc-en-Ciel ou au livre La Tache Bleu Pâle (Pale Blue Dot) de Carl Sagan. Si c'est là de la religion, alors je suis un homme profondément religieux. Mais ce n'en est pas. Et je ne le suis pas. Pour autant que je puisse en juger, ma position "athée" est identique à la position "religieuse" d'Ursula. L'une de nous deux fait un mauvais usage de la langue anglaise, et je ne pense pas que ce soit moi.

 

Il se trouve que Goodenough est une biologiste, mais cette sorte de pseudo-religion néo-déiste est plus souvent associée à des physiciens. Dans le cas de Stephen Hawking, je me hâte de le préciser, cette accusation est injuste. Son expression que l'on cite tant, "l'esprit de Dieu", ne révèle pas plus une croyance en Dieu que lorsque je dis "Dieu seul le sait" pour signifier que je ne sais pas. Je subodore qu'il en est de même pour Einstein quand il invoquait le "bon Dieu" pour personnifier les lois de la physique. Malgré cela, Paul Davies a adopté cette expression de Hawking pour en faire le titre d'un livre, lequel a ensuite remporté le Prix Templeton pour le Progrès en Religion, actuellement le prix le plus lucratif au monde, suffisamment prestigieux pour être présenté dans l'Abbaye de Westminster. Le philosophe Daniel Dennet m'a un jour fait remarquer sur un ton à la Faust : "Richard, si jamais vous traversez une mauvaise passe financière…"

 

Si vous comptez Einstein et Hawking dans les rangs des religieux, si vous estimez que l'émerveillement cosmique de Goodenough, Davies, Sagan et moi-même est de la vraie religion, alors la religion et la science ont effectivement fusionné, surtout si l'on prend en compte des prêtres athées comme Don Cupitt et de nombreux chapelains d'université. Mais si on affuble le terme de religion d'une définition aussi élastique et flasque, quel mot reste-t-il pour la religion conventionnelle, la religion telle qu'une personne ordinaire sur son banc d'église ou son tapis de prière la comprend aujourd'hui – ou d'ailleurs, telle que l'aurait comprise n'importe quel intellectuel dans les siècles passés, à l'époque où les intellectuels étaient aussi religieux que tout le monde ?

Si Dieu est synonyme des plus profonds principes de la physique, quel mot reste-t-il pour désigner un être hypothétique qui répond aux prières, intervient pour sauver les malades du cancer ou aider l'évolution à faire des sauts difficiles, pardonne les péchés ou meurt pour eux ? Si nous sommes autorisés à re-catégoriser l'émerveillement scientifique en élan religieux, alors toute cette affaire n'est que du maquillage. Vous avez redéfini la science comme une religion, et il n'est donc pas surprenant que les deux semblent "converger".

Certains ont prétendu qu'il existait une autre sorte de mariage, cette fois-ci entre la physique moderne et le mysticisme oriental. L'argument est le suivant : la mécanique quantique, cette théorie aux succès brillants qui est le vaisseau amiral de la science moderne, est profondément mystérieuse et difficile à comprendre. Les mystiques orientaux ont toujours été profondément mystérieux et difficiles à comprendre. Par conséquent, les mystiques orientaux étaient sûrement en train de parler de théorique quantique.

 

De tels échafaudages ont été édifiés sur le principe d'incertitude de Heisenberg ("Finalement, ne sommes nous pas tous incertains, d'une certaine façon ?"), la logique floue ("oui, vous avez le droit d'être flou vous aussi"), le chaos et la théorie de la complexité (l'effet papillon, la beauté platonique et cachée de l'ensemble de Mandelbrot – nommez n'importe quoi, et quelqu'un l'aura sûrement mysticisé et transformé en dollars). Vous pouvez acheter autant de livres que vous voulez sur la "guérison quantique", sans parler de la psychologie quantique, la responsabilité quantique, la moralité quantique, l'immortalité quantique et la théologie quantique. Je n'ai pas encore trouvé de livres sur le féminisme quantique, la gestion financière quantique ou la théorie afro-quantique, mais ça ne saurait tarder.

 

Tout ce business peu reluisant est mis à jour avec talent par le physicien Victor Stenger dans son livre Le Quantum Inconscient (The Unconscious Quantum), d'où est tirée la perle qui suit. Dans une conférence sur "La guérison afrocentrique", la psychiatre Patricia Newton a dit que les guérisseurs traditionnels "sont capables de s'alimenter à cet autre domaine d'entropie négative – cette vélocité superquantique et fréquence d'énergie électromagnétique – et de servir de tuyau pour les faire descendre à notre niveau. Ce n'est pas de la magie. Ce n'est pas du charabia. Vous verrez l'aube du 21ème siècle, la nouvelle physique quantique médicale distribuer réellement ces énergies et ce qu'elles font."

 

Désolé, mais charabia est le mot exact qui convient. Pas du charabia de sorcier africain, mais du charabia pseudo-scientifique, jusqu'à l'usage abusif mais caractéristique du mot énergie. C'est aussi de la religion, travestie en science dans une sirupeuse orgie de convergence fictive.

 

En 1996 le Vatican, tout frais sorti de sa réconciliation magnanime avec Galilée, à peine 350 ans après sa mort, a annoncé publiquement que l'évolution venait d'être promue du rang d'hypothèse provisoire à celui de théorie scientifique acceptée. Cela est moins stupéfiant que beaucoup de protestants américains ne le pensent, car l'Eglise Catholique Romaine n'a jamais été réputée pour son littéralisme biblique. Au contraire, elle a traité la Bible avec suspicion, comme quelque chose s'approchant d'un document subversif, qui devait être soigneusement filtrée par des prêtres plutôt que d'être donnée toute crue aux congrégations. Le message récent du pape sur l'évolution a malgré tout été célébré comme un exemple supplémentaire de la convergence entre science et religion en cette fin du 20ème siècle.

 

Les réponses au message du pape ont révélé les pires travers de nombreux intellectuels à l'esprit large, qui se sont bousculés dans leur enthousiasme à concéder à la religion son propre magistère, d'égale importance à celui de la science mais sans lui être opposé. Une telle conciliation agnostique est, encore une fois, facile à confondre avec une authentique convergence d'esprit.

 

Dans ce qu'elle a de plus naïf, cette lâche politique de conciliation compartimente le territoire intellectuel entre "questions sur le comment" (la science) et "questions sur le pourquoi" (la religion). Que sont ces "questions sur le pourquoi", et pourquoi nous sentons-nous le droit de penser qu'elles méritent une réponse ? Il se peut qu'il existe de profondes questions concernant le cosmos qui sont pour toujours hors d'atteinte de la science. L'erreur est de croire qu'elles sont par conséquent à portée de la religion.

 

J'ai un jour demandé à un astronome distingué, une autorité de mon université, de m'expliquer la théorie du Big Bang. Il l'a fait du mieux de ses capacités (et des miennes), et j'ai ensuite demandé ce qu'il y avait dans les lois fondamentales de la physique qui rendait possible l'origine spontanée de l'espace et du temps. "Ah," a-t-il souri, "a présent nous sortons du domaine de la science. C'est ici que je dois vous remettre entre les mains de notre bon ami le chapelain". Mais pourquoi le chapelain ? Pourquoi pas le jardinier ou le cuistot ? Bien sûr, contrairement aux cuistots et aux jardiniers, les chapelains affirment avoir quelque clairvoyance en ce qui concerne les questions ultimes. Mais quelles raisons avons-nous de prendre leurs affirmations au sérieux ? Une fois de plus, je soupçonne mon ami le professeur d'astronomie d'avoir utilisé l'astuce de Einstein/Hawking consistant à utiliser "Dieu" pour dire "Ce que nous ne comprenons pas". Cela ne serait qu'une astuce sans gravité si elle n'était pas continuellement mal comprise par ceux qui meurent d'envie de ne pas la comprendre. De toute façon, les optimistes parmi les scientifiques – et j'en fais partie – répètent que "ce que nous ne comprenons pas" signifie seulement "ce que nous ne comprenons pas encore". La science continue à travailler sur la question. Nous ne savons pas où, ou même si, nous serons finalement à court d'explications.

 

La conciliation agnostique, cette attitude de complaisance polie qui consiste à faire des contorsions pour concéder le plus de choses possibles à quiconque crie suffisamment fort, atteint des sommets grotesques dans l'exemple de raisonnement vaseux qui suit. Cela donne à peu près ceci : On ne peut pas prouver une négation (jusque-là ça va). La science n'a aucun moyen de réfuter l'existence d'un être suprême (c'est strictement vrai). Par conséquent, la croyance ou l'incroyance en un être suprême est une affaire de pure préférence individuelle, et les deux méritent la même considération respectueuse ! Quand on dit cela comme ça, le vice de raisonnement est presque flagrant; on a à peine besoin d'en détailler les conséquences absurdes. Comme le dit mon collègue le physicien chimiste Peter Atkins, nous devons être tout aussi agnostique envers la théorie selon laquelle il y a une théière en orbite autour de la planète Pluton. On ne peut pas prouver le contraire. Mais cela ne veut pas dire que la théorie selon laquelle il y a une théière est au même niveau que la théorie selon laquelle il n'y en a pas.

 

Maintenant, si l'on nous rétorque qu'il y existe effectivement des raisons X, Y et Z pour lesquelles il est plus plausible de trouver un être suprême qu'une théière, alors X, Y et Z doivent être clairement précisées – car si elles sont légitimes, elles représentent des arguments scientifiques qui doivent être évalués. Ne les protégez pas des regards indiscrets derrière un écran de tolérance agnostique. Si les arguments religieux sont vraiment meilleurs que la théorie de la théière d'Atkins, accordons-leur notre attention. Sinon, que ceux qui se disent agnostiques concernant la religion ajoutent qu'ils sont tout aussi agnostiques envers les théières en orbite. En même temps, les théistes modernes pourraient reconnaître que, en ce qui concerne Baal et le veau d'or, Thor et Wotan, Poséidon et Apollon, Mithra et Amon Ra, ils sont en fait athées. Nous sommes tous athées envers la plupart des dieux auxquels l'humanité a cru un jour. Certains d'entre nous se contentent de rajouter un dieu à la liste.

 

Quoi qu'il en soit, l'opinion selon laquelle la religion et la science occupent des magistères séparés est malhonnête. Elle s'effondre devant le fait indéniable que les religions continuent à faire des affirmations concernant le monde, et qu'après analyse ces affirmations se révèlent être des assertions scientifiques. De plus, les apologistes religieux essayent d'avoir le beurre et l'argent du beurre. Quand ils parlent avec des intellectuels, ils évitent soigneusement de marcher sur les plates-bandes de la science, à l'abri dans leur séparé et invulnérable magistère religieux. Mais quand ils parlent à un auditoire de masse non-intellectuel, ils utilisent sans pudeur des histoires de miracles – lesquelles sont des intrusions flagrantes dans le territoire scientifique.

La Naissance Virginale, la Résurrection, le réveil de Lazare, et même les miracles de l'Ancien Testament : tous sont abondamment utilisés dans la propagande religieuse, et ils sont très efficaces devant un auditoire de gens simples et d'enfants. Chacun de ces miracles représente une violation du fonctionnement normal du monde naturel. Les théologiens devraient faire un choix. Vous pouvez prétendre avoir votre propre magistère, séparé de celui de la science mais tout de même digne de respect. Mais dans ce cas, il vous faut renoncer aux miracles. Ou bien vous pouvez conserver votre Lourdes et vos miracles et bénéficier de leur énorme pouvoir de recrutement parmi la population non éduquée. Mais alors il faudra dire adieu aux magistères séparés et à votre noble aspiration à converger avec la science.

 

Le désir d'avoir le beurre et l'argent du beurre n'est pas surprenant chez tout bon propagandiste. Ce qui est surprenant, c'est que des agnostiques ouverts n'hésitent pas à leur emboîter le pas et à dénigrer, comme s'ils étaient des extrémistes simplistes et insensibles, ceux d'entre nous qui ont la témérité de sortir le carton rouge. Ceux qui sortent le carton rouge sont accusés d'inventer une caricature de la religion dans laquelle Dieu aurait une longue barbe blanche et vivrait dans un lieu physique appelé ciel. De nos jour, nous dit-on, la religion a dépassé ce stade. Le ciel n'est pas un lieu physique et Dieu n'a pas un corps physique sur lequel reposerait une barbe. Ma foi oui, comme c'est admirable : des magistères séparés, une vraie convergence. Mais la doctrine de l'Assomption a été définie comme un Article de Foi par le pape Pie XII à la date récente du 1er novembre 1950, et doit être acceptée par tous les catholiques. Elle affirme clairement que le corps de Marie a été emmené au ciel et réuni avec son âme. Comment interpréter cela autrement que par le fait que le ciel est un lieu physique qui contient des corps ? Je le répète, il ne s'agit pas d'une tradition désuète et obsolète qui aurait un sens purement symbolique. Cette doctrine a été officiellement, et récemment, déclarée comme étant littéralement vraie.

 

La convergence ? Uniquement quand cela les arrange. Pour quelqu'un qui juge honnêtement les choses, ce soi-disant mariage entre la religion et la science est une imposture médiocre, vide et habilement enjolivée.

 

Article paru dans FORBES - Traduit par Tomas Zartregu

 

 http://brightsfrance.free.fr/Dawkins science et religion.htm

 

 

 

Science et religion : l’irréductible antagonisme.

par le professeur Jean Bricmont

président de l’Association Française pour l’Information Scientifique

 

« Si nous prenons en main un volume quelconque,

de théologie ou de métaphysique scolastique, par exemple, demandons-nous :

Contient-il des raisonnements abstraits sur la quantité ou le nombre ?

Non.

Contient-il des raisonnements expérimentaux sur des questions de fait et d’existence ?

Non.

Alors, mettez-le au feu, car il ne contient que sophismes et illusions. »

David Hume[ii]

 

 INTRODUCTION

 

 Il semble que l’heure soit au dialogue, après des siècles de conflit et de séparation, entre science et foi, ou science et théologie. On ne compte plus les séminaires et les rencontres consacrés à ce thème. Des scientifiques éminents comme Friedrich von Weizsacker et Paul Davies ont reçu le prix « pour le progrès de la religion » , offert par la fondation Templeton. L’American Association for the Advancement of Science a organisé récemment (en avril 1999) un débat public sur l’existence de Dieu[iii]. L’hebdomadaire Newsweek n’hésite pas à proclamer sur sa couverture que « la science découvre Dieu » (27 juillet 1998). Plus près de nous, l’Université Interdisciplinaire de Paris[iv] (UIP) organise de nombreuses conférences sur le thème de la convergence entre science et foi, avec la participation de scientifiques de très haut niveau et cette « université » jouit de soutiens puissants. Le ‘positivisme’ n’est plus de mise en philosophie et la science, post-quantique et post-gödelienne, s’est faite modeste. D’autre part, les théologiens se sont mis à l’écoute de la science qu’ils ont renoncée à contredire ou à régenter. Tout ne va-t-il pas pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Non. Je vais plaider une thèse qui va à l’encontre de cette tendance et montrer que, si elles sont bien comprises, la démarche scientifique et la démarche religieuse sont en fait inconciliables. Évidemment, la démarche religieuse est aujourd’hui difficile à cerner, parce qu’elle est devenue terriblement vague et diversifiée, ce qui rend la critique malaisée. On peut toujours me répondre que je n’ai pas compris l’essence de la démarche et me renvoyer à la lecture d’un nouvel auteur. Je limiterai par conséquent ma critique à quatre axes qui me semblent caractériser les principales attitudes adoptées aujourd’hui par les croyants face à la science : d’abord, le concordisme, c’est-à-dire l’idée que la science bien comprise mène à la religion. Deuxièmement, la doctrine, opposée à la première, selon laquelle il existe différents ordres de connaissance, l’un réservé à la science, l’autre à la théologie (avec parfois la philosophie entre les deux). Troisièmement, la thèse, réactualisée récemment par le paléontologue Steven Jay Gould[v], affirmant que la science et la religion ne peuvent pas entrer en conflit parce que l’une s’occupe de jugements de fait, l’autre de jugements de valeur. Et, finalement, ce qu’on pourrait appeler le subjectivisme ou le postmodernisme chrétien. Pour conclure, je ferai quelques remarques sur l’actualité et l’importance de l’athéisme.

 

Pour le dire d’un mot, la racine de l’opposition entre science et religion porte essentiellement sur les méthodes que l’humanité doit suivre pour obtenir des connaissances fiables, quel que soit l’objet de ces connaissances. Un des principaux effets que la naissance des sciences modernes a eu sur notre façon de penser, c’est la prise de conscience, à l’époque des Lumières, des limites que la condition humaine impose à nos possibilités d’acquérir des connaissances qui vont au delà de l’expérience. Par ailleurs, je suis parfaitement conscient du fait que les idées avancées ici ne peuvent paraître neuves que dans la mesure où elles ont été en partie oubliées. Néanmoins, la confusion qui existe dans une partie du monde intellectuel à propos des rapports entre science et religion force malheureusement les incroyants à réaffirmer régulièrement leurs propres « vérités éternelles »[vi].

 

LE CONCORDISME

 

« N’y a-t-il pas quelque chose d’un peu absurde dans le spectacle d’êtres humains qui tiennent devant eux un miroir et qui pensent que ce qu’ils y voient est tellement excellent que cela prouve qu’il doit y avoir une Intention Cosmique qui, depuis toujours, visait ce but...Si j’étais tout-puissant et si je disposais de millions d’années pour me livrer à des expériences, dont le résultat final serait l’Homme, je ne considérerais pas que j’aurais beaucoup de raisons de me vanter. » Bertrand Russell[vii].

           

L’idée selon laquelle il existe une sorte de convergence entre science et religion est ancienne mais cette approche, après avoir été plus ou moins mise de côté pendant des années, connaît aujourd’hui un regain d’intérêt[viii]. Ses partisans soutiennent que la science contemporaine elle-même offre de bons arguments en faveur de l’existence d’une transcendance ; contrairement à la science classique, matérialiste, du 18e siècle, la mécanique quantique, le théorème de Gödel, le Big Bang, et parfois la théorie du chaos, nous offrent une image réenchantée du monde, indiquent les « limites » de la science et suggèrent un au-delà. Un exemple typique de ce genre de raisonnement est basé sur le « principe anthropique » : des physiciens ont calculé que, si certaines constantes physiques avaient été très légèrement différentes de ce qu’elles sont, l’univers aurait été radicalement différent de ce qu’il est et, en particulier, que la vie et l’homme auraient été impossibles. Il y a donc là quelque chose que nous ne comprenons pas ;  l’Univers semble avoir été fait de façon très précise afin que nous puissions en faire partie. En fait, il s’agit d’une nouvelle version de ce que les anglo-saxons appellent « the argument from design » , à savoir que l’univers semble avoir été fait en fonction d’une certaine finalité et que cette finalité elle-même témoigne de l’existence d’un Grand Architecte[ix].

 

Les scientifiques non-croyants répondent de différentes façons à ce genre d’arguments : par exemple, on peut dire que la situation est temporaire et que d’autres phénomènes qui, dans le passé, ont été considérés comme des preuves évidentes de l’existence de la Providence, tels que l’extrême complexité des êtres vivants, ont été, en principe, expliqués scientifiquement. Par ailleurs, rien ne dit que l’univers observé est le seul qui existe et, s’il en existe plusieurs ayant des propriétés physiques différentes, nous nous trouverons forcément dans un de ceux où la vie est possible[x].

 

Mais cela ne va pas au fond du problème : les scientifiques « matérialistes » ne sont en général pas assez matérialistes ou, en tout cas, pas assez darwiniens (dans un certain sens du terme). La tradition religieuse ainsi qu’un narcissisme évident nous a laissé l’illusion que nous étions le centre de l’univers et le sommet de la création[xi]. Mais dans la vision scientifique du monde, nous ne sommes, métaphoriquement parlant, qu’un peu de moisissure perdue sur une planète quelque part dans l’univers, et que la pression de la sélection naturelle a muni d’un cerveau. En particulier, il n’y a strictement aucune raison de croire que nous pouvons répondre à toutes les questions que nous nous posons[xii]. Et il est normal qu’il y ait de l’inexpliqué et du mystérieux dans le monde — c’est l’inverse qui serait surprenant[xiii]. Personne ne songe à faire jouer les orgues de la métaphysique parce que les chiens ou les chats ne comprennent pas certains aspects de leur environnement. Pourquoi réagir différemment lorsqu’il s’agit de ces animaux particuliers que sont les êtres humains ? Certes, la science fait reculer notre ignorance, mais elle n’élimine pas notre perplexité. En fait, plus on avance, plus on touche à des réalités qui sont soit très petites avec la mécanique quantique, soit très grandes ou très anciennes avec la cosmologie, et il n’est pas déraisonnable de s’attendre à ce que le monde nous apparaisse de plus en plus étrange. Le meilleur remède psychologique contre les dérives métaphysiques liées aux limites des sciences est de changer de perspective et de se dire que ce n’est pas le monde qui est magique, mais nous qui sommes bêtes.

 

Les partisans de la convergence répondront que l’analyse objective du monde suggère l’existence d’une transcendance et qu’il n’y a aucune raison de la rejeter comme hypothèse; cette transcendance est peut-être invisible, mais les champs électromagnétiques ou la force de gravitation universelle ne sont pas non plus observables de façon directe. On observe leurs conséquences et, à partir de là, on infère leur existence. Pourquoi ne pas procéder de la même façon avec Dieu ? Pour une raison très simple : comment spécifier ce qu’est Dieu ? Lorsqu’on fait des hypothèses scientifiques, on les formule, du moins en principe, de façon mathématiquement précise et on en déduit des conséquences observables. Comment procéder ainsi pour le transcendant ? C’est impossible, presque par définition. Considérons, par exemple, l’idée que Dieu est tout-puissant : qu’est-ce que cela veut dire exactement ? Qu’il peut modifier les lois de la physique ? Ou même celles de l’arithmétique (par exemple, faire en sorte que 2+3=6) ? Peut-il s’opposer au libre arbitre humain ? Peut-il empêcher la souffrance ? Sans aucun doute, les théologiens peuvent apporter des réponses cohérentes à ces questions. Le problème est qu’il est relativement facile de trouver toute une série de réponses cohérentes à presque n’importe quelle question, mais qu’il est difficile, en l’absence de tests empiriques, de savoir laquelle est la bonne.

 

Évidemment, une façon de donner un contenu précis à l’idée de divinité, c’est de se tourner vers l’une ou l’autre révélation. Mais il faut éviter de tomber dans un raisonnement circulaire. On ne peut pas accepter d’emblée qu’il s’agisse là de la parole de Dieu, au contraire, c’est ce qu’il faut établir. Or, il n’existe pas de révélation qui soit empiriquement correcte dans les domaines où l’on peut la vérifier ; par exemple, la Bible n’est pas particulièrement exacte en matière de géologie ou d’histoire naturelle. Pourquoi alors faire confiance aux assertions qu’on y trouve concernant des domaines où elle n’est pas directement vérifiable, tels que les caractéristiques du divin ?

 

On ne peut que s’étonner du fait que d’éminents scientifiques non-croyants se laissent parfois enfermer dans la problématique du concordisme. Steven Hawking, par exemple, affirme : « Mais si l’Univers n’a ni singularité ni bord et est complètement décrit par une théorie unifiée, cela a de profondes conséquences sur le rôle de Dieu en tant que créateur. »[xiv] En réalité, cela n’en a aucune, à moins d’arriver à caractériser Dieu de façon suffisamment précise pour servir d’alternative à l’absence de singularité et de bord (qui, eux, sont définis de façon mathématique). Le biologiste Richard Dawkins explique qu’il a un jour déclaré à un philosophe, au cours d’un dîner, qu’il ne pouvait pas imaginer être athée avant 1859, année de la parution de L’origine des espèces de Darwin[xv]. Ce qui revient implicitement à critiquer l’attitude des athées du dix-huitième siècle. Pour comprendre néanmoins pourquoi ceux-ci avaient raison, imaginons, ce qui est évidemment impossible, qu’on démontre demain que toutes les données géologiques, biologiques et autres sur l’évolution sont une gigantesque erreur et que la Terre est vieille de 10.000 ans. Ceci nous ramènerait plus ou moins à la situation du dix-huitième siècle. Nul doute que les croyants, surtout les plus orthodoxes, pousseraient un immense cri de joie. Néanmoins, je ne considérerais nullement cette découverte comme un argument en leur faveur. Cela montrerait que nous n’avons, après tout, pas d’explication de la diversité et de la complexité des espèces. Bien ; et alors ? Le fait que nous n’ayons aucune explication d’un phénomène n’implique nullement qu’une explication qui n’en n’est pas une (par exemple, une explication théologique) devienne subitement valable.

 

La célèbre phrase de Jacques Monod : «L’homme sait enfin qu’il est seul dans l’immensité indifférente de l’Univers d’où il a émergé par hasard »[xvi] souffre également d’une certaine ambiguïté, qu’on retrouve chez certains biologistes ; que veut dire ici le mot « hasard » ? S’il signifie que l’homme n’était pas prédestiné, ce n’est pas réellement une découverte scientifique ; les explications en terme de causes finales ont été abandonnées pour des raisons similaires à celles qui ont mené à l’abandon des explications de type religieux (impossibilité de les formuler de façon à ce qu’elles soient testées). Mais si le terme désigne ce qui n’a pas de causes (antécédentes), alors la phrase exprime simplement notre ignorance concernant l’origine de la vie ou certains aspects de son évolution. Le hasard n’est pas plus une cause ou une explication que Dieu[xvii].

 

En fin de compte, le Dieu soi-disant découvert par la science, comme le hasard, n’est qu’un nom que nous utilisons pour recouvrir notre ignorance d’un peu de dignité.

 

Notons finalement que, lorsque l’Église s’est décidée à reconnaître ses torts dans l’affaire Galilée (au terme d’une enquête qui a duré de 1981 à 1992), le cardinal Poupard déclara, en présence du pape : « certains théologiens contemporains de Galilée n’ont pas su interpréter la signification profonde, non littérale, des Écritures »[xviii]. Mais ni lui ni Sa Sainteté ne semblent apprécier l’importance du fait que c’est l’action courageuse de milliers de non-croyants ou de croyants suffisamment sceptiques qui ont amené les théologiens[xix] à découvrir cette « signification profonde ». On ne peut s’empêcher d’être perplexe face au comportement d’une divinité qui se révèle dans des Écrits, dont la véritable signification échappe totalement durant des siècles aux croyants les plus zélés et ne finit par être comprise que grâce aux travaux des sceptiques ; les voies de la Providence sont vraiment impénétrables.

 

UNE RÉALITÉ D’UN AUTRE ORDRE ?

 

« Toute connaissance accessible doit être atteinte par des méthodes scientifiques ;  et ce que la science ne peut pas découvrir, l’humanité ne peut pas le connaître. » Bertrand Russell[xx]

 

L’attitude religieuse traditionnelle et pourrait-on dire, orthodoxe, rejette, souvent avec fermeté, l’idée d’une concordance entre science et foi et s’appuie plutôt sur l’idée que la théologie ou la réflexion religieuse nous donne accès à des connaissances d’un autre ordre que celles accessibles à la science[xxi]. Ce genre de discours commence souvent en observant que l’approche scientifique ne nous donne qu’une connaissance très partielle de la réalité. En effet le monde tel que le représente la science est assez étrange : où trouve-t-on dans ce univers de gènes, de molécules, de particules et de champs ce qui nous paraît faire la spécificité de l’être humain, à savoir nos sensations, nos désirs, nos valeurs ? Ne faut-il pas faire appel à une autre approche, non-scientifique, pour appréhender cet aspect essentiel de la réalité ? Et cette autre approche ne pourrait-elle pas nous indiquer le chemin qui mène vers une transcendance ?

 

Comme cette question est la source de pas mal de confusions, il faut, pour y répondre, distinguer soigneusement nos différentes façons de connaître; tout d’abord, remarquons que l’immense majorité de nos connaissances ne sont pas « scientifiques » au sens strict du terme. Ce sont les connaissances de la vie courante. Néanmoins, elles ne sont pas radicalement différentes des sciences en ce sens qu’elles visent également à une connaissance objective de la réalité et qu’elles sont obtenues par une combinaison d’observations, de raisonnements et d’expériences. Ensuite, il y a l’approche introspective et intuitive de la réalité, qui nous permet de connaître nos propres sentiments et parfois de deviner ceux des autres. C’est elle qui nous permet d’avoir accès au monde des sensations et de la conscience. Comment relier ce monde subjectif au monde objectif tel que le décrit la science contemporaine est fort problématique et suggère effectivement que la vision du monde fournie par la science est incomplète. À nouveau, on peut soutenir que cette situation n’est que temporaire. Mais surtout, il ne faut pas oublier qu’il est normal que notre rapport à la réalité nous laisse insatisfaits et perplexes.

 

La démarche religieuse cherche parfois à utiliser l’aspect subjectif de notre expérience pour justifier ses assertions. Nous sentons « qu’il y a quelque chose qui nous dépasse » ou nous nous sentons en rapport immédiat avec une entité spirituelle, ce qui, poussé à l’extrême, débouche sur l’expérience mystique. Mais comment s’assurer que notre expérience subjective nous donne accès à des entités existant objectivement en dehors de nous, Dieu par exemple, et pas simplement à des illusions ? Après tout, il existe tant d’expériences subjectives différentes qu’il est difficile de croire qu’elles mènent toutes à des vérités. Et comment les départager si ce n’est en faisant appel à des critères non-subjectifs ? Mais faire appel à de tels critères revient à mettre de côté le caractère probant de l’expérience subjective.

 

Par ailleurs, postuler, par exemple, l’existence d’une âme pour expliquer la conscience[xxii] est une démarche aussi illusoire que postuler l’existence d’une divinité pour expliquer l’univers. L’âme est-elle immortelle ? Vient-elle à la naissance ou à la conception ? Comment interagit-elle avec le corps ? Cette interaction viole-t-elle les lois de la physique ? Respecte-t-elle la conservation de l’énergie ? Dès que l’on pose des questions concrètes, on se rend compte qu’il est impossible d’y répondre. Ou plutôt, qu’il est toujours possible de donner différentes réponses, mais qu’il n’y a aucun moyen de trancher entre elles. En fin de compte, notre approche subjective du monde ne nous permet pas plus d’inférer l’existence des êtres postulés par les religions (Dieu, l’âme etc.) que notre approche objective.

 

En fait, l’appel à la vie intérieure comme signe d’une transcendance est une sorte de régression par rapport à la métaphysique classique. Celle-ci cherchait à atteindre un autre ordre de réalité en utilisant non pas notre intuition, mais nos capacités de raisonnement a priori. Hume a très bien résumé le problème que rencontre cette approche : « la racine cubique de 64 est égale à la moitié de 10, c’est une proposition fausse et l’on ne peut jamais la concevoir distinctement. Mais César n’a jamais existé, ou l’ange Gabriel ou un être quelconque n’ont jamais existé, ce sont peut-être des propositions fausses, mais on peut pourtant les concevoir parfaitement et elles n’impliquent aucune contradiction. On peut donc seulement prouver l’existence d’un être par des arguments tirés de sa cause ou de son effet ; et ces arguments se fondent entièrement sur l’expérience. Si nous raisonnons a priori, n’importe quoi peut paraître capable de produire n’importe quoi. La chute d’un galet peut, pour autant que nous le sachions, éteindre le soleil ; ou le désir d’un homme gouverner les planètes dans leur orbite. C’est seulement l’expérience qui nous apprend la nature et les limites de la cause et de l’effet et nous rend capables d’inférer l’existence d’un objet de celle d’un autre. »[xxiii] Ce que montre clairement Hume, c’est que nous sommes en quelque sorte prisonniers de nos capacités cognitives : ou bien nous raisonnons a priori, mais alors nous devons nous limiter aux objets mathématiques ou bien, nous nous intéressons à des questions de fait, et nous devons utiliser des arguments fondés «entièrement sur l’expérience » . Raisonner a priori sur des objets non-mathématiques et vagues tels que la Substance ou l’Être ne peut produire que « sophismes et illusions » .

Une version moderne de l’illusion métaphysique consiste à dire que la science répond à la question du pourquoi, mais pas du comment. C’est à nouveau un faux problème. Si l’on se demande « pourquoi l’eau bout-elle à 100° ? », la réponse sera donnée par la physique. Si l’on veut, on peut reformuler la question en terme de comment : « comment se fait-il que l’eau bout à 100° ? » Mais on s’aperçoit alors que, pour ce genre de questions, la différence entre pourquoi et comment est illusoire. Insister sur le « pourquoi » renvoie implicitement, soit aux explications finalistes qui sont impossibles à tester, soit à des explications « ultimes » qui sont également inaccessibles (toutes les explications scientifiques s’arrêtant quelque part). Et, si l’on y réfléchit, on s’aperçoit vite que les seules questions de « pourquoi » auxquelles nous puissions trouver une réponse fiable sont celles qui sont équivalentes à des questions de « comment ».

 

Ce que comprenaient bien les penseurs des Lumières, mais qui a été en partie oublié depuis lors, c’est que l’approche scientifique (en y incluant la connaissance ordinaire) nous donne les seules connaissances objectives auxquelles l’être humain ait réellement accès. Si l’approche scientifique nous donne une vision partielle de la réalité, c’est parce que nous n’avons pas accès, de par notre nature finie, à la réalité ultime des choses. Mais il y a une grande différence entre dire que la science nous donne une description complète de la réalité et dire qu’elle en donne la seule connaissance accessible à l’être humain ; la confusion entre ces deux propositions est d’ailleurs soigneusement entretenue par les croyants, ce qui leur permet alors d’attaquer le « scientisme » , identifié à la première proposition, et de suggérer non pas simplement qu’il existe des questions auxquelles la science n’a pas de réponses, mais qu’il existe une façon d’apporter à ces questions des réponses fiables. Une fois que cette distinction est clairement énoncée, des édifices entiers de métaphysique et de théologie s’effondrent.

 

DES DOMAINES DE COMPÉTENCES DISTINCTS ?

 

« La Bible dit : « tu ne permettras pas à une sorcière de vivre » ... Les chrétiens libéraux modernes, qui soutiennent que la Bible est valable d’un point de vue éthique, tendent à oublier de tels textes ainsi que les millions de victimes innocentes qui sont mortes dans de grandes souffrances parce que, dans le temps, les gens ont réellement pris la Bible comme guide de leur conduite. » Bertrand Russell[xxiv]

 

Les deux attitudes discutées ci-dessus défendaient avec force la place de la théologie face à la science. Envisageons maintenant les positions de repli, qui ne sont devenues populaires aux yeux de certains croyants que parce que ceux-ci ont fini par se rendre compte que les positions fortes étaient intenables. Une première position consiste à séparer totalement les domaines ; la science s’occupe des jugements de fait et la religion s’occupe d’autres jugements, par exemple les jugements de valeur, le sens de la vie etc. Notons que cette position est différente de la précédente : l’approche « métaphysique » cherche à atteindre des vérités d’un autre ordre que les vérités scientifiques, mais qui sont néanmoins factuelles (l’existence de Dieu etc.). Cette séparation des domaines est défendue par certains intellectuels, par exemple par le paléontologue S. J. Gould[xxv] qui se déclare « agnostique » , mais désire défendre la théorie de l’évolution contre les attaques créationnistes tout en permettant à la religion de garder une certaine place dans la culture. Elle satisfait sans doute aussi certains croyants, mais n’est certainement pas compatible avec la position de l’immense majorité d’entre eux, qui considèrent la métaphysique religieuse comme une vérité objective qu’ils ne sont pas prêts à abandonner. Et, en fait, ils ont en un certain sens raison : si l’on abandonne réellement toutes les questions de fait à la science et qu’on rejette le concordisme, comment justifier les jugements religieux sur les valeurs et le sens de la vie ? Sur l’enseignement contenu dans telle ou telle révélation ? Mais au nom de quoi choisir une révélation plutôt qu’une autre si ce n’est parce qu’elle exprime la « véritable » parole de Dieu ? Et cette assertion nous replonge immédiatement dans des questions ontologiques. Va-t-on suivre l’exemple d’un personnage supposé admirable, comme Jésus Christ ? Mais que sait-on scientifiquement de sa vie ? Pas grand-chose. Pourquoi alors ne pas suivre l’exemple de quelqu’un dont on sait avec plus de certitude ce qu’il a vraiment fait ? Et si sa vie réelle n’a pas d’importance, pourquoi ne pas inventer de toutes pièces un personnage dont la vie serait encore plus admirable et qu’on nous inviterait à imiter ? Finalement, les morales religieuses rencontrent un problème semblable à celui rencontré par l’interprétation non littérale des Écritures : plus aucun croyant ne veut suivre à la lettre, en matière éthique, toutes les prescriptions bibliques. Mais comment fait-on le tri, si ce n’est en utilisant des idées morales indépendantes de la révélation ? Et s’il faut évaluer cette dernière au nom de critères qui lui sont extérieurs, à quoi peut-elle bien servir ?

           

On entend souvent dire — et on cite Hume à ce sujet — qu’on ne peut pas déduire logiquement des jugements de valeur à partir de jugements de fait. C’est certainement vrai, mais cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas une façon scientifique de raisonner en matière éthique qui, à nouveau, s’oppose à l’attitude religieuse. Cette approche est l’utilitarisme qui repose sur un seul principe éthique non factuel, à savoir qu’il faut globalement maximiser le bonheur. Ce principe ne peut évidemment pas être justifié scientifiquement. Mais, une fois qu’il est admis, à cause de son caractère intuitivement évident, tous les autres jugements moraux sont ramenés à des jugements du type : est-ce que telle ou telle action tend à augmenter le bonheur global ? Et ces jugements-là sont factuels. Évidemment, les adversaires de cette approche font vite remarquer que la notion de bonheur est vague et que les calculs utilitaristes sont souvent impossibles à effectuer. Tout cela est vrai, mais quelle alternative proposer ? On peut justifier a contrario l’utilitarisme en faisant remarquer qu’il est difficile d’imaginer une action qui serait moralement justifiée alors que celui qui la commet sait qu’elle tend à diminuer le bonheur global.

           

L’approche utilitariste choque souvent parce qu’elle s’oppose à deux aspects profondément ancrés dans notre réaction spontanée face aux problèmes éthiques : l’une, c’est le respect des morales traditionnelles, obéissance à l’autorité, à la communauté, à l’État ou aux préceptes religieux ; pour un utilitariste, toutes ces traditions doivent être critiquées et évaluées à l’aune de la maximisation du bonheur total. L’autre aspect, sont toutes les volontés de vengeance ou de punition. D’un point de vue utilitariste, toute sanction doit être justifiée uniquement en fonction du bonheur global et non pas par un désir de punir les méchants. En particulier, l’utilitarisme met entre parenthèse le problème de la responsabilité et du libre arbitre ; il n’a pas besoin de nier le libre arbitre ; simplement, il ne se préoccupe pas de savoir si les actions humaines sont « vraiment » libres et en quel sens, ce qui est probablement la position philosophique la plus prudente. Finalement, pour un utilitariste, il existe des progrès en éthique, comme en sciences, et l’on y arrive également par l’observation et le raisonnement. On peut, en comprenant mieux la nature humaine, découvrir, par exemple, que l’esclavage est mauvais et que l’avortement ne l’est pas. En fin de compte, non seulement une religion dont on aurait évacué tous les jugements de fait se vide de tout contenu, mais la façon religieuse d’aborder les problèmes éthiques s’oppose radicalement à l’approche basée sur une conception rationnelle du monde.

 

CROIRE POUR SE SENTIR BIEN.

 

« Je pourrais être plus heureux, et j’aurais sans doute de meilleures manières, si je croyais être descendant des empereurs de Chine, mais tous les efforts de volonté que je pourrais faire en ce sens ne parviendraient pas à m’en persuader, pas plus que je ne peux empêcher mon cœur de battre. » Steven Weinberg[xxvi]

 

Il existe une tradition de « révolte contre la raison », dont on trouve des accents chez des auteurs aussi différents que Pascal et Nietzsche, et qui rejette toute la discussion précédente en admettant volontiers qu’il n’y a pas d’arguments rationnels en faveur de la religion, et qu’en fin de compte il s’agit uniquement d’un choix personnel. On peut croire, même si c’est absurde, surtout si c’est absurde. Ou bien, il s’agit d’un engagement, d’un style de vie — on fait les « gestes de la foi » , prier et implorer, et on finit par croire. Ce genre d’attitude est devenu de plus en plus populaire avec la montée du « postmodernisme » et, plus généralement, de l’idée que ce qui est important n’est pas de savoir si ce qu’on dit est vrai ou faux, ou peut-être même que la distinction entre vrai et faux n’a pas de sens. Ce qui compte, ce sont les effets pratiques d’une croyance ou le rôle social qu’elle joue dans un groupe donné.

Dans la variante postmoderne la plus extrême de cette tradition, le problème de la contradiction entre différentes croyances religieuses ne se pose pas. On a recourt à la doctrine des vérités multiples, c’est-à-dire que des idées mutuellement contradictoires peuvent être simultanément vraies. L’un croit au ciel et à l’enfer, l’autre à la réincarnation, un troisième pratique le New Age et un quatrième pense avoir des extra-terrestres parmi ses ancêtres. Toutes ces vues sont « également vraies » mais avec un qualificatif du genre, « pour le sujet qui y croit » ou « à l’intérieur de sa culture » . Je ne peux que partager le sentiment d’étonnement que ressentent beaucoup de croyants orthodoxes face à cette multiplication des ontologies.

 

Comme il est inutile d’attaquer ce genre de positions au moyen d’arguments rationnels, je vais me contenter de faire deux remarques à caractère moral[xxvii]. Premièrement, cette position n’est pas sincère et cela se remarque dans les choix de la vie courante : lorsqu’il faut choisir une maison, acheter une voiture, confier son sort à une thérapeutique, même les subjectivistes les plus acharnés comparent différentes possibilités et tentent d’effectuer des choix rationnels[xxviii]. Ce n’est que lorsqu’on se tourne vers des questions « métaphysiques » , qui n’ont pas de conséquences pratiques immédiates, que tout devient une question de désir et de choix subjectifs. Ensuite, cette position est dangereuse, parce qu’elle sous-estime l’importance de la notion de vérité objective, indépendante de nos désirs et de nos choix : lorsque aucun critère objectif n’est disponible pour départager des opinions contradictoires, il ne reste que la force et la violence pour régler les différends. En particulier, sur le plan politique, la vérité est une arme que les faibles ont face aux puissants, pas l’inverse.

 

Finalement, Steven Weinberg fait une remarque perspicace à propos du subjectivisme religieux : «Il est très étrange que l’existence de Dieu, la grâce, le péché, l’enfer et le paradis n’aient aucune importance !  Je suis tenté de penser que, si les gens adoptent une telle attitude vis-à-vis des questions théologiques, c’est parce qu’ils ne peuvent se résoudre à admettre qu’ils n’y croient pas du tout. »[xxix]

 

 

ACTUALITÉ DE L’ATHÉISME.

 

« L’abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est une exigence de son bonheur réel. Exiger que le peuple renonce à ses illusions sur sa condition, c’est exiger qu’il abandonne une condition qui a besoin d’illusions. La critique de la religion est donc virtuellement la critique de la vallée de larmes dont la religion est l’auréole. »  Karl Marx[xxx]

 

Tout d’abord, il faut lever une ambiguïté de terminologie : l’attitude défendue ici, qui s’appuie sur les limites des connaissances (fiables) auxquelles l’humanité a accès est souvent considérée comme une forme d’agnosticisme plutôt que d’athéisme[xxxi]. Mais il s’agit là d’une confusion : par exemple, le pape ne se dira pas « agnostique » au sujet des dieux de l’Olympe. Par rapport à eux, il est en réalité, comme tout le monde, athée. Idem pour toutes les religions africaines, polynésiennes etc. En fait, les théologiens les plus orthodoxes et moi-même sommes probablement d’accord (je n’ai pas fait de calculs exacts) sur 99% des religions existantes ou ayant existé. Personne n’a jamais prouvé qu’Aphrodite n’existait pas.

 

En réalité, il y a deux sortes d’agnostiques : d’une part, ceux qui constatent qu’il n’y a aucune raison valable de croire en une divinité quelconque et qui utilisent ce mot pour désigner leur position, laquelle n’est pas réellement différente de l’athéisme. Aucun athée ne pense avoir des arguments prouvant l’inexistence des divinités. Ils constatent simplement, face à la multiplicité des croyances et des opinions, qu’il faut bien faire un tri (à moins d’accepter le pluralisme ontologique des subjectivistes) et que dire qu’il n’y a aucune raison de croire en l’existence d’un être revient à nier son existence. Mais d’autres personnes qui se déclarent agnostiques pensent que les arguments en faveur du déisme ne sont pas totalement convaincants mais sont peut-être valides, ou font une distinction entre les religions de l’antiquité et une religion contemporaine, et cette attitude est effectivement très différente de l’athéisme.

 

Remarquons aussi que le phénomène de la croyance en tant que tel est pratiquement indépendant des arguments pseudo-rationnels discutés ci-dessus. L’immense majorité des gens qui embrassent une foi ne le font pas parce qu’ils sont impressionnés par l’argument anthropique, mais parce qu’ils respectent les traditions dans lesquelles ils ont été élevés, ont peur de la mort, ou trouvent plaisant d’imaginer qu’un être tout-puissant veille sur leur sort. C’est pourquoi même les intellectuels religieux sont souvent « athées » en ce sens qu’ils rejettent les raisons de croire qu’ont la plupart de leurs coreligionnaires.

Les idées développées ici paraissent sans doute aller un peu trop à contre-courant du consensus mou qui domine la pensée contemporaine. La religion n’est-elle pas devenue inoffensive ? À quoi bon la critiquer ? On peut grosso modo classer les attitudes religieuses selon un axe orthodoxe-libéral ; lorsqu’on se déplace le long de cet axe, on passe d’une croyance dogmatique et littérale en certains textes sacrés à des positions de plus en plus vagues et défendues avec de moins en moins de vigueur. Les torts causés par ces variantes de la religion sont évidemment différents. C’est la variante dogmatique qui fait le plus grand tort, qui impose des morales barbares, fonctionne comme opium du peuple et, opposant les vrais croyants aux impies, encourage divers conflits. C’est elle qui domine dans le Tiers Monde, mais pas seulement là[xxxii].

 

En ce qui concerne les variantes libérales de la religion (qui ont tendance à être répandues plutôt parmi les intellectuels), elles pêchent de deux façons : l’une est de fournir indirectement une pseudo-justification aux variantes les plus naïves et les plus dogmatiques de la religion. Les théologiens, surtout les plus sophistiqués, donnent un bagage intellectuel aux prêtres qui eux-mêmes entretiennent la foi des fidèles. Qu’on le veuille ou non, il existe une continuité d’idées qui relie les ailes apparemment les plus opposées de l’Église. L’autre, est d’encourager une certaine confusion intellectuelle. Pour reprendre ce que Bertrand Russell disait dans un autre contexte[xxxiii], l’attitude religieuse moderne « prospère grâce aux erreurs et aux confusions de l’intellect. Par conséquent, elle tend à préférer les mauvais raisonnements aux bons, à déclarer insoluble chaque difficulté momentanée, et à considérer chaque erreur idiote comme révélant la faillite de l’intellect et le triomphe de l’intuition . »[xxxiv]

L’attitude des laïcs face à l’évolution de la religion est également surprenante : au fur et à mesure que la religion devenait floue et vague, l’opposition laïque devenait floue et vague. Au nom d’une volonté de dialogue et de respect, on en vient à ne plus affirmer ce que l’on pense. Mais le véritable respect part d’une affirmation claire des positions des uns et des autres, et le dialogue ne peut pas se baser sur un vague consensus humaniste qui occulte, en bioéthique par exemple, les profondes différences qui opposent des morales basées sur l’utilitarisme et sur la révélation.

 

Avec l’effondrement du marxisme, la critique politique de la religion s’est aussi considérablement affaiblie. En partie parce que le marxisme lui-même a édifié un certain nombre de dogmes. Mais il ne faut jamais oublier que ce qui est important dans l’athéisme, c’est l’attitude sceptique sur laquelle il est basé. Et que la critique politique de la religion doit aller bien au-delà de la critique du soutien apporté par les Églises aux pouvoirs en place. Il faut remettre à l’ordre du jour la critique de la religion comme aliénation. Et l’attitude critique vis-à-vis des vérités soi-disant révélées peut et doit s’étendre petit à petit à toutes les « abstractions » qui sont en réalité des constructions humaines mais qui, une fois réifiées, s’imposent aux hommes comme des fatalités extérieures qui les empêchent de devenir réellement maîtres de leur sort : Dieu, l’État, la Patrie, ou, de façon plus moderne, l’Europe ou le Marché. En tout cas, la critique de la religion reste une étape irremplaçable dans la transformation de cette « vallée de larmes » en un monde véritablement humain, débarrassé à la fois de ses dieux et de ses maîtres.

 

 

 http://dogma.free.fr/txt/JB-Science01.htm



[i]HUME (David), Enquête sur l'entendement humain, traduit par BARANGER (Philippe) et SALTEL (Philippe), Paris, GF-Flammarion, 1983 [1748], 247p. Cette phrase, la dernière du livre, peut sembler un peu brutale mais il ne faut pas oublier qu’à l’époque de Hume c’étaient en général les théologiens qui allumaient les bûchers.

[ii]HUME (David), Enquête sur l'entendement humain, traduit par BARANGER (Philippe) et SALTEL (Philippe), Paris, GF-Flammarion, 1983 [1748], 247p. Cette phrase, la dernière du livre, peut sembler un peu brutale mais il ne faut pas oublier qu’à l’époque de Hume c’étaient en général les théologiens qui allumaient les bûchers.

[iii] Opposant le prix Nobel de physique Steven Weinberg à John Polkinghorne, physicien et pasteur anglican.

[iv] Qui n’est pas réellement une université, mais une association qui organise des conférences et édite une revue, Convergences. Dans le conseil scientifique de l’UIP, on trouve, entre autres, Olivier Costa de Beauregard, Jean Staune, Anne Dambricourt-Malassé, Rémy Chauvin, Michaël Denton, Bernard d’Espagnat, John Eccles, Ilya Prigogine, Jean-Pierre Luminet, Trinh Xuan Thuan.

[v] Voir GOULD (Steven Jay), Rocks of Ages : Science and Religion in the Fullness of Life, Ballantine Books, 224p.

[vi] Pour de bonnes critiques de la religion, d’un point de vue scientifique, voir : RUSSELL (Bertrand), « Pourquoi je ne suis pas chrétien » , in RUSSELL (Bertrand) Le mariage et la morale, Paris, Éditions 10/18, 1997, 350p. ; RUSSELL (Bertrand), Religion and Science, Oxford, Oxford University Press, 1961, 256p. ; et WEINBERG (Steven), Le rêve d’une théorie ultime, Paris, O. Jacob, 1997, 279p., surtout le chapitre XI.

[vii] RUSSELL (Bertrand), Religion and Science, Oxford, Oxford University Press, 1961, 256p. (p.221-222).

[viii] Fortement encouragé par des organisations comme l’UIP et la fondation Templeton.

[ix] A une époque où il est de bon ton de dénoncer le « politiquement correct » et la soi-disant politisation des universités américaines par la gauche académique, il n’est peut-être pas inutile de signaler les élans d’enthousiasme que l’argument anthropique suscite chez certains commentateurs de droite ; par exemple, Patrick Glynn, ancien expert de l’administration Reagan, consacre un ouvrage à cette idée qui, d’après lui, offre un « argument puissant et presque incontestable » en faveur de l’existence « de l’âme, de la vie après la mort et de Dieu » . Cet argument permet de combattre « les conséquences néfastes des politiques et de l’expérimentation sociales inspirées par l’athéisme » , telles que les atrocités soviétiques et la révolution sexuelle américaine. Un éditorialiste de droite renommé, George Will, ironise en disant que les laïcs devront « porter plainte contre la NASA parce que le télescope Hubble apporte un soutien anticonstitutionnel à ceux qui sont enclins à croire » . Robert Bork, autre intellectuel de droite, se réjouit de ce que cet argument détruit les bases intellectuelles de l’athéisme parce que « la croyance religieuse est probablement essentielle si l’on veut que l’avenir soit civilisé ». Voir : SILBER (Kenneth), Is God in the details ?, Reason, Juillet 1999 (disponible sur http ://www.reasonmag.com/9907/fe.ks.is.html.).

[x] Voir par exemple WEINBERG (Steven),  op.cit., p. 224, pour une bonne présentation de ce genre d’arguments.

[xi] En fait, le plus remarquable dans la religion n’est sans doute pas tant le discours sur Dieu, mais la place que celle-ci attribue à l’homme. On trouve cependant des exemples d’anthropocentrisme aigu chez certains auteurs « matérialistes », par exemple : « ... nous avons la certitude que, dans toutes ses transformations, la matière reste éternellement la même, qu’aucun de ses attributs ne peut jamais se perdre et que, par conséquent, si elle doit sur terre exterminer un jour, avec une nécessité d’airain, sa floraison suprême, l’esprit pensant, il faut avec la même nécessité que quelque part ailleurs et à une autre heure elle le reproduise. » ENGELS (Friedrich), Dialectique de la nature, Paris, Éditions Sociales, 1968, 364p. (p.46). Premièrement, qu’en sait-il ? Deuxièmement, s’ils connaissaient la dialectique, les éléphants considéreraient peut-être leurs trompes comme la « floraison suprême » .

[xii] Par exemple : pourquoi il y a-t-il de l’être plutôt que rien ?

[xiii] Comme l’a correctement fait remarquer Einstein, le plus mystérieux dans l’univers, c’est qu’il soit compréhensible. Mais il ne l’est que partiellement.

[xiv] HAWKING (Stephen), Une brève histoire du temps. Du Big Bang aux trous noirs, Paris, Flammarion, 1989. On trouve une confusion bien plus grande encore chez Claude Allègre qui considère que « le Big Bang établit la supériorité des religions du Livre sur toutes les autres croyances du monde » ALLÈGRE (Claude), Dieu face à la science, Paris, Fayard, 1997 (p.94). Cité (p.146) dans LAMBERT (Dominique), Science et théologie ; Les figures d’un dialogue, Bruxelles, Éditions Lessius, 1999, 218p.

[xv] Voir DAWKINS (Richard), The Blind Watchmaker, New York, W.W.Norton, 1997, 332p. Dawkins explique correctement l’argument sceptique et pré-darwinien de Hume, mais il ne semble pas apprécier le fait que de tels arguments sont toujours nécessaires, même après Darwin, pour faire face par exemple à l’argument anthropique. La découverte de Darwin déplace le « problème » lié à l’argument basé sur la finalité apparente de l’univers, mais il ne le résout pas. La solution passe, même aujourd’hui, par une critique philosophique de la religion. Ceci dit, il n’y a pas de doute que le darwinisme a apporté un immense soutien psychologique à l’athéisme.

[xvi] MONOD (Jacques), Le hasard et la nécessité, Paris, Le Seuil, 1971, 197p.

[xvii] Remarquons que cette idée était parfaitement claire aux yeux de certains scientifiques « mécanistes » du 18e siècle ; par exemple, Laplace écrivait, à propos des « événements » : « Dans l’ignorance des liens qui les unissent au système entier de l’univers, on les a fait dépendre des causes finales ou du hasard, suivant qu’ils arrivaient et se succédaient avec régularité ou sans ordre apparent ; mais ces causes imaginaires ont été successivement reculées avec les bornes de nos connaissances, et disparaissent entièrement devant la saine philosophie, qui ne voit en elles que l’expression de l’ignorance où nous sommes des véritables causes ».

LAPLACE (Pierre Simon), Essai philosophique sur les probabilités, 5è édition, Paris, Christian Bourgeois 1986 [1825] (p.32).

[xviii] Documentation catholique, n° 2062, 1992 (n° 5), p. 1070. Cité (p.65) dans : LAMBERT (Dominique), op.cit.

[xix] Lesquels ne  se sont pas opposés seulement à Galilée, mais également à l’idée que les comètes n’étaient pas des objets sublunaires, que le soleil avait des taches, ainsi qu’à l’émergence de la géologie, à la théorie de l’évolution, à l’approche scientifique en psychologie et à de nombreux traitements médicaux ; pour plus de détails historiques, voir RUSSELL (Bertrand), Religion and Science, Oxford, Oxford University Press, 1961, 256p.

[xx] RUSSELL (Bertrand), Religion and Science, Oxford, Oxford University Press, 1961, 256p. (p.243).

[xxi] Pour une bonne critique du concordisme, d’un point de vue catholique, voir LAMBERT (Dominique), op.cit., ainsi que LAMBERT (Dominique) « Le  `réenchantement’ des sciences : obscurantisme, illusion ? » Revue des Questions Scientifiques, n°166, 1995, p. 287-291.

[xxii] Ce qui est plus ou moins l’attitude du physicien-pasteur Polkinghorne qui considère la conscience comme un signe intrinsèque d’un créateur ; notons aussi que le pape admet l’évolution pour ce qui est du corps, mais considère qu’il y a un saut ontologique lorsqu’on passe à l’esprit humain.

[xxiii] HUME (David), op.cit. p. 46.

[xxiv] RUSSELL (Bertrand), Religion and Science, Oxford, Oxford University Press, 1961, 256p.

[xxv] Qui, dans son récent livre (GOULD, op.cit.), suggère l’expression « non-overlapping magisteria (NOMA) ».

[xxvi] WEINBERG (Steven), op.cit. p. 230.

[xxvii] Pour une critique générale du pragmatisme, en particulier lorsqu’il est utilisé pour défendre la religion, voir les chapitres 29 et 30, consacrés à William James et à John Dewey de RUSSELL (Bertrand), Histoire de la philosophie occidentale, traduit de l'anglais par KERN (Hélène), Paris, Gallimard, 1952.

[xxviii] Encore que, en ce qui concerne les thérapeutiques, leurs choix soient parfois bizarres.

[xxix] WEINBERG (Steven), op.cit. p. 229.

[xxx] RUBEL (Maximilien), Pages de Karl Marx. Pour une éthique socialiste. 1. Sociologie critique, Paris, Payot, 1970, 302p. (p.105).

[xxxi] Bertrand Russell raconte que, lorsqu’il fut mis en prison pour son opposition à la première guerre mondiale, le garde lui demanda qu’elle était sa religion et il répondit qu’il était agnostique. Le garde le regarda en disant : « bon, de toute façon, nous croyons tous dans le même Dieu ». Plus sérieusement, Russell explique que lorsqu’on lui posait ce genre de questions, il hésitait entre répondre « agnostique », ce qui caractérisait sa position philosophique au sens strict (on n’a pas de preuves de l’inexistence de Dieu) et « athée », ce qui exprimait le fait qu’il ne pouvait pas non plus prouver que les dieux de l’Olympe n’existaient pas et qu’il mettait ceux-ci sur le même pied que le Dieu des chrétiens.

[xxxii] Francisco Ayala, ex-prêtre dominicain et professeur de biologie en Californie explique que « le premier jour de mon cours, il y a toujours une file d’étudiants qui se plaignent : `Professeur Ayala, je suis votre cours pour devenir médecin — je ne peux pas accepter l’évolution parce que je suis catholique’ ». (New York Times, 27 avril 1999). Notons que cela se passe dans un État qui est supposé être à l’avant-garde d’un pays qui est régulièrement présenté comme un modèle au reste du monde. Par ailleurs, des sondages montrent que 40% des Américains considèrent leur relation avec Dieu comme ce qu’il y a de plus important dans leur vie, contre 29% pour « une bonne santé », 21% pour « un mariage heureux » et 5% pour « un travail satisfaisant ». Comme le remarque Noam Chomsky, qui cite ces chiffres, « Que ce monde puisse offrir certain aspects de base d’une vie véritablement humaine n’est pas envisagé. Ce sont les résultat qu’on s’attendrait à trouver dans une société paysanne détruite. Ce genre de vues est particulièrement répandu parmi les Noirs ; ce qui n’est pas étonnant lorsque le New England Journal of Medicine nous apprend que `les hommes noirs à Harlem ont moins de chances d’atteindre l’âge de 65 ans que les hommes au Bangladesh’. »

[xxxiii] Il s’agissait de sa critique de Bergson, voir RUSSELL (Bertrand), Histoire de la philosophie occidentale, traduit de l'anglais par KERN (Hélène), Paris, Gallimard, 1952 (p.762).

[xxxiv] Considérons par exemple les théologiens de la libération : on ne peut qu’admirer le courage de ces gens qui doivent se battre sur deux fronts, à la fois contre le pouvoir temporel et contre la hiérarchie réactionnaire de l’Église. Mais leur démarche intellectuelle est très difficile à suivre. Ils ont tendance à mettre de côté l’approche théologique classique et à se concentrer sur une lecture des Évangiles. Admettons, pour simplifier la discussion, que leur interprétation des Évangiles soit correcte. Mais comment, sans faire appel à des arguments métaphysiques, défendre l’idée que  l’enseignement de quelqu’un qui a habité en Palestine il y a 2000 ans est pertinente pour résoudre les problèmes contemporains de l’Amérique Latine ?