les documents du bulletin de l'    information scientifique

du comité départemental 44 de l'association française pour l'information scientifique

PERIODIQUE A PERIODICITE VARIABLE

 

 

Declaration in Defense of Cloning

and the Integrity of Scientific Research

 

déclaration en défense du clonage

et de l’intégrité de la Recherche Scientifique

publiée dans Free Inquiry magazine, Volume 17, n° 3 ( 1997 )

LIRE LA VERSION ORIGINALE EN AMERICAN ENGLISH

 

 

Nous, soussignés, saluons les annonces de progrès majeurs dans le domaine du clonage des animaux supérieurs. Tout au long de ce siècle, les sciences physiques, biologiques et comportementales ont mis de nouvelles et importantes possibilités à portée des efforts humains. Tout bien pesé, ces avancées ont contribué à d’énormes améliorations du bien-être humain. Là où les nouvelles technologies ont soulevé des questions éthiques légitimes, la collectivité humaine a su en général faire la démonstration de sa volonté en se confrontant ouvertement à ces questions et en cherchant les réponses en mesure d’augmenter le bien-être général.

 

Le clonage des animaux supérieurs soulève des inquiétudes éthiques. Des directives appropriées doivent être développées pour empêcher les abus, tout en rendant les avantages du clonage disponibles au maximum. De telles directives devraient réserver le plus grand respect de l’autonomie et du choix de chaque individu. Tout devrait être mis en oeuvre afin de préserver la liberté et l’intégrité de la recherche scientifique

 

Personne n’a démontré  à ce jour une capacité à cloner des êtres humains. Pourtant le seul fait que les réalisations déjà accomplies puissent ouvrir la voie à un tel clonage a suffi à déclencher un tonnerre de protestations. Nous assistons avec inquiétude aux appels largement répandus à retarder, à ne plus subventionner ou à suspendre la recherche sur le clonage, appels en provenance de sources aussi disparates que le Président Bill Clinton aux Etats-Unis, le Président Jacques Chirac en France, l’ancien Premier Ministre John Major en Grande-Bretagne, et le Vatican à Rome.

 

Nous estimons que la raison est l'outil le plus puissant dont dispose l'humanité pour démêler les problèmes qu’elle rencontre.  Mais l'argumentation rationnelle a été un article rare lors de la pléthore récente d'attaques contre le clonage.  Des parallèles avec le mythe d’Icare et le Frankenstein de Mary Shelley ont fait les délices des critiques, prédisant les pires conséquences si les chercheurs persistent à explorer des questions dont les réponses « devraient rester étrangères à l’entendement humain ». Les critiques les plus virulentes semblent accréditer la thèse que le clonage humain soulèverait des questions morales plus profondes que celles jamais rencontrées lors des développements scientifiques ou technologiques  qui ont précédé.

 

Quelles questions morales le clonage humain soulèverait-il?  Quelques religions enseignent que les êtres humains sont fondamentalement différents des autres mammifères, que les humains ont été dotés d'âmes immortelles par une divinité, leur conférant une valeur qui ne peut être comparée à aucune autre chose vivante.  La nature humaine est tenue pour unique et sacrée.  Les progrès scientifiques qui induisent la perception d’un risque d’altérer cette « nature » rencontrent une opposition agressive.

 

Nous doutons que de telles idées, pouvant être enracinées jusqu’à devenir des dogmes, puissent être de quelque secours pour décider dans quelle mesure les êtres humains seront autorisés à bénéficier de la nouvelle biotechnologie. Autant que l’entreprise scientifique peut le déterminer, l’Homo Sapiens est membre du règne animal. Les capacités humaines semblent différer en degré, pas en nature, de celles rencontrées chez les animaux supérieurs. Le répertoire riche du genre humain en pensées, sentiments, aspirations et espoirs semble résulter de processus électrochimiques du cerveau et non d’une âme immatérielle qui opérerait par des voies qu’aucun instrument ne peut découvrir.

 

La question immédiate soulevée par le débat en cours à propos du clonage est donc : « les avocats du surnaturel et du spirituel sont-ils réellement qualifiés pour contribuer à cette discussion ? ». Bien évidemment, chacun a le droit d’être entendu. Mais nous estimons qu’il y a véritablement un danger que des recherches avec un potentiel énorme de retombées positives puissent être arrêtées simplement parce qu’elles rentreraient en conflit avec les croyances religieuses de certains. Il est important de souligner que des objections religieuses similaires ont été formulées dans le passé contre les autopsies, l’anesthésie, l’insémination artificielle, et l’intégralité de la révolution génétique déjà réalisée, alors même que des retombées positives considérables ont accompagné chacun de ces développements. Une vision de la nature humaine enracinée dans un passé mythique de l'humanité ne doit pas être notre critère principal pour prendre des décisions morales au sujet du clonage. 

 

Nous ne percevons aucun dilemme éthique qui serait inhérent au clonage d’animaux supérieurs non humains.  De même, il est clair pour nous que les futurs développements du clonage de tissus humains ou même d’êtres humains ne sauraient créer des difficultés de nature morale dont la résolution irait au delà de la capacité de la raison humaine.  Les questions morales soulevées par le clonage ne sont ni plus importantes ni plus profondes que celles auxquelles les êtres humains ont déjà été confrontés à propos de technologies telles que l’énergie nucléaire, les recombinaisons d’ADN ou le cryptage des ordinateurs. Elles sont tout simplement nouvelles. 

 

Historiquement, l'option Luddite1, consistant à vouloir faire tourner l’horloge en arrière et à limiter ou interdire l'application de technologies déjà existantes, ne s'est jamais avérée ni réaliste ni productive.  Les retombées positives potentielles du clonage peuvent être si immenses que ce serait une tragédie si d’antiques scrupules théologiques devaient conduire à un rejet Luddite1 du clonage.  Nous en appelons à un développement continu et responsable des technologies de clonage, et à un rassemblement sur la base la plus large afin de que les visions traditionalistes et obscurantistes  ne soient un obstacle à des développements scientifiques bénéfiques.

·         Pieter Admiraal, Medical Doctor, The Netherlands

·         Ruben Ardila, psychologist, National University of Colombia, Colombia

·         Sir Isaiah Berlin, Professor Emeritus of Philosophy, Oxford University, U.K.

·         Sir Hermann Bondi, Fellow of the Royal Society, Past Master, Churchill College, Cambridge University, U.K.

·         Vern Bullough, Visiting Professor of Nursing, California State University at Northridge, U.S.A.

·         Mario Bunge, Professor of Philosophy of Science, McGill University, Canada

·         Bernard Crick, Professor Emeritus of Politics, Birkbeck College, University of London, U.K.

·         Francis Crick, Nobel Laureate in Physiology, Salk Institute, U.S.A.

·         Richard Dawkins, Charles Simionyi Professor of Public Understanding of Science, Oxford University, U.K.

·         José Delgado, Director, Centro de Estudios Neurobiologicos, Spain

·         Paul Edwards, Professor of Philosophy, New School for Social Research, U.S.A.

·         Antony Flew, Professor Emeritus of Philosophy, Reading University, U.K.

·         Johan Galtung, Professor of Sociology, University of Oslo, Norway

·         Adolf Grünbaum, Professor of Philosophy, University of Pittsburgh, U.S.A.

·         Herbert Hauptman, Nobel Laureate, Professor of Biophysical Science, State University of New York at Buffalo, U.S.A.

·         Alberto Hidalgo Tuñón, President, Sociedad Asturiana de Filosofía, Spain

·         Sergei Kapitza, Chair, Moscow Institute of Physics and Technology, Russia

·         Paul Kurtz, Professor Emeritus of Philosophy, State University of New York at Buffalo, U.S.A.

·         Gerald A. Larue, Professor Emeritus of Archeology and Biblical Studies, University of South. California at Los Angeles, U.S.A.

·         Thelma Z. Lavine, Professor of Philosophy, George Mason University, U.S.A.

·         Jose Leite Lopes, Director, Centro Brasiliero de Pesquisas Fisicas, Brazil

·         Taslima Nasrin, Author, Physician, Social Critic, Bangladesh

·         Indumati Parikh, Reformer and Activist, India

·         Jean-Claude Pecker, Professor Emeritus of Astrophysics, Collège de France, Academy of Sciences, France

·         W. V. Quine, Professor Emeritus of Philosophy, Harvard University, U.S.A.

·         J. J. C. Smart, Professor of Philosophy, University of Adelaide, Australia

·         V. M. Tarkunde, Reformer and Activist, India

·         Richard Taylor, Professor Emeritus of Philosophy, University of Rochester, U.S.A.

·         Simone Veil, Former President, European Parliament, France

·         Kurt Vonnegut, Novelist, U.S.A.

·         Edward O. Wilson, Professor Emeritus of Sociobiology, Harvard University, U.S.A.

Traduction sous la responsabilité du comité départemental de Loire Atlantique de l’AFIS

 

1 Note de vocabulaire : "luddite" (et non, curieusement, luddiste) est l'adjectif relatif à "luddisme".

En 1811, en Grande-Bretagne, le mouvement luddite (du nom de Ned Ludd, apprenti tisserand britannique qui aurait cassé un métier à tisser avec une masse), dénonce les ravages du progrès technologique et le chômage induit par l’automatisation. Les ouvriers brisent machines et moulins. Cela préfigurait ce qui s’est passé en France, en 1831, quand l'introduction des métiers à tisser la soie a provoqué l'insurrection des ouvriers tisserands lyonnais (les Canuts), qui attaquèrent une usine à Saint-Étienne pour en briser les machines…. Cette référence, plus courante dans les pays anglo-saxons ou au Québec qu’en France avait été utilisée par les cahiers de science et vie (juin 2001) en s’interrogeant à propos de certains « démontage » et « défrichage » médiatisés en posant la question : « José Bové le luddite? ».

 

Michel NAUD, coordinateur du comité départemental 44

de l’Association Française pour l’Information Scientifique

 

afis, Science et pseudo-sciences, 14 rue de l'école polytechnique, 75005 PARIS.