29 juin 2004 – 7 septembre 2004

homéopathie et médecine scientifique

fin d’une « controverse scientifique »

à propos du communiqué de

l’académie de médecine

 

A lire certains commentaires relatifs au communiqué de l’académie de médecine sur l’homéopathie, il ne s’agirait que d’une étape de plus dans une vieille controverse. Ce n’est pourtant plus le cas ; et ceux, qui comme nous, prennent part à ces débats depuis le début, se félicitent que la dimension scientifique de la controverse a enfin disparu.

 

Pendant des années, les promoteurs de l’homéopathie se battaient sur la « ligne de front » de leurs principes fondateurs d’il y a deux siècles : le principe de similitude (« les maladies se soignent par des substances qui reproduisent des effets similaires aux symptômes de l’affection »), le principe de dilution («  les médicaments produisent d’autant plus d’effets qu’ils sont dilués ») « perfectionné » par un principe de « dynamisation », et enfin le traitement individualisé en fonction du malade.

 

L’aventure Benveniste et le flop de la « mémoire de l’eau » (« comment l'eau peut-elle conserver des traces d'un contact avec des molécules dès lors que celles-ci, à force de dilutions, ont disparu ? ») ont quand même laissé des traces ; plus personne désormais n’ose plus prétendre qu’il resterait une trace du produit d’origine dans les faibles dilutions (ce que ne prétendait d’ailleurs pas Benveniste).

 

Le médecin homéopathe interviewé hier soir sur TF1 déclarait : « ce qui heurte, c’est l’énigme posée par l’homéopathie : il n’y a rien dedans d’un point de vue chimique mais ça marche, même si on ne sait pas comment ça marche » ; Christian BOIRON lui-même déroulait un argumentaire similaire au même moment sur les antennes de France 2.

 

La société BOIRON, leader mondial du produit homéopathique, cotée en bourse, employant de l’ordre de 2500 salariés, a enfin abandonné le terrain de la controverse scientifique ; il suffit pour s’en persuader de lire les témoignages d’experts qu’elle reproduit sur son propre site internet :

 

« Il ne suffit plus de comparer l'efficacité du médicament, il faut également étudier son coût et son impact sur la qualité de vie du patient. » (Gérard DURU)

 

« Sur le plan de la recherche fondamentale, il est vrai que la vision scientifique est difficile à établir. Sur le plan thérapeutique, force est de reconnaître qu'en certains cas, l'homéopathie présente une efficacité supérieure à celle de molécules connues ou d'un placebo » (professeur Xavier CODACCIONI )

 

La position défendue hier par Christian BOIRON était parfaitement claire sur ce point pour ceux qui voulaient l’entendre : « l’homéopathie est tout autant un allié pour la Médecine qu’un atout pour la Sécurité Sociale ». 

 

Dès lors que les promoteurs de l’homéopathie n’essaient plus de nous faire prendre des vessies pour des lanternes (au risque de la brûlure, disait Pierre Dac) ; dès lors que l’efficacité, réelle, de l’homéopathie est reconnue pour ce qu’elle est, à savoir celle d’un « placebo optimisé », pour reprendre l'expression heureuse du Docteur Jacques AULAS (Les médecines douces. Des Illusions qui guérissent. Ed. Odile Jacob) ; dès lors que les laboratoires fabricants de produits homéopathiques ne se posent plus en « concurrents » mais en « alliés » de la Médecine (reconnaissant de ce fait qu’il n’y a qu’une Médecine, la médecine scientifique), alors les politiques de santé sont bel et bien fondées à se poser la question en terme d’efficience.

 

Michel Rouzé, fondateur de l’association française pour l’information scientifique, écrivait en 1992 dans Science et pseudosciences :

 

« Le "médicament" homéopathique est le placebo parfait. Il ne contient presque pas de substance active; souvent il n'en contient pas du tout. Mais, à plus d'un égard, l'homéopathie constitue, dans la jungle des thérapeutiques parallèles, un cas particulier. S'appuyant sur une idéologie irrationnelle vieille de deux siècles, elle s'est assurée dans notre société déboussolée une influence grandissante, grâce à un marketing perfectionné. (…). Il faut  bien admettre qu'un placebo comme la dilution homéopathique de foie de canard (Oscillococcinum), remède parfaitement fantaisiste, est préférable, pour soigner bien des rhumes enfantins appelés à guérir spontanément, à l'administration intempestive d'antibiotiques avec le risque de faire apparaître des souches microbiennes résistantes et de retarder la maturation du système immunitaire. Dans ce cas, vive l'homéopathie ! »

 

Bien entendu, dans la foule des réactions indignées que ne manquera pas de soulever ce communiqué de l’académie de médecine, il se trouvera des proclamations de foi fantaisistes ou des propos de charlatans. Finalement, peu importe. N’oublions pas que si la Médecine veut pouvoir se féliciter d’avoir à sa disposition des « placebos efficaces » il ne faut pas non plus scier complètement la branche sur laquelle s’assoit leur crédibilité.

 

Ainsi, l’enjeu principal de la fin, en réalité, de ce que d’aucuns ont longtemps considéré comme une « controverse scientifique » n’est effectivement pas la question du déremboursement des derniers 35 % de ces sympathiques gélules finalement peu coûteuses, mais plutôt de redresser la barre dans quelques unités d’enseignement de médecine pour bien former des médecins à même d’utiliser de façon efficace et efficiente toutes les ressources thérapeutiques (y compris les placebos homéopathiques) et non plus des adeptes d’une médecine par la foi.

 

 

Nantes, le 8 septembre 2004