Pour
le philosophe Luc Ferry un trait marquant, parmi d’autres, de l’état,
complexe, de la société civile française est le double constat d’une
véritable prolifération des peurs et d’une déculpabilisation de la peur. Cette
société de la peur a notamment pour conséquence fâcheuse d’induire une
répression massive de la recherche scientifique et de la volonté
d’innovation. « Depuis une quarantaine d’années, pas plus,
nos concitoyens ont peur de tout, du sexe, de l’alcool, du tabac, de la
vitesse, de la côte de bœuf, du poulet, des délocalisations, de la Turquie,
de la globalisation, de l’effet de serre, du réchauffement climatique, des
OGM évidemment, de mille choses encore, des nanotechnologies, des
micro-ondes… » Cette
prolifération des peurs a été ouverte par deux grands courants de pensée qui
sont l’écologie contemporaine et le pacifisme et pour lesquels la peur est une passion positive. Cela a
été théorisé dans un livre phare de l’écologie allemande, le principe de responsabilité (Das Prinzip Verantwortung, Hans Jonas, 1979), et notamment dans le chapitre
intitulé l’heuristique de la peur :
la peur aide à découvrir les menaces qui pèsent sur le monde ; il y a
ainsi une véritable déculpabilisation de la peur. Avec l’idée que la peur va
permettre à l’homme de découvrir la vérité, et qu’elle constitue un premier
pas vers la sagesse, la peur est survalorisée et la sagesse définie comme
principe de précaution, « principe
qu’on a absurdement inscrit à un endroit où il n’a rien à faire, à savoir la
constitution française, à mon grand désespoir. » Le grenelle de l’environnement. « Ce
Grenelle n’a aucun statut républicain. C’est assez irritant parfois qu’on
nous présente un barnum médiatique comme s’il s’agissait d’une institution de
la république. Il y a des parlementaires, il y a un gouvernement, il y a des
institutions républicaines de débat public, on n’a pas besoin d’ajouter à
cela des configurations qui sont purement communicationnelles et médiatiques
et qui n’appartiennent pas à la grandeur de la République. » L’innovation et la recherche. Se déclarant en accord avec Claude Allègre, Luc
ferry déclare que c’est par plus de science et non pas par moins de science
qu’on résoudra les problèmes du monde. Or la situation ne porte pas à
l’optimisme : en quinze ans, en France, nous avons perdu 45 %
d’étudiants dans les vraies sciences, dans les sciences dures : en
physique, en biologie, en chimie ; un peu moins en mathématiques (25
%) ; même chose en Allemagne, même chose au Canada. (suite dans la deuxième partie) |
La
société de la peur Cette
vidéo constitue l’enregistrement de la première partie d’une intervention de
Luc Ferry le 24 avril 2008 dans le cadre du colloque « regards croisés –
Semences et société pour une agriculture durable » organisé par le GNIS.
Visionner
la deuxième partie de l’intervention (« le retour de
Frankenstein ») |